La quête du marteau de Dmor-Khal

Par Sebours

La bannière de Cess-Khal a connu des heures glorieuses sous le commandement du mythique chef de guerre Télésphore. Ce fin stratège obtint maintes victoires prestigieuses au cours des guerres lemniscates, remportant notamment les batailles des ères du béhémoth, de l’unisus, du skow et du sylvain. Il permit ainsi au dieu du temps, des saisons et de l’agriculture de récupérer ces puissants peuples alliés dans son giron.

Télésphore parvint à ses fins en enrôlant notamment moult mercenaires. La question demeure sur le financement occulte de ces guerriers sans foi ni loi. La tactique aurait pu perdurer si Sarvalvur, le premier roi des elfes n’avait occis Télésphore en combat singulier. Aujourd’hui encore, un culte secret est voué au mythique chef de guerre satyre, unique guide victorieux de son peuple. Ce culte est fortement combattu par le Lugnasad. En effet, à partir de l’ère du cyclope, l’assemblée des druides a adopté une ligne de conduite pacifiste prônant un retour à la nature fortement inspirée par la philosophie dryade.

« Télésphore le grand guerrier satyre »

Encyclopedia Gnomnica

 

Gal regrettait tous les jours le temps que lui avait coûté son impréparation manifeste dans la quête du marteau de Dmor-Khal. Isolé dans les marais des fées papillons, il s’était mis tout seul en fâcheuse posture. Il avait perdu plusieurs jours dans les excavations parce qu’il ignorait même ce qu’il recherchait. Par chance, le champ de la bataille des béhémoths semblait interdit et maudit pour la bannière de la déesse du vent et des orages, sinon, il aurait eu tôt fait d’être constitué prisonnier. Le retour du colonel pourpre n’avait connu aucune embûche et dès la révélation de sa découverte à Borg, celui-ci avait reconnu la pipe brumeuse capable de générer un brouillard impénétrable. Ainsi, Gal possédait un nouvel artefact fort utile pour mener à bien sa quête.

Bien que brûlant d’envie de repartir à l’aventure, le chef de guerre s’astreignit à mémoriser un maximum de bribes du poème des sept présents des Sept sans s’attarder sur les armes offensives et défensives qu’il connaissait déjà comme tout guerrier qui se respec te. Le chant antique lui semblait long, alambiqué et incompréhensible. Il n’était pas barde et peinait à mémoriser le texte. Même avec les explications de son ingénieur, il doutait de la définition des cadeaux mythiques des dieux. Sur les sept présents des Sept, soit quarante-neuf offrandes, au bout de deux mois, Gal n’en avait retenu que la moitié. Le commandement d’Udgog et des villages frontaliers l’accaparait trop pour mémoriser davantage. Au moins possédait-il un début de piste de recherche.

Cette période de préparation s’avéra d’autant plus nécessaire que le guide d’Udgog ne savait pas où se rendre. La boussole de Ziric semblait avoir perdu la tête. Un jour elle indiquait la côte dryade puis l’aiguille se déplaçait progressivement jusqu’à désigner la semaine suivante le cœur de l’empire elfe. Tout cela était incompréhensible. « Quelqu’un porte un artefact et se déplace sur le bouclier-monde, Gal. » lui suggéra l’avisé Borg. Le géniteur royal décida donc d’ignorer cet objet. Sa quête impliquait trop de risque. De plus, le marteau de Dnor-Khal était certainement abandonné car personne ne se passerait d’utiliser un présent capable de faire sa fortune. Il décida de se concentrer sur le prochain artefact.

Sur la demande de Oggul, l’oniromancien attendit la cérémonie sacrificielle de la lune de sang avant de repartir en expédition. Le sang était encore chaud sur le pavé lorsque le chef de guerre se lança dans sa nouvelle expédition. Afin d’éviter l’impair de sa précédente expérience, Gal décida de se faire accompagner par Kaa. La serpente ailée avait prouvé son utilité et sa fidélité lors du voyage à Ladin. La boussole de Ziric l’emmena plein Est, en direction de la forêt satyre du Connacht. Les deux compagnons se projetèrent aisément dans les montagnes au Nord de Klaralk, le village jumeau de Udgog. L’amphiptère enroulée autour de son bras, le colonel pourpre dévala pendant deux jours les pentes des montagnes de l’Orcania, jusqu’à pénétrer dans le territoire sacré de la bannière de Cess-Khal.

