La Pimbêche

J’ai une nouvelle voisine. Elle est arrivée dans notre immeuble le mois dernier. La première fois que j’ai entendu sa voix, j’étais en train de refermer ma porte pour partir chercher mon pain et faire mon petit tour du matin. Elle m’est arrivée d’en bas sa voix. Elle engueulait un déménageur pour une histoire de commode qui venait de frotter contre un mur. 

Tiens que je me suis même dit, elle a pas l’air commode celle-là, ça doit être la nouvelle voisine. Je m’en souviens bien parce que je suis pas fort d’habitude, en jeux de mots.

Le gars a marmonné quelques excuses. Je savais même pas qu’un déménageur pouvait s’excuser moi. Faut vraiment pas être facile pour pousser un déménageur à des excuses. Comme j’étais pas pressé, et qu’ils tenaient tous les escaliers en montant vers moi, j’ai décidé d’attendre.

C’est un gros bonhomme qui montait en tête. Il était suivi de la commode puis d’un autre type, tout vieux celui-là et qui soufflait fort. Venait ensuite la nouvelle à la voix sévère. Pour pas gêner, je me suis perché sur la première marche qui menait au troisième. Elle s’est faufilée entre eux pour ouvrir la porte. Ça m’a fait un peu drôle. J’ai vraiment réalisé à ce moment-là que je reverrais plus monsieur Trudeau. Qu’il était bel et bien parti.

C’était vraiment un gros blaireau Trudeau. Je le regretterai pas. Il marmonnait un truc vague pour répondre à mes aimables bonjours. Il semblait toujours de mauvaise humeur et il arrivait à vous y impliquer dans son humeur, juste d’un regard. On sentait qu’on avait fait quelque chose pour le mériter ce regard… on cherchait quoi.

Là pour le coup, elle ressemblait pas à Trudeau la nouvelle. Dès qu’elle a posé les yeux sur moi, je lui ai envoyé un de ces bonjours prudents… comme ceux que j’offrais à Trudeau. Elle a pris le temps de fusiller le gros du regard avant de me répondre. Mais alors très aimablement. Ses yeux sont restés glacés, ça je dois bien le reconnaître, il n’empêche qu’elle m'a souri bien gentiment. Elle avait des petites dents vraiment mignonnes. Des canines surtout, très pointues... Charmantes... J’ai dû me faire violence pour pas aller à sa rencontre et lui offrir mon cou pour qu’elle s’y désaltère en ronronnant. Et puis alors… le reste autour…

— Bonjour ! elle m’a dit, vous habitez l’immeuble ?

— Oui, juste en face.

J’ai désigné ma porte pour lui montrer où c’était en face de chez elle. On devient toujours complètement cons, nous les hommes, dès qu’on tombe sous un charme.

— Oh !

— Bienve…

Elle avait fini d’ouvrir et elle s’est engouffrée chez elle sans attendre le « nue » de mon bienvenue. Les types l’ont suivie. Ils ont fait très attention pour passer la porte sans accrocher leur commode au passage. Elle les avait dressés en moins de deux.

Je suis descendu tout flageolant. J’avais beau cligner, son sourire restait accroché devant mon nez.

Chez Lulu, ma boulangère, je l’avais encore mon sourire charmé. Elle l’a vite interprété Lulu.

— Ah tiens ? On est de bonne humeur ce matin ?

Elle s’est mise à cligner elle aussi, mais juste de l’œil gauche. C’est un tic qu’elle a. Ça fait un peu peur aux nouveaux clients, mais nous, dans le quartier, on fait même plus attention. Elle a en même temps jeté un regard entendu à la mère Duboeuf.

Elle cherche toujours la confidence Lulu. Elle vous balance de ces petits pièges, comme ça, pour vous faire un peu causer. Causer à Lulu, ça équivaut à prendre un mégaphone et à la hurler dans la rue votre confidence. Elle a des relais. Je crois que la moitié de sa clientèle vient chercher là sa récolte de confidences autant que son pain. Elles lui refilent ce qu’elles ont glané de leur côté les rombières. Donnant donnant.

Moi j’aime bien leurs croissants. Monsieur Lulu est un bon pâtissier. Il s’appelle Roger, mais pour tout le monde ici, même pour moi qui l’ai pourtant connu en culotte courte, c’est monsieur Lulu. Le dimanche, il leur vient des clients de partout pour ses opéras. C’est sa grande spécialité.

