Le château n’était plus qu’un cadavre fumant, éventré, vidé de toute lumière. Ses tours s’effondraient lentement, comme si elles refusaient de porter plus longtemps le poids des horreurs enfouies dans ses entrailles. Mais sous les pierres, entre les os, dans les ruines, quelque chose palpitait encore.
L’Écorché, debout au milieu de ce champ de ruines, levait les bras vers le ciel noir. Son corps, fait d’os, de fer et de rancune, vibrait d’un feu ancien. Une flamme mauvaise, rouge sombre, nourrie par les siècles de douleur, de cris et de tortures, s’élevait depuis ses entrailles mortes. Elle ne brûlait pas comme le feu des vivants. Elle consumait sans chaleur. Elle dévorait sans lumière.
Il avait été foudroyé par l’énergie des deux sœurs. Une puissance qu’il ne connaissait pas. Il fallait la détruire.
Les cendres du château glissèrent en tourbillons autour de lui. Le sol s’ouvrit à ses pieds, et un flot de miasmes noirs en surgit. Des tentacules de vapeur lourde se dressèrent dans l’air figé, et un hurlement venu du fond des catacombes brisa le silence du monde.
L’Écorché ouvrit sa paume. Dans sa main osseuse, il serrait un talisman de chair tannée, marqué de runes sanglantes. Il le brisa.
Un instant plus tard, le sol s’ouvrit dans un râle visqueux, comme si la pierre elle-même vomissait ses entrailles. Une gerbe d’eau noire jaillit des profondeurs, éclaboussant les murs de boue et de puanteur. Et du cœur de cette abjection surgit une hache double, énorme, fendue de rouille et de sang coagulé — brandie par un bras que l’on aurait cru forgé dans l’ombre même des égouts.
Elle était gigantesque.
Noire comme la mort, couverte de boue et d’ossements. Ses lames absorbaient la lumière et distillaient la mort. Assoiffée de sang il lui suffirait de s’abattre pour engloutir le monde dans le gouffre des ténèbres.
Son nom était Draugvyr.
Elle était le silence d’après le dernier souffle.
L’Écorché se mis en marche à la poursuite des compagnons, sa hache de mort à la main. Et la terre gémit sous le poids de leur union.
Autour de lui, ses spectres se recomposaient. Ceux qu’il avait rappelés, ceux qu’il avait arrachés au néant, marchaient à nouveau. Dix. Quinze. Peut-être vingt. rampant sur des bras trop longs. D’autres au crâne fendu, aux orbites vides. Des âmes désincarnées, incapables de mourir.
La chasse reprenait.
Vers le nord. Vers la montagne.
Le ciel s’assombrit. Des nuées d’oiseaux tombèrent du ciel. Les branches se rompaient d’elles-mêmes sur leur passage. L’eau des ruisseaux se mit à bouillir. Les renards fuyaient en silence. Les corbeaux mouraient dans les arbres. La nature elle-même hurlait d’effroi.
Mais elle ne se contentait pas de fuir.
Elle résistait.
Au loin, les éléments se déchaînèrent. La neige se fit plus lourde, la montagne s’obscurcit de nuées furieuses. Les vents se levèrent, d’une violence folle. Des torrents de glace dévalaient les flancs escarpés. Des avalanches cachaient les sentiers. Des congères énormes tentaient d’ensevelir les morts.
Mais ce cortège mortel ne se laissait pas ralentir. Car ils n’étaient pas hommes ou femme, ni bêtes. C’était la mort elle-même qui progressait, pas après pas.
Et l’Écorché était le Néant personnifié. Et la montagne elle-même gémissait à son approche.
La colonne s’enfonça dans les neiges profondes, brisant les forêts de sapins tordus, écrasant les bêtes mortes sous ses sabots. Là où ils passaient, plus rien ne repoussait. Le froid devenait cendre. La glace se fissurait. Le silence devenait absolu.
Devant lui, il sentait la lumière.
Il la haïssait. Il voulait la mordre. L’écraser. La noyer.
Myra.
Les sœurs.
Le fluide.
La vie.
Tout devait périr. Tout devait s’agenouiller devant le gouffre de son âme vide. Car dans son crâne fendu, une seule pensée brûlait : détruire. Détruire tout ce qui n’avait pas encore pourri. Tout ce qui battait encore. Jusqu’à la Source.
Et la montagne ne serait pas un sanctuaire.
Elle serait un tombeau.
Un chapitre sur une nouvelle arme pour l'écorché et elle a une âme bien sombre aussi. Comme quoi l'épée fait le maitre ahaa
Et rien à dire, chapitre encore une fois chouette et j'attends de voir ce qui va se passer à la Source !
Je me garde ça pour demain ! :)