A partir de ce point, l’équipée lutta pour évoluer dans une végétation dense. Kaa, la vipère ailée ne pouvait pas s’envoler en éclaireuse, les basses branches agissant comme une immense toile d’araignée. A chaque pas, les ronces lacéraient les cuisses du puissant guerrier. Marcher à pas feutrés, tel un jaguar dans cet environnement relevait du miracle. Et un cheval-tonnerre aurait souffert mille morts pour avancer dans cet enchevêtrement végétal. Apparemment, les satyres ne fréquentaient jamais cette partie de la forêt, sans doute parce qu’ils considéraient ce territoire comme sacré. Sinon, comment expliquer l’absence de la moindre sente.

Grâce à la boussole sacrée, Gal parvint à tenir son cap pendant une semaine. Il avait parcouru deux cents kilomètres d’après son estimation. La boussole de Ziric commença à s’exciter alors qu’un tumulus s’érigeait au centre d’une clairière. Jamais l’oniromancien n’avait entendu parler de ce type de structure chez les satyres. Il lui semblait que la culture de Cess-Khal interdisait toute autre construction que les cromlechs. Un bruit de sabots résonna sur la droite du mausolée. Le guerrier stoppa sa progression, immobile comme le jaguar à l’affût. Des gardes stoïques espacés de quatre mètres entouraient le bâtiment. Deux d’entre eux débutèrent une discussion dans leur langue rétrograde. Le chef de guerre ne parvint pas à comprendre leurs borborygmes mais cela importait peu. Les satyres détenaient des trésors dans ce lieu secret, sinon jamais ils n’auraient dépêché des soldats à sa surveillance. Cela contredisait les valeurs de ce peuple pacifiste. Un des sept présents des Sept se trouvait certainement à l’intérieur...au moins un, peut-être plus avec un peu de chance. Pour l’instant, Gal devait analyser le terrain. A la nuit tombée, Kaa partit en reconnaissance et ne tarda pas à faire son rapport.

« Ssss ! Ssinquante sssoldats sssatyres. Ssss ! Une porte. Ssss ! Impossssible de voir dedans ! »

« Rrrr ! Moi j’ai fait le tour de la clairière. Rrrr ! Elle n’est reliée à aucun chemin digne de ce nom ! Ce tumulus est isolé au milieu de nulle part ! »

« Sssss ! Ssss’est mysssstère ! »

« Rrrr ! La garde doit être relevée à un moment donné. Attendons ce moment pour tenter quelque chose. »

« Sssss ! Nous chercher renfort ? Fasssile à attaquer ! »

« Rrrrr ! Non Kaa ! Evitons l’incident diplomatique ! Rrrrr ! Une attaque orc en pleine trêve risquerait de condamner les chances de l’Orcania dans la prochaine guerre lemniscate ! »

« Ssss ! Faire croire attaque elfe ?! »

« Rrrrr ! Peut-être, Kaa. Rrrrr ! Si c’est nécessaire. Rrrr ! Pour l’instant essayons d’être discrets pour savoir ce qui se cache là-dedans. »

Les compères se tapirent à une portée de flèches de la place forte. Au bout de deux semaines, des unisus atterrirent, emportant sur leur dos des troupes fraîches. L’absence de chemin trouvait enfin une explication. Pour assurer le secret du lieu, les soldats étaient rapatriés par licornes ailées. Et sans la boussole de Ziric, jamais Gal ne serait parvenu précisément ici. Un instant, le chef de guerre fut tenté de retourner à Udgog pour réquisitionner des troupes, mais cela aurait encore coûté de longues semaines. Et puis il aurait été impossible de camoufler une attaque ciblée sur cet endroit en raid impromptu. Il ne s’agissait pas d’un village mais d’une sorte de monument sacré précieusement caché par les satyres. Une offensive militaire coordonnée pendant la trêve séculaire liguerait automatiquement les autres bannières contre l’Orcania ! L’infiltration restait don la seule option viable.

C’est l’occasion de tester cette pipe ! pensa le colonel pourpre. Au bout d’une heure, il sortit l’artefact de son sac et l’alluma. Un épais brouillard commença alors à se répandre à partir du foyer jusqu’à générer un voile quasiment solide. Gal avança du pas léger en direction de la porte du tumulus. La difficulté consistait à continuer à fumer tout en se déplaçant furtivement. Il passa sans aucun souci en rampant entre les deux vigiles de l’entrée du temple. Après un long corridor traversé à tâtons, il se trouva dans une antichambre entièrement close. Il cessa donc de tirer sur la pipe, espérant dissiper quelque peu la brume impénétrable.Au bout de cinq minutes, on y voyait à une longueur de bras. L’oniromancien constata que qu’une immense roue de pierre bloquait le passage.

