Le sommeil fuyait le Grand Maréchal. Sur le dos, le flanc ou le ventre il ne parvenait à le trouver. Et ce fichu moustique qui lui bourdonnait dans l'oreille ; que venait faire cette bestiole au plein cœur de l'hiver ? D'un revers de main il chassa l'indésirable mais l’insecte revint encore à la charge. Pour un maringouin, une seule goutte du meilleur des nectars valait tous les risques. La détermination de l'insecte ne saurait être étouffée par des soufflets imprécis. Cet agacement nocturne, comme une pincée de sel sur une plaie ouverte, irrita le Grand Maréchal plus que de raison. La lavande éparpillée sur le jute de sa tente couvrait les odeurs nauséabondes du camp. Pourtant, ses tons boisés et la pointe de bergamote l'incommodait. Un rien l'affriolait. Même la douceur délicate de sa couverture de laine de mouton le crispait.
Angust de Clarens se tourna à nouveau dans sa couche, ce maudit insecte ne le laisserait pas à ses aises. Il se redressa. Dans la nitescence de deux braseros, il rechercha l’effronté. Le vrombissement cessa. Exaspéré par ce combat qui allait s'éterniser, le Grand Maréchal sortit du lit. Il enfila sa longue robe de chambre taillée dans un lampas fond gros carmin et se glissa dans deux pantoufles doublées de fourrure de martre. Il s'approcha d'une table sur laquelle des cartes à différentes échelles des Trois pays représentaient les positions des armées de l'Émissaire et celles du Parakoï. Le Grand Maréchal s'en désintéressa pour y préférer une carafe d'hypocras. Les épais tapis eurent la primeur de la boisson lorsque le seigneur de Clarens se servit une coupe débordante. Il la but d'une traite vigoureuse. Son monde lui échappait, il imaginait peut-être le retenir dans les vapeurs alcoolisées comme tant d'hommes avant lui. Il serait alors le premier à réussir ce miracle.
Le Grand Maréchal, Illustre parmi les Grands, malgré sa renommée et la reconnaissance de ses pairs, broyait du noir. Une carrière militaire et politique exemplaire, une réussite financière remarquable et une vie mondaine enviée ne préservaient pas d'un retournement pernicieux de sa félicité. Tous ses proches le désertaient les uns après les autres. Le Second Sujet du pays Randais d'abord, Odrian de Launys, immolé dans l'incendie de sa citadelle. Malgré des efforts colossaux, sa dépouille n'avait pu être extraite des ruines encore fumantes. Aucune cérémonie à la hauteur de son rang, aucune sépulture digne de sa mémoire et avec sa disparition, l'avènement de ces escrocs meurtriers faussement démoniaques. Il les anéantirait dès que l'occasion se présenterait. Il ne connaissait pas les secrets de ces comploteurs mais il les révélerait au grand jour. Il prouverait leur méprisable imposture.
Un coup de poing rageur sur la table ponctua une nouvelle rasade. Un jeton noir posé sur une des cartes sauta sous le choc et roula jusqu'au bord de la table. Le Grand Maréchal le rattrapa avant qu'il ne tombât et le remit à sa place, sur Bassus.
À peine avait-il quitté l'écharpe blanche des Veilleurs et respecté la Lune de deuil pour sa défunte épouse qu'il apprit l'effroyable sort de son Premier Sujet et de sa cité. Comme si l'épreuve de la perte de la première ne suffisait pas, il avait fallu qu'elle emportât dans son funèbre envol, l'être qu'il admirait le plus, Silas. Jamais il ne se pardonnerait son absence de la cité lorsque l'armée de l'Émissaire l’investit sournoisement. Aurait-il pu sauver le Premier Sujet, sa femme et ses tendres enfants s'il avait été présent ? En tout cas, il aurait préféré succomber à s'y essayer plutôt qu'à supporter cette nouvelle mort. L'occupation de la cité par l'envahisseur l'empêchait de retrouver son ami et ses proches pour leur offrir une cérémonie honorable, qu'il n'avait pu accorder au Second Sujet De Launys. Son Ost ne pouvait se permettre de mener un siège long et probablement dévastateur. Le Parakoï avait besoin de toutes ses forces pour repousser la marée qui avançait inexorablement vers Baëlys. Tout s'écroulait. Un à un, ses repères s'effaçaient pour le laisser seul face à ces épreuves sombres. La survie des Trois pays reposait en partie sur lui ; pour la première fois depuis des années, sa certitude faisait défaut.