Sinon, les turpitudes des mignonnes du quartier ne me passionnent pas plus que ça. Enfin je dois bien avouer qu’il m’arrive de tendre un peu l’oreille aux potins. Quand c’est sexuel surtout. Personne n’est parfait. Et puis faut dire qu’il est salement débraillé mon quartier. 

— Oui ! J’ai bien dormi.

— Alors… on va avoir une nouvelle voisine ? On dit qu’elle est canon. Enfin c’est Lefèvre qui le dit. Quel obsédé celui-là.

Lefèvre est un des indics maison. C’est l’agent immobilier qu’a son commerce un peu plus haut. Il l’a déjà scannée la nouvelle. Sans doute en la faisant visiter. Il a fait son rapport.

— Ah ben tiens j’ai répondu, c’est marrant ce que vous me dites, parce que je viens justement de la croiser ma nouvelle voisine. J’ai pas fait attention si elle était vraiment canon, mais elle m’a semblé plutôt aimable.

— Et voilà que monsieur Gehin me prend pour une courge... Et il lui vient d’où alors ce sourire de ravi ? Si c’est pas de cette aimable rencontre ? Lefèvre a l’air de dire qu’elle a pas froid aux yeux la nouvelle. Lefèvre il est un peu comme vous, enfin sauf votre respect vu qu’il est tout tordu de la mâchoire… on doit le décrypter. Quand il dit aux yeux… faut comprendre autre chose. En tout cas je suis contente pour vous. Je dis toujours à tout le monde que vous seriez parfait, si seulement vous vous trouviez enfin une femme. Et puis ça vous ferait du bien et vous achèteriez peut-être moins de whisky et un peu plus de viande. On en parlait justement avec madame Duboeuf, juste avant votre arrivée. Pas vrai madame Duboeuf ?

Ça, le coup du whisky, c’était vraiment une vacherie. Je suis pas ce genre d’homme qui boit. C’est juste que je l’avais croisée Lulu, deux ans plus tôt, au supermarché, alors que j’en prenais du whisky, pour avoir quelque chose à offrir à l’apéritif. Elle me le resservait depuis cet écart, au moins une fois par mois. J’avais renoncé à me défendre.  

Elle a pas nié la mère Duboeuf. Elle a, elle, un minuscule mari dépressif. Je sais bien qu’elle rallongerait volontiers la sauce avec moi. Elle me le fait comprendre du popotin. Depuis des années que je la croise, il se met à gigoter dès que je me trouve à sa portée. Là par exemple, chez madame Lulu, de cette concurrence nouvelle qui venait de débarquer dans le quartier, il en frétillait. Il voulait relever le défi.

On est comme on est, je suis pas là pour critiquer, mais même au repos, faut bien reconnaître qu’il a un côté effrayant le popotin de la Duboeuf. 

Attention, elle est pas la seule à me faire des appels. Tout ça, je le dois à Lulu. Elle a cette sale lubie de marier la Lulu. Elle cherche à apparier tous les célibataires du quartier. C’est une véritable passion. Elle a cinq mariages à son actif. En quinze ans de quartier, c’est pas si extraordinaire, mais quand même. Pour la mère Duboeuf c’est un peu différent, elle la sait mariée bien sûr, mais on connait tous ses problèmes au père Duboeuf, par la secrétaire de Laporte, notre docteur.

Elle fait aussi dans le rapprochement moins sérieux Lulu. Plus furtif. Plus décontracté. Elle donne dans la partie libertine entre adultes consentants. Tout le monde est au courant ici. Elle participe jamais par contre. Elle tient absolument à ce que ça se sache. Mais elle aime à se faire raconter. Moi, elle tente de m’approcher depuis des lustres pour que j’aille m’amuser un peu avec son cheptel d’obsédés. Elle me fait tout plein d’allusions. Comme quoi ça me ferait le plus grand bien. Je fais semblant de pas comprendre. Je joue les andouilles. Je suis plutôt bon dans cet exercice.

Lulu elle en pince que pour les petits apprentis. Son mari a beaucoup de mal à en garder un. La plupart s’enfuient dès les premiers jours. Ceux qui restent dépérissent. Elle les assassine d’amour. Même les petits vicelards, qui s’imaginent qu’ils sont arrivés au paradis, ils tardent pas à la trouver vraiment trop insatiable.

