Lorsque le trône se retrouve vacant, par absence d’héritier mâle direct, un nouveau roi des elfes doit être élu par les représentants des neuf premières castes de la nation, excepté la troisième caste des gens d’armes. Cette dernière disposition a été prise afin d’éviter toute pression militaire sur l’élection. La dixième caste des proscrits est également exclue du vote, un proscrit n’ayant par essence plus voix au chapitre.
Dans l’histoire, ce cas de figure s’est produit quatre fois. En tant que premier souverain des elfes, Sarvalur fut élu lors de la première élection, à l’aube des temps.
Le roi Luro, durant son long règne, n’eut que des filles. Au cours de la guerre des léviathans, il mourut d’épuisement des suites d’une gangrène contractée dans les marais bouillonnant en territoire fée. Suite à ce décès, le conseil du roi ne désirait pas voir l’intrigant Morlar, époux de la fille aînée de Luro, accéder au trône. Les représentants des neuf castes statuèrent pour établir la légitimité des seuls héritiers mâles.
Enfin, lors de la guerre des harpies, une horde d’orcs décima la cohorte le roi Partoris et de ses héritiers dans un guet-apens. Son successeur élu, le roi Kealar n’eut pas le temps d’engendrer un héritier avant de se faire transpercer d’une flèche empoisonnée lors de la même guerre. C’est ainsi que deux élections eurent lieu en moins de cinquante années.
« Le mode d’élection du roi elfe »
extrait du Traité sur les sociétés du bouclier-monde
du maître architecte Vinci
Revenu sur le plan du bouclier-monde, Ome constata que le temps était venu de se préparer pour la cérémonie. Il rentra au palais et se rendit immédiatement chez Cléandre. La vénérable servante l’accueillit avec son sourire énigmatique habituel. Elle avait travaillé d’arrache-pied pour lui coudre un costume d’apparat présentable. Après essayage, aucune retouche ne s’avéra nécessaire.
« Décidément, tu connais mes mensurations par cœur Cléandre ! »
« Oh ! C’est juste que je te fais toutes tes livrées ! J’ai tes dimensions notées dans mon petit carnet ! » La vieille elfe passa sa main dans les cheveux de son protégé. « Ma parole, c’est incroyable la vitesse à laquelle pousse ta tignasse ! Allez, viens là que je te rase la tête. Il ne s’agirait pas d’être hors-le-loi pour le jour de ton intronisation ! »
Ome sourit à la réflexion de Cléandre qui ignorait tout du sac microcosmique et de sa faculté à compresser le temps. Pendant que la bonne recouvrait de mousse le crâne du garçon, celui-ci se confia sur ses espoirs.
« Bientôt, je serai membre du conseil du roi ! Je serai l’égal des elfes ! Je leur prouverai la valeur des derniers nés ! Alors j’arrêterai de me raser la tête et j’exigerai la fin de cette loi discriminante ! Je compte bien sur le soutien du grand chambellan pour y parvenir ! »
« Ne compte pas sur Ugmar, mon poussin ! Il ne soutiendra personne d’autre que lui-même. Les autres ne sont que des moyens pour lui. Je suis bien placée pour le savoir ! Il n’a qu’un objectif dans la vie, conserver et accroître son pouvoir. Ne te montre pas trop ambitieux ! Il écrase tous ceux qui ne vont pas dans son sens ! »
Les propos de Cléandre frappèrent Ome par leur clairvoyance. Le baron avait beau être son protecteur, il ne daignait pas lever le petit doigt pour lui obtenir une épée. Par contre le dernier né de Nunn devait obéir servilement au moindre de ses ordres. Le haut dignitaire elfe détenait même sa mère en otage et serait prêt à l’exécuter au besoin. Le juvénile espion avait travaillé dans son cabinet noir sous les ordres de Slymock. Il le savai sans scrupule, sans sentiment et sans pitié. Alors plus pour se rassurer qu’autre chose, il posa la seule question qui importait.
« Ugmar est déjà grand chambellan et tout puissant ! Que pourrait-il craindre de quiconque ? Et que pourrait-il espérer de plus ? » Un pesant silence s’installa, interrogeant le futur représentant des hommes. « Tu penses qu’il espère plus, Cléandre ? » Ome effectua un signe de couronne autour de son front.