Le bourdonnement ailé se manifesta à nouveau. Ce satané moustique ne le laisserait donc pas en paix ! Il n'y en avait pas un ici qui ne voulait pas l'éprouver ! D'un lancer rageur, la coupe frappa une commode. Dans l'intimité de sa tente, le Grand Maréchal laissa éclater la tristesse et la rage qu'il ne pouvait exprimer en dehors. Colère d'autant plus pure et poignante que la trahison venait de son propre sang, sa fille. Comment osait-elle saper son autorité au sein même de son ost ? Comment pouvait-elle clamer haut et fort l'existence de ce roi démoniaque et en faire un allié potentiel ? Cette insupportable hérésie nourrissait un courroux enfoui qui le grignotait de l'intérieur et menaçait de lui faire perdre tout discernement. Qu'avait-il donc fait pour mériter une fille ingrate ! Il lui avait tout donné, tout ! Une éducation, un rang, un avenir ! Ne pouvait-elle donc pas agir comme toutes les filles honorables ? Respecter son père ! Lui obéir ! Se marier avec un bon parti ! Lui assurer une descendance et faire perdurer son héritage ! Mais non, dans son attitude désinvolte, il avait fallu qu'elle se choisît une vie de vagabondage et de célibat ! Qu'elle disparût avec ses lubies et son esprit revêche ! Que la capricieuse menât la charge elle-même et qu'elle s'y brisât la nuque ! Alors peut-être, et seulement dans ces conditions, aurait-il une pensée heureuse pour cette fille bornée et méprisable. Elle avait conduit sa lignée dans une impasse. Elle portait la responsabilité de la déchéance des Clarens.
Le Grand Maréchal se frappa subitement l'avant-bras. Là, il en était certain, c'en était fini de l'exécrable bestiole. Il releva la main mais eut la déception de ne découvrir aucune bouillie d’insecte. Une bourrasque fit alors vibrer la toile de la tente. Le claquement du tissu tendu frémit. Dans cet univers de vibrations, le seigneur ailé tournoyait royalement. Le Grand Maréchal, qui pour le coup en était sûr, distinguait dans ce vol déchaîné une coquetterie moqueuse.
Un courant d'air se faufila dans la tente et fit frémir, malgré la chaleur ambiante, le seigneur de Clarens. Il reconnut la fragrance fugace qui devançait toujours les pas de son impertinente fille. Sans se retourner, les yeux plongés dans la danse des braséros, il éructa toute la rage mal contenue qui ne demandait qu'à exploser depuis longtemps :
— Mon sang serait-il maudit pour qu'il engendre une descendance félonne ? Un fils marqué du sceau de l'infamie n'était pas suffisant. Il fallait que tu t'immerges dans le bain de la traitrise ! Envers ton Parakoï et ton propre père ! Toi, Son propre bras de Justice ! Toi, la porteuse de mon nom !
— Je ne demande qu'à lui venir en aide.
La voix calme de Velya répondait qu'à la première incrimination et semblait assumer la seconde. Angust de Clarens pivota vivement sur lui-même. Il pointa un index inquisiteur vers la Justicière :
— En reconnaissant l'existence d'un roi souterrain, ennemi de la Paix ! Hérétique ! Blasphématrice !
Velya posa sa main sur son pommeau blanc et murmura :
— Surveillez votre langue et votre doigt Grand Maréchal. Comme vous venez de le rappeler, je suis le bras de notre Parakoï adoré. Encore une insulte de votre part et je vous coupe ces deux bouts qui n'auraient jamais dû s'aventurer si irrévérencieusement.