Vers huit heures trente, c’est le moment des papouilles. Elle envoie son homme à la poste. Elle a toujours un truc à expédier. Lui en profite pour boire un coup en passant et par se faire un petit tiercé. Madame Violette, qu’est réglée comme une horloge, débarque pille à ce moment, elle vient chercher son pain. Elles sont vaguement cousines. Violette la remplace vingt minutes à la caisse. Lulu en profite pour s’occuper du loupiot. Ils sont rarement majeurs. Elle en ressort ragaillardie et toute chavirante. Elle a son œil fripon qui part en toupie et les fesses toutes farinées. Elle se trompe dans la monnaie pendant tout le quart d’heure suivant.

Avec mon pain et mon sacristain, je pars faire un petit tour de square. Je me pose ensuite sur notre banc.

— Un bon quart d’heure de banc par jour pour garder la forme ! Je dis parfois à Ricous quand il me rejoint pour fumer sa cigarette. Ça nous fait rire.

— Pas mieux, il me répond.

Ensuite, on partage un zan. Madame Ricous aime pas trop qu’il pue le tabac.

Il est sympa Ricous, malgré qu’il soit, comme Lefèvre, un peu tordu. Mais lui c’est du bassin. Certains disent qu’il a eu la polio. D’autres qu’il s’est fait renverser. On est amis depuis toujours lui et moi. Matthias il s’appelle, mais j’ai gardé de notre enfance cette habitude de l’appeler par son nom de famille. Du plus loin que je me rappelle en tout cas, il l’avait déjà cette petite vrille du torse.

Quand je suis rentré, le camion des déménageurs avait disparu. Je me suis arrêté quelques secondes sur mon palier, à guetter les bruits que faisait la nouvelle en rangeant son fourbi. J’ai repensé à ses deux petites canines et à son nez un peu retroussé. Je suis vite rentré prendre une douche.

Je ne l’ai plus croisée de la semaine. Je crois qu’elle était absente. Et puis elle m’est réapparue un beau matin, alors que je vidais les pubs de ma boîte aux lettres avant de sortir chercher mon pain.

— Bonjour mon voisin, elle m’a dit.

Je suis resté figé. Elle m’a souri distraitement et elle a regardé dans sa boîte. Elle m’a encore zieuté. Elle m’a découvert sa canine droite et elle m’a dit que je devrais songer à mettre un autocollant Stop Pub sur ma boite. Ensuite, elle s’est envolée dans les escaliers. Je suis resté sans bouger jusqu’à ce que son odeur ait complètement disparu. Une odeur de luxe… ou de luxure... Je savais pas trop.

J’ai réenfourné mes pubs dans ma boîte et je suis parti me poser sur mon banc. Je sentais bien que mon air de ravi m’était revenu. Je voulais pas passer chez Lulu dans cet état. Elle m’aurait démasqué amoureux et balancé à tout le quartier.

 

Ça a suivi le cours habituel. Enfin habituel pour moi. Je m’arrangeais pour la croiser. Elle m’offrait un bonjour et quelquefois, quand elle était de bonne humeur, un petit sourire. Je lui guettais ses mignonnes canines. Je lui mâtais son petit nez. J’osais pas la regarder dans les yeux. J’avais bien envie de le lui sucer son petit nez et de lui offrir ma gorge pour me faire vider de mon sang. Ça devenait une véritable obsession ce truc. Je me reconnaissais pas de me découvrir ce genre d’étrange perversité.

Ça aurait pu continuer longtemps comme ça. Je la matais par mon œilleton quand je l’entendais arriver. Pour m’assurer qu’elle était seule.

J’allais aux nouvelles chez Lulu. Voir si elle avait des infos sur son pedigree à la nouvelle. J’osais pas demander franchement, mais Lulu a pas tardé à me confondre. Elle a fait savoir partout que je courais après la pimbêche.

Elle avait pas trop la côte ma voisine. À cause de toute sa beauté qui faisait de l’ombre aux rombières. Elle était devenue la pimbêche. Elle marchait comme une princesse au milieu de ses serfs. Les hommes arrivaient pas à la regarder et à parler en même temps. Les femmes, ils leur sortaient de longues langues toutes fourchues dès qu’elle les avait dépassées.