« Je ne suis sûr de rien mon poussin ! Ugmar est un être si secret. Mais il est pétri d’ambition depuis toujours. »
« D’ailleurs Cléandre, je me suis toujours demandé pourquoi tu es toujours restée fidèle au grand chambellan alors que tu n’approuves pas son attitude et qu’il n’a aucune considération pour toi ! »
« J’ai un lien très fort avec Ugmar, depuis bien avant qu’il ne devienne grand chambellan. En fait, c’est moi qui l’ai élevé. Je l’ai vu naître. C’était un gentil garçon au début. Et puis lorsqu’il est devenu chambellan, j’ai eu à m’occuper de Victoire. Et puis de toi ensuite. Je n’ai pas eu le bonheur d’avoir d’enfant tu sais... »
« Comment se fait-il que ce soit toi qui l’aies élevé Ugmar et non ses parents ? »
« La naissance d’Ugmar est le fruit d’une tragédie. Sa mère a été violée par un orc. Comme il est resté le seul descendant de la lignée, ses parents le toléraient, mais ils l’ont toujours rejeté et refusaient de se trouver dans la même pièce que lui ! Mais j’en ai trop dit ! Promets-moi de garder le secret ! »
L’information frappait Ome comme un uppercut au foie. Ainsi, le grand chambellan était un hybride. Son curieux regard hypnotique teinté de jaune si différent de ses semblables venait-il de là ? Mais alors comment avait-il pu avoir une fille ? Certes, la mère de Victoire était morte en couche, mais le bébé était arrivé à terme alors qu’il n’aurait même pas du pouvoir y avoir fécondation ! Ugmar en était-il réellement le père alors ? Forcément, elle seule possédait les mêmes yeux d’or ! Et pourquoi Cléandre lui délivrait-elle ce secret ? Parce qu’elle s’était pris d’affection pour Ome ? Ou bien était-ce encore une manipulation de grand chambellan ? Le secret du baron Ugmar était-il réel ou bien un simple écran de fumée ? Comme pour épaissir le mystère, la vieille servante ajouta une dernière phrase nimbée de sous-entendus incompréhensibles.
« D’ailleurs, Ugmar n’est pas le seul enfant issu d’une telle tragédie que tu connaisses ! »
Cléandre laissait croire qu’Ome connaissait un autre hybride. Victoire ? Ce serait logique mais trop évident. En bon espion, il effectua un rapide survol des personnages susceptibles d’être hybride. Finalement, il ne côtoyait pas énormément d’elfes. Otto ? Cet imbécile de Sirius? Le général Ull ? Et puis se devint une évidence. Avec son teint blafard, ses yeux et ses cheveux noirs de geai, ses maxillaires proéminentes, Slymock était un hybride !
« Mais pourquoi me dis-tu tous cela aujourd’hui Cléandre ? »
« C’est peut-être la dernière fois que je te vois mon poussin. Aujourd’hui tu intègres le conseil du roi. Je ne doute pas qu’on va te donner des charges. Et tu vas devoir te consacrer à ton peuple ! Tu n’auras plus le temps de venir voir ta bonne vieille Cléandre. Je voulais te faire un cadeau d’au revoir, mais je ne suis pas bien riche. Alors je te confie ce secret à toi car peut-être il te protégera un jour des foudres d’Ugmar. »
Ome sentit une larme de la vieille servante perlée sur son crane alors qu’elle lui essuyait sa tête impeccablement rasée. Un silence chargé de l’immense tristesse emplissait à présent leurs cœurs. Le temps de la séparation était venu. La vieille servante lui faisait une offrande digne de sept présents des Sept. Peut-être que ces informations confidentielles permettraient au premier des hommes de marchander la liberté de Fame. En tout cas, mieux valait-il pour l’instant conservé précieusement secrète cette information. Cléandre l’aida à s’habiller. Même s’il n’en avait nul besoin, il accepta l’aide de la servante et ses gestes maternelles pour une dernière fois.
Et pour la première fois, Ome ne portait pas les couleurs du grand chambellan au sein du palais. Fini le bleu et l’or, la servante lui avait cousu un magnifique costume vert en référence à Dmor-Khal, dieu des sous-sols et surtout des morts. Ainsi, le premier des hommes porterait aussi un peu la parole de tous les premiers nés disparus trop tôt dans ce monde où tout était symbole ou sous-entendu. D’ailleurs, parce