Les deux regards bleus se défiaient. Le silence, témoin du dédain mutuel qui unissait les combattants, s'éternisait péniblement. Touché, le Grand Maréchal abaissa son doigt. Les dents serrées, il pesta :
— Tu as occis ta propre Poigne et un Bourgmestre car ils ont laissé repartir les ennemis du Parakoï. Désormais, tu projettes une alliance avec ces mêmes malfaiteurs ? La Justice frappera-t-elle aussi équitablement aujourd'hui qu'une Lune auparavant ? Sois cohérente Justicière ! Plante-toi l'épée à travers le ventre pour qu'une sentence juste une première fois le soit toujours quelques semaines plus tard !
Le mutisme de la Justicière en réponse et son flegme glaçant pour argument, le Grand Maréchal s'empourpra dans une hargne difficilement retenue :
— Tu es devenue l'ennemie que tu avais juré de combattre. Tout réside en notre Parakoï, toutes les forces de la nature ! Remettre en question qu'une once de son pouvoir, c'est se dresser contre lui. Il nous protège de tous les maux de ce monde, Empereur ou démons de pacotilles. Tu es tombée bien bas Velya. Je ne pensais pas que tu nous méprisais autant. Jusqu'à me renier. Jusqu'à nous renier. Moi. Ta mère.
La Justicière leva un sourcil désabusé par cette leçon de morale entendue depuis toujours. La corde sensible invoquée par ce père absent et sans affection paracheva le dédain que cet homme lui inspirait.
— Maréchal je n'ai pas à répondre de mon allégeance devant vous. Tout ce pathos me fatigue. Voyez-vous, ma visite est motivée par une tout autre affaire.
Velya tendit un velin soigneusement enroulé clôturant de fait la dispute. L'autorité paternelle bafouée, celle du Grand Maréchal ignorée, la Justicière s'affranchissait des pressions diverses que ce père tentait d'imposer à sa fille déterminée. L'espérance d'une lignée soumise à son image s'effondrait pour de bon dans le secret de la nuit hivernale. La colère du seigneur de Clarens fut éteinte par la considération glacée de sa progéniture à son égard. Son ascendance filiale ou le prestige de ses fonctions n'avaient plus aucune emprise sur cette porteuse du glaive d'or. Résigné par cette attitude où le mépris convolait avec une haine manifeste, le Grand Maréchal balbutia :
— Qu'est-ce donc ?
— Prenez et lisez. Considérez cette demande comme émanant de la Justicière que je suis, et non votre fille. La Justice de votre Parakoï vous l'ordonne.
Le rouleau passa d'une main ferme à une frémissante. Le Seigneur de Clarens ouvrit le message. Il le lut silencieusement. La vision du roi d'Outremonde en personne suivi de son armée surgissant de la terre n'aurait mieux effrayé le Grand Maréchal que les mots couchés sur ce fin papier. L'effroi envahit le haut personnage qui leva le regard vers la Justicière. Son humeur atrabilaire s'exprima sèchement :
— Jamais ! M'entends-tu ? Jamais !
Certaines paroles marquaient les esprits de son encre indélébile. Quand elles ressurgissaient sans crier gare, elles happaient leur proie de leurs mains décharnées par le temps pour la tirer dans les profondeurs des souvenirs. Cet écho du passé d'une enfant aux grands yeux bleus et aux cheveux ébène changea la toile tendue du Grand Maréchal en des tentures brodées, les braseros prirent la forme d'un foyer ardent dans une cheminée de marbre rosée. Mais cette voix grave, pleine d'autorité, en quinze années n'avait pas changé d'un iota.
— Jamais ! M'entends-tu ? Jamais !
L'oreille indiscrète plaquée contre le panneau de la porte des appartements privés de ses parents, la jeune Velya bravait l'heure du coucher.
— Ne pouvons-nous pas garder sous silence sa malédiction, Angust ? Notre fils est si jeune, il n'a pas conscience de...
Le claquement distinctif d'une paume contre une joue stoppa la défense inutile. La jeune enfant tremblait. Le panneau de la porte vibrait sous la colère du maître de maison.
— Me demanderais-tu de trahir notre Parakoï, femme indigne ? Ma décision est prise. Justice sera rendue.
Une bascule dans le temps. Comme une toupie qui arrêtait sa rotation, l'enfance de Velya et son innocence fissurée s’étaient brisées définitivement. Derrière la porte, le dégoût avait germé en elle. La désaffection pour ce père cruel grandit avec les Lunes. La déconsidération mûrit avec les années. Dans cette nouvelle nuit hivernale, sous une tente militaire, la petite fille devenue femme récoltait les fruits des ressentiments patiemment cultivés.