Je me rendais bien compte qu’elle me voyait comme un décor. Je faisais pourtant plein d’efforts. Vestimentaires surtout. Je cherchais, sur les magazines, les hommes qui me semblaient capables de lui plaire. Je me faisais des looks comme eux. Je me ruinais en fringues pour acteurs. Ça donnait forcément moins bien sur moi. Par contre, ça faisait beaucoup marrer dans le quartier, mes efforts pour sortir de la transparence. Lulu me donnait des conseils, j’avais renoncé à nier que j’en pinçais pour la pimbêche. Elle m’a déconseillé les costumes Lulu, et surtout le style dandy. Elle me voyait plus dans un genre décontracté, façon Guillaume Canet.

La voisine, ça semblait pas trop la troubler mes efforts. La mère Duboeuf par contre, elle tortillait de plus en plus. J’osais plus sortir à la nuit de peur qu’elle m’attrape et me traîne dans une ruelle. Elle me regardait comme un doberman affamé regarde un lapin nain qui passe juste hors de sa portée, en espérant qu’il fera le petit pas de trop. Elle me sentait réceptif comme jamais la garce.

Lulu, parmi ses qualités, on peut noter un absolu manque de scrupules lorsqu’il s’agit de pousser ses poulains devant le maire. Elle m’a à la bonne et elle me voyait mûr pour convoler. Lui restait plus qu’à piéger la pimbêche.

 

Elle bouffe des pains biologiques ma petite vampire… Biologique et aux noix. Lulu s’est chargée de la courtiser pour moi. Elle lui fait l’article. Elle mise beaucoup sur mon avenir. Elle me le voit en or massif. Elle affirme à tous les vents que je suis en instance d’un fabuleux héritage… Que si j’ai cet aspect tout fripé, c’est uniquement pour tenir les femmes à distance. Qu’en fait je suis très raffiné.

Elle les lui distille par petites touches ses infos frelatées. Elle ruse même parfois. Elle est vraiment pleine de vice. Quand la pimbêche se pointe, elle fait semblant de s’adresser à la Duboeuf. Celle-là, elle passe plus de temps avec Lulu qu’avec son homme.

— Dites donc madame  Duboeuf ? Vous savez pas la dernière ? Je vous le dis à vous parce que je sais que vous savez garder un secret… Notre Gehin est pressenti pour la Légion d’honneur. Il aurait sauvé trois enfants de la noyade l’été dernier, à la Grande-Motte. C’est fou ce qu’il est discret. Je l’ai appris par le maire. Lui il va pas s’en vanter. C’est la modestie même.

Là, elle prend derrière elle un petit pain.

— Un bio aux noix madame Sylvie ?

Elle s’appelle Sylvie ma tourmenteuse. Toutes les merveilles peuvent pas s’appeler Shéhérazade. Enfin elle est sacrément gonflée Lulu. Moi qui nage comme une cigogne… pas plus haut que les genoux.

La mère Duboeuf, elle comprend pas toujours les subtilités boulangères. Elle les gobe comme un caméléon gobe les mouches, les bêtises à Lulu. Elle s’est mise à tortiller aussi de la poitrine en plus du derrière, lorsque je pénètre sur son terrain de chasse. L’effet médaille sans doute. J’ai essayé de décaler ma baguette. De la prendre juste à l’ouverture, dès sept heures du matin, pour éviter de la croiser. Peine perdue.

Son minuscule mari à la Duboeuf, il vient parfois nous rejoindre Ricous et moi, sur notre banc du square. Il est plus trop frétillant lui. Il parle peu, et presque uniquement de sa carrière de joueur de bridge. Il aurait brillé dans ce domaine à une époque. Et puis la mémoire l’aurait fui. Il travaille dans le spectacle maintenant. Enfin à temps partiel. Il vend les billets pour les matchs du dimanche.

Depuis quelque temps, je sens bien que le travail de Lulu commence à porter ses fruits. Elle me regarde différemment Shéhérazade. Et surtout, elle me laisse plus passer devant elle quand on se retrouve dans les escaliers. Elle attend que je finisse de trier mes factures de mes pubs et elle prend les devants. Je crois que je monterais jusqu’au ciel derrière elle, dans le sillage de son odeur, les yeux rivés à ses jambes. Elle frétille même pas. Ses fesses vous hypnotisent sans en rajouter. Je la suis jusqu’à notre palier. Je reste encore en retrait pendant qu’elle ouvre sa porte. J’ose pas trop m’en approcher et j’aime bien cette vue en contre-plongée.

Je me la rejoue souvent avant de m’endormir cette scène. Je gémis un peu et il me monte une larme de bonheur. Il m’arrive aussi de la retrouver dans mes rêves. Mais là, elle me fait signe et je la rejoins.