« Ssss ! Pousssse un peu ! Moi passsser ! »

Kaa avait raison. Il suffisait de faire légèrement rouler la porte de pierre pour que l’amphiptère se faufile. Bien qu’impressionnant, le mécanisme d’occlusion avait été pensé par des satyres et certainement pour des satyres. Gal possédait une force démesurée, même au regard des standards orcs. Combinée à la capacité d’investigation de la vipère ailée, les compères étaient sans doute en mesure de contourner le système de protection. L’oniromancien plaqua son dos contre la roue et prit appui contre le mur.

« Rrrr ! Vas-y ! Hiiiia ! »

Le chef de guerre parvint à faire légèrement rouler l’immense cylindre de pierre. Kaa rampa promptement dans l’interstice. L’orc regrettait d’avoir poussé un cri sous la contrainte de l’effort physique démesuré qu’il venait de produire. Il craignait d’avoir attiré l’attention des vigiles, d’autant que la brume se dissipait rapidement. Sa crainte se confirma au moment où il entendit résonner des pas dans le corridor. Il tira avidement plusieurs bouffées rapides sur la pipe pour se tapir dans le brouillard. Un garde satyre arriva, invectivant à l’aveuglette dans sa langue disgracieuse. Gal s’interrogeait sur la stratégie à adopter. Il se retrouvait pris au piège dans une souricière. Il y avait une centaine de soldats qui attendaient à l’extérieur. Attendre dans le couloir exigu du tumlus le permettrait de limiter l’avantage du nombre de ses adversaires. Mais s’ils décidaient de l’assiéger, il mourrait de faim. Et à la prochaine relève, il n’aurait plus aucune chance d’en réchapper.

Dans cette fumée impénétrable, le satyre avança si prêt que le colonel pourpre sentait son haleine chargée d’ail et de peur. Une lame d’acier glissa sur son cou et un geyser de sang jaillit. Le sort en était jeté. L’orc tira nerveusement sur la bouffarde pour maintenir la brume. Puis il repoussa la roue de pierre qui avait repris sa position initiale. Il la bloqua avec le bras de sa victime. Ainsi, Kaa pourrait s’enfuir. A présent, il devait sortir avant que l’ennemi s’organise.

Déterminé, l’épée au clair, Gal avança jusqu’à la sortie. Dans le brouillard, il possédait l’avantage. Chaque coup qu’il porterait lui serait profitable tandis que ses adversaires risquaient de s’entre-tuer. Les gardes criaient des consignes incompréhensibles à se casser les cordes vocales. Le chef de guerre avançait droit devant pour se réfugier dans les bois. Il multiplia les fentes et les tailles. Combien de fois avait-il frappé ? Trente, quarante fois ? Peut-être plus. Le foyer de la pipe se retrouva vide et la brume protectrice dispau. L’orc se retrouva encerclé par une cinquantaine de satyres. Ils lui lacérèrent les jambes et les côtes avec leurs lances à double croissant pour le neutraliser. S’il avait été un vulgaire brun, Gal aurait été exécuté sur le champ. Comme il était rouge, un géniteur royal, il représentait une valeur potentielle en tant qu’otage.

Le terrible guerrier d’Abath-Khal déposa les armes et s’agenouilla les mains posées sur la tête en signe de soumission. Contrairement à ce que prônait le roi Orroko, il savait qu’une mort, même glorieuse n’avait aucun intérêt. Seuls les vivants accomplissaient de grandes choses ! Le maître l’avait choisi parce qu’il n’était pas une brute sans cervelle comme ses congénères. Sa reddition n’était qu’un repli stratégique. Il attirait l’attention sur lui, laissant à Kaa l’opportunité d’aller chercher du renfort.

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Peridotite
Posté le 14/08/2024
C'est marrant cette pipe !

Gal est bien dans la panade maintenant, quel idiot ! Il s'est fourré tout seul dans la galère.

Il doit souvent y avoir des artefacts portés par des gens et donc mouvants sur la boussole, non ? Là je devine que c'est le sac d'Ome.

Sinon attention aux coquilles (répétitions ou typos)
Sebours
Posté le 22/08/2024
Salut Peridotite!

Je reviens de vacances et je lis tes commentaires en rafale. Je te fais une réponse groupée à la fin.

C'est vrai que je n'avais pas pensé aux artefacts mouvants. Une mine d'idées pour des histoires ce truc! (Par contre, j'ai pensé à la possibilité de l'inframonde.)

Et j'espère que ton aventure éditoriale avance bien. (Je regarderai sur Jeunes Écrivains !
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