— Je ne vous laisse pas le choix Grand Maréchal, signez ce document.
— Jamais ! Jamais ! Jamais !
Le Seigneur de Clarens s'empourpra, un manteau de fureur sur la raison. La demande inadmissible de la Justicière frappait son égo.
La voix sereine de Velya tranchait aussi vivement que celle, emportée, de son père :
— Signez ce document. La Justice vous l'ordonne.
— Jamais ! La Justice ne peut m'imposer un tel acte. Tue-moi si cela te chante, jamais je ne céderai à une telle spoliation.
Le voile de la cécité remplaça alors celui de la fureur. Père et fille se soumirent au monde impénétrable de l'obscurité absolue. L'angoisse chassa la colère. La véhémence laissa place à une plainte craintive. Le seul crépitement des braséros pour repère, le Grand Maréchal balbutia des mots apeurés :
— Que... quel est ce maléfice ? Velya. Je ne vois plus rien.
— Je sais bien Grand Maréchal. Le pire pour vous est à venir. Voyez-vous, ce maléfice, comme vous dîtes, n'en est qu'à sa présentation courtoise.
— Que m'as-tu fait ? As-tu empoisonné mon vin ?
Velya fit un pas en avant pour que son père entendît son murmure :
— En quelque sorte. Bientôt, votre toucher vous quittera. Le monde autour de vous n'aura plus aucune consistance. Vous n'aurez plus aucune accroche, plus aucune prise. Un vide infini vous englobera. Puis, un à un, vos sens s'éteindront comme lorsqu'un majordome mouchète les bougies d'un chandelier à cinq branches. L'ouïe envolée. Votre odorat, décimé. Le goût, disparu. En supplément, votre voix, éteinte. Une prison d'angoisse et de terreur vous attend Grand Maréchal. Votre âme tourmentée vous tiendra compagnie. La vie pour vous sera une mort éveillée.
Le seigneur recula et prit appui sur la table d'une main tremblante.
— Men... mensonge. Un tel élixir n'existe pas.
— Croyez-vous père ? Sentez-vous mon parfum fruité ?
Ces effluves quotidiens inconsidérés, à peine remarqués, brillaient soudainement par leur absence. Le lilas, la cire brûlée, les relents lointains de boue mêlés aux crottins séchés, désertaient le tableau olfactif d'un monde sans odeur. Ce petit déséquilibre, à priori insignifiant, chamboula le seigneur aveugle.
— Un remède ! Il doit bien exister un remède à cette attaque sans honneur !
— Oui, Grand Maréchal. Le bout d'une plume imbibé d'une goutte d'encre et votre signature apposée au bas du feuillet que vous détenez.
Angust de Clarens releva subitement le menton, déterminé à ne pas céder à ce chantage éhonté. Combattant valeureux, même dans les situations les plus périlleuses, il préférait affronter une mort avec les honneurs que se soumettre à une reddition infâme. Sa voix emplie d'une vie d'autorité, il menaça la Justicière :
— Un simple cri de ma part et la moitié de mon ost débarque dans la seconde. Malgré tes récentes simagrées, mon armée m'est fidèle. Tu ne sortiras pas vivante d'ici.
— Essayez toujours. Père.
L'appel aux armes se brisa dans un hoquet silencieux. Cette nouvelle flamme des sens étouffée réintroduit en force une angoisse démesurée. Coupé en partie de son environnement, le seigneur de Clarens ne ressentait plus que le vélin entre ses doigts et le poids de la table dans le bas de son dos. Il n'entendait plus que les braséros s'agiter sous un nouveau courant d'air.
Le bruissement de petits pas légers s'introduit sous la tente. Une voix fluette, différente de celle de sa fille, l'interpella doucement :
— Seigneur, je pense que la Justicière n'a plus d'arguments à vous soumettre. Ne lui en voulez pas si elle refuse de vous adresser la parole. Je serai désormais votre unique interlocuteur.