Eh bien ça a fini par arriver. Hier matin. Je revenais de mon square et elle de chez Lulu avec son petit pain aux noix. Je venais de refermer ma boîte aux lettres et j’avais des prospectus plein les mains.

Elle est passée devant moi et elle s’est arrêtée à la cinquième marche pour frotter une tâche sur le dessus de sa chaussure. Comme j’étais lancé, j’ai pas réussi à stopper pile. J’ai gravi les deux premières marches sur mon élan. Je me suis retrouvé les yeux posés directement sur son derrière. J’en jurerai pas, mais il m’a bien semblé me faire un petit appel gauche droite.

Elle l’a frotté quelques secondes sa tâche. Moi j’aspirais de l’air plein de son odeur et je recrachais rien. Je crois que j’aurais explosé si ça avait duré plus longtemps.

Elle s’est remise en route. Je l’ai laissée prendre trois marches d’avance pour pas avoir l’air de la coller et rester à ma hauteur préférée. Arrivée devant sa porte, elle s’est retournée vers moi avec un air que je ne lui connaissais pas. Elle me souriait tendrement. J’ai cligné plusieurs fois pour me débarrasser de cette illusion.

— Ça va mon voisin, elle m’a dit ? Toujours pas de Stop Pub ?

— Grazoubzzzz ! J’ai répondu… Ou un truc dans ce genre.

— Et si je vous invitais à boire un café ? On se connaît un peu maintenant. Je sais que vous êtes un gentleman.

— Gruzb ? Je veux dire vraiment ? Mais volontiers. Je pensais justement à m’en faire un en arrivant chez moi.

 

Je l’ai suivie J’ai pénétré dans son entrée comme on pénètre dans un sas vers un monde mystérieux et plein de dangers. Moi qui rêvais de cette invite depuis qu’elle avait prononcé le mot commode en bas des escaliers, j’ai dû me maîtriser pour pas me sauver. Elle a enlevé sa petite veste de cuir et elle s’est retournée vers moi en me souriant bizarrement avant de repartir vers son salon. Sa veste pendait au bout de son bras. Il m’a bien semblé, cette fois, qu’elle frétillait un peu. Elle a jeté sa peau sur un fauteuil.

Elle m’a invité à me mettre à l’aise. J’aurais eu plus de facilité à me mettre à parler chinois. Elle est passée derrière un comptoir pour nous faire son café. J’ai regardé autour de moi et j’ai jeté un regard complice à la commode. Les murs étaient couverts de posters de Guillaume Canet. Elle a suivi mon regard.

— C’est vrai ce que m’a dit la boulangère ? Que vous connaissiez bien Guillaume Canet.

J’ai tout envoyé balader. Toutes mes réserves. Je suis de ceux qui ne voient pas passer leur chance si souvent et qui sont bien capables de regarder à côté par pure lâcheté. Mais pas cette fois. Je me suis laissé tomber sur son fauteuil. En écrasant sa veste, m’est remontée une bouffée de son odeur. J’ai fait dans ma tête un petit signe de croix et j’ai sauté dans le vide.

— Oui j’ai répondu. On est plutôt intimes. Je le conseille pour ses costumes et je l’aide parfois à juger les scénarios qu’il reçoit.

Son petit nez s’est mis à frétiller follement et elle m’a découvert ses canines en venant s’asseoir à mes côtés.

 Je me suis promis de ne plus jamais dire du mal de Lulu.

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Zultabix
Posté le 11/05/2021
Tant par son rythme que par ses sonorités, ce "Temps des tigresses" cousine parfois avec la "petite musique" Célinienne ! On est dans le léger, le vivant, le quotidien de quartier. Le décor est planté, le populo y popule à son aise. L'anti-Don Juan semblait attendre la "nouvelle" avec grand appétit. On regrette cependant de ne pas en connaître un peu plus sur cézigue. Son blaze, son turbin, ses aspirations autres que le popotin des pipelettes ! Bref, on attend la suite, comme les fêtards attendent les premiers croissants chauds de l'aube.

Bien à toi !
James Wouaal
Posté le 11/05/2021
Amusant, car ce brave homme travaille justement comme comptable à la Vaillante. La Vaillante, qui lors du premier jet s'appelait, "la Coccinelle"... Clin d'oeil Célinien qui m'amusait, mais que je me suis empressé de refermer par respect pour le maître...
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