Les pas approchaient. Si le monde extérieur se refusait au Grand Maréchal, intérieurement, il bouillonnait. La peur, la colère et l'incompréhension écumait en un mélange explosif. Qui était donc cet inconnu ? Pourquoi Velya n'intervenait-elle pas ?
Le murmure lui parvint d'une telle manière qu'il avait l'impression qu'un enfant lui adressait la parole :
— Je dois vous le concéder, ce dialogue se résumera à un monologue. Ne vous reste plus que l'ouïe et le toucher. Suffisant pour entendre ma douce voix et tenir une plume. Je peux vous redonner si vous le désirez votre odorat pour vous prouver que votre destinée se tient dans ma main et ma volonté.
Un claquement de doigts soudain résonna. L'odeur du lilas séché émergea à nouveau. La voix, un filet presque inaudible, reprit calmement :
— Vous devez certainement vous demander qui je suis. Cela importe peu. Votre survie par contre, elle, devrait vous préoccuper.
Un nouveau claquement chassa définitivement l'odeur fraîchement retrouvée.
— Dois-je vous plonger dès maintenant dans une prison infernale, privé de tout, sauf de la folie ? Dois-je vous ramener à la lumière et à jamais disparaître ? Pour vous aider à choisir, je vous offre, pour la minute à venir, un aperçu de cette bulle hermétique.
Claquement. Le vélin et tout le monde physique s'annihila. Le silence angoissant s'imposa. Le Grand Maréchal n'entendait plus le souffle qui le maintenait en vie, ne ressentait plus son pouls battre en lui. Seul avec ses pensées indéfinissables, l'épouvante menaçait de l'étouffer. Comme maintenu dans une bassine de vide, cette ordalie d'un nouveau genre condamnait le Maréchal à une vie de folie. La minute lui semblait une heure. La voix se manifesta à mesure que le Maréchal sentait l'épaisseur des tapis sous ses pieds :
— Vous avez fait tomber votre velin, ma Seigneurie. Dois-je vous mettre une plume dans la main pour abréger vos souffrances inutiles ? Hochez la tête et vous serez libre.
Le seigneur de Clarens acquiesça. Il sentit entre ses doigts le calame d'un roseau taillé en pointe.
— J'ai pris la liberté de le tremper dans l'encre. Retournez-vous, le feuillet est posé sur la table.
Le Maréchal sentit une petite main guider son bras et son poignet vers l'endroit où poser sa signature. Convaincu par l'expérience traumatisante, il obtempéra.
— Bien, ma Seigneurie. Nous en avons fini.
Le vélin s'enroula dans un frémissement délicat. Les pas s'éloignèrent pour s'arrêter à quelques toises d'Angust. La voix conclut l'entretien :
— Une dernière chose. La Justicière décidera de votre sort. Quoiqu'elle choisisse, je ne pourrai rien pour vous. Après tout, votre sort m'indiffère. Tout me glisse dessus.
Claquement. La prison infernale s'abattit définitivement sur le Grand Maréchal. Ô combien regretterait-il de ne plus sentir la lavande entêtante. Ô combien se languirait-il d'entendre le vol d'un moustique agaçant. Ô combien rêverait-il de toucher une couverture de laine irritante. Condamné à finir ses jours seul face à lui-même, il reconnaîtrait alors l'existence d'un démon, dans ce tête-à-tête infini.
Bulle de Savon approcha de Velya. Comme deux billes pures, ses pupilles recouvertes d'un voile noir s'assortissaient à merveille avec ses longs cheveux ébènes. Plongée dans sa prison sensorielle, la Justicière chancelait légèrement, son équilibre ne reposant sur aucune réalité concrète. Le Grand Maréchal s'effondra quant à lui dans un fracas retentissant. Allongé au sol, il tâtonnait misérablement un monde inexistant.
Le petit bonhomme, masque relevé, prit la main de la Justicière dans la sienne. Alors, sa bulle grandit. Le sourire démoniaque s'étira sur le visage, chassant au passage le noir d'encre dans les yeux. Libérée de son Coût et de la prison qu’elle s’était imposée, Velya hocha la tête et articula difficilement :
— 'erci 'etit mar'iton.
— Vous voilà assignée à résidence pendant quelques heures Justicière. Il ne faudrait tout de même pas que l'ost de votre père vous prenne pour un démon.
Velya regarda le spectacle pathétique de son père qui rampait contre le pied de la table. Se cognant inlassablement, sans le savoir, ce combat affligeant s'annonçait perdu d'avance.
— Ton aide 'a été 'récieuse.
La Justicière se saisit du rouleau que lui tendait Bulle de Savon. Elle le glissa dans le secret de sa tunique. Le marmiton haussa les épaules avec détachement. Le masque de cuir retint son murmure délicat :
— La cause du roi d'Outremonde peut rejoindre en certains points la vôtre Justicière. Et puis, tout cela est bien distrayant !
Le bourdonnement aigu du moustique parada entre les deux tortionnaires pour filer vers le Grand Maréchal, soumis à la piqûre. Le festin docile ne sentirait ni les assauts répétés ni les démangeaisons, preuves de la victoire de la petite bestiole sur la montagne de chair. Toujours la Nature, sur l'Homme, s'imposerait car pour elle, patience et temps travaillaient avec acharnement à sa suprématie.
Ma pauvre Velya... Je l'aimais bien mieux avant ! Surprenant de ma part hein ?
Je conçois tout à fait l'intensité de ce chapitre très bien écrit. Comme cet affreux moustique, la fille vient agacer le Grand Maréchal avec une requête indésirable. Sauf que le suceur de sang peut partir mourir avec sa petite goutte tandis qu'elle est venue faire un "vol" plus conséquent. Si je comprends bien avec les indices que tu laisses, elle le force à signer un document lui donnant une sorte de succession : son ost en tant que Justicière ou le contrôle de la famille de Clarens ?
Cette confusion est ma propre transcription de la nouvelle Velya. Qu'elle n'aime pas son ordure de père est appréciable mais je développe un gros blocage la concernant. Elle vient régler ses comptes pour s'émanciper une fois pour toutes de lui, mais en prenant des gants en se cachant derrière son rôle de Justicière. Certes, elle vient en tant que bras armé du Parakoï avec sa requête, mettant de côté son lien familial mais elle s'efforce de s'occuper personnellement de sa prison sensorielle... avant de passer par Bulle comme messager Oo
Je comprends qu'elle ait besoin de lui pour qu'elle puisse se libérer de son Coût et laisser le padre en plan, mais j'aurais préféré une toute autre scène. Sa tirade se termine par "Père", ce qui dénote avec son passage de flambeau. Elle prend le temps et le sadisme nécessaire pour lui expliquer son sort sans libérer son coeur.
Je ne m'attendais pas à ce qu'elle lui jette à la figure tout son ressenti mûri au fil des années mais qu'elle lui lâche SA vision du Parakoï. Qu'elle le recadre sur son ère qui est révolue, tout en restant froide et glaciale comme on l'aime. Là, il me manque quelque chose.
Après ta volonté est sûrement d'offrir au lecteur une confrontation père-fille qui éclate au profit de la suite de ton histoire. Je respecte cela !
Encore une fois, malgré quelques interrogations, j'ai beaucoup aimé lire ce chapitre. De plus, j'y ai retrouvé le même style plus agréable à lire des derniers chapitres décalés alors que nous revenons dans le coeur de ta trame. Continue !
Au plaisir de te lire :)
Le voile de la cécité remplaça alors celui de la fureur. Père et fille se soumirent au monde impénétrable de l'obscurité absolu. -> obscurité absolue*
Mais non, Velya va vite remonter dans ton estime ! A ce stade-là, on ne sait pas encore ce qu'elle a fait signer à son père, mais quand tu l'apprendras, je pense que tu lui pardonneras cette froideur. Rien pour elle, rien d'égoïste, au contraire ;)
Elle passe par Bulle en tant que messager car elle ne peut tout simplement plus parler. Ayant plongé son père dans la prison infernale, son Coût lui impose la même prison, d'où l'intervention de Bulle. Puis il étend sa bulle, libérant Velya de sa prison, laissant le père seul face à lui même... Voilà pourquoi Bulle est là, sans lui, le chantage de Velya ne marcherait pas.
Je crois, qu'à la place de Velya, je n'aurais pas souhaité débattre avec mon père sur la vision nouvelle qu'elle a du Parakoï. En face d'elle, un fanatique qui ne veut rien entendre. Que dire, qu'argumenter face à un tel personnage? Inutile de lancer ce genre de sujet, non?
A très vite :D Tu t'approches de la fin !
Petit chapitre pour bien lancer la semaine ^^
Je suis curieuse de savoir ce que Velya lui a fait signer hahah. Je pense que n'importe qui aurait cédé aussi c'est une torture affreuse ! Va-t-elle l'en libérer bientôt, où est-ce une sorte de "voyez ! notre Grand Maréchal souffre d'un mal incurable qui l'empêche de commander, je me dois donc de commander en son nom" ? XD
Très curieuse de la suite, donc ^^
Tu as fait des choix techniques et de style qui marche bien (surtout le moustique haha!) !
Petite question sur la lavande / lilas : au début tu parles de la lavande de la tente, puis du lilas de Velya, mais plus de la lavande, peut-être que comme le chapitre tourne autour des sens il faudrait faire attention à ce que la lavande reste "homogène" jusqu'au bout ?
J'espère ne pas trop ramener ma science, mais au bout d'un moment à ne rien ressentir, il devrait commencer à halluciner des ressentis ;) quand le cerveau de reçoit plus d'infos dans les neurones il tente d'interpréter le "bruit de fond".
Par contre, le Grand Maréchal, même s'il n'est pas ouvert d'esprit, ne devrait-il pas se douter qu'il est victime d'un Don ? Ce qui m'amène à une autre question qui me turlupine depuis... eeuh.... longtemps. Comment le Don se transmet-il ? Ca apparait aléatoirement ? Parce que là, Grand Maréchal moldu, Velya et Krone ont le Don, moi je me demande sérieusement ce que faisait maman Krone pendant que son monsieur grand-maréchalisait XD
En l'état actuel des choses, Velya envisage de laisser son père pour de bon dans cette prison sensorielle. Pour le coup, on ne reparlera pas de lui avant la fin de ce tome. Après, c'est sûr que dans cet état, elle prend la relève de la famille, c'est à son avantage ^^
Les Dons se manifestent aléatoirement (j'en parle dans une nouvelle que j'ai écrite, que je publierai sur PA un peu plus tard), ça ne se transmet pas, ça vient en fonction du moment où ça arrange l'auteur ahaha ^^
Je pense qu'à ce stade là de la prison, le père n'a pas encore eu le temps d'avoir des "hallucinations", il n'est dans cet état que quelques instants dans ce chapitre. Après, si je reviens vers lui et que ça fait plusieurs heures, en effet, je pourrai décrire cet aspect, merci !
La lavande c'est l'odeur qui est répandu dans sa tente pour couvrir l'odeur du camp, le lilas, c'est l'odeur du parfum de Velya. Du coup, ce sont bien deux odeurs différentes ^^
J'espère que la suite te plaira !
PS : (je retourne bientôt vers ton histoire, pas trop eu le temps de lire ces derniers jours :) )
Pour les odeurs lavande / lilas, j'avais compris que ce n'étaient pas les mêmes, mais comme tu parles de la lavande au début qui le dérange, je trouverais ça pas mal que quand il perd l'odorat il ne parle pas que du lilas de Velya :)
Pour la transmission du Don, sauf si c'est moi qui n'ai pas vu les indices, je pense que tu devrais y faire référence une fois ou deux dans les premiers chapitres, pour qu'on comprenne que ça n'a rien d'héréditaire ^^
C'est si beau de voir l'amour familial entre Velya et son père <3 Ya vraiment une bonne entente dans la famille, c'est cool ! En vrai, le souvenir nous apprend au moins que la mère aurait bien tenté de cacher le Don de son fils, comme quoi, les deux étaient pas irrécupérables, mais avec un mari pareil, il n'y avait pas grand chose à faire ^^' Et le paternel qui s'étonne ensuite que sa fille ne l'apprécie pas... Heureusement qu'elle a fini par avoir une position plus élevée que la sienne, sinon elle en aurait vu des vertes et des pas mûres x)
Je suis très curieuse de ce qui a été signé, bien malgré le Grand Maréchal. Vu qu'il parle de spoliation, je parierai plutôt sur Velya qui prend le contrôle de l'ost ou alors une confiscation des biens des Clarens. Est-ce que Velya espère tout récupérer pour pouvoir donner ça à son frère après ? Si tous les gns qui auraient pu reconnaître son frère sont morts, elle pourrait toujours tout lui filer avec une nouvelle identité. On verra bien dans la suite ^^
Et sinon, superbe moyen de pression que les pouvoirs de Velya ^^' Vu qu'elle n'a plus son Coût grâce à Bulle, est-ce que le père va rester dans sa prison jusqu'à la fin de ses jours ? Même si je ne l'apprécie pas des masses, j'espère pas pour lui parce que bon, ça doit vraiment pas être glop niveau torture ^^'
Tiens d'ailleurs, je me suis demandée, s'il considère que sa fille est hérétique, il ne peut pas la faire dénoncer au Parakoi ? D'ailleurs, il n'y a pas d'autres Poignes avec l'ost, donc d'autres gens qui pourraient s'opposer à Velya ? Je me demandais juste ^^
Je reviens lire la suite rapidement =D
L'amour entre un père et sa fille, rien de plus fort et de plus pur ^^
En effet, le Don de Velya combiné avec celui de Bulle rend la prison assez balaise. A priori, il va y rester le reste de sa vie, sauf si Velya décide de l'en faire sortir, ou bien Bulle... je trouvais la torture particulièrement forte.... angoissante. Je me mets à sa place, je crois que je n'y survivrais pas !
En soi, il pourrait la dénoncer oui, mais là elle était la seule Justiciere dans le coin, et vu l'état dans lequel il se trouve, il n'est pas près de se plaindre :)
Pour ce qui est du contenu du document, tu n'es pas loin ! On va découvrir le contenu via Ombelyne, dans deux chapitres :)
J'espère que ces derniers chapitres te plairont, plus que 4 ! :)
A tres vite !
Un chouette chapitre, j'ai vraiment bien aimé. Il est bien construit et riche en émotions. C'est fou comme Velnya déteste son père, whaou. Elle se venge d'avoir ainsi dénigré son frère et de manière générale, ceux avec le Don. Va-t-elle vraiment le laisser dans cette horrible prison ? C'est terrible.
Au début, je me suis demandée qui était ce Maréchal, mais j'ai rapidement raccroché le wagons.
Je suis curieuse de savoir ce que ce parchemin contient. Il leur cède tous ses biens, à elle et à Krone ? Ou alors elle le force à quitter ses fonctions ? Ou à reconnaître le prince des ténèbres ? En tout cas, il avait l'air fermement opposé à signer.
Mes notes de lecture :
"Un rien l'affriolait. Même la douceur délicate de sa couverture de laine de mouton le crispait."
> Attention, je suis pas sûre que c'est ce que tu veux dire ici.
Affrioler (définition du Larousse) : "Attirer quelqu'un, le séduire par quelque chose d'alléchant, d'excitant"
> Là, le gars a plutôt l'air saoulé
"mais eut la déception de ne découvrir aucune bouillie d’insecte."
> Un peu maladroit par rapport au reste
"La voix calme de Velya répondait qu'à la première incrimination"
> "ne répondait" ?
"Remettre en question qu'une once de son pouvoir,"
> "Ne remettre..."
> Il y a toujours "ne...que"
Mais du coup Velnya a un rang militaire plus élevé que son père le maréchal ?
J'ai bien aimé la façon dont tu introduis le flash back. L'émotion est là.
Au plaisir de lire la suite 🙂
Merci pour ton commentaire.
En effet, Velya compte laisser son père dans cet état. Apres, qui sait, peut-être le libérera-t-elle un jour et s'assurer ainsi sa fidélité par la terreur ^^ La combinaison de son pouvoir avec celui de Bulle rend la prison assez violente.
Quant au parchemin, tu n'es pas loin de la vérité, on en connaîtra le contenu très bientôt. Petit spoil : Ombelyne va faire sa fouineuse ;)
A tres vite, merci pour tes remarques qui permettent d'améliorer le texte !
> Clair, c'est effrayant !
J'ai hâte de voir Ombelyn en action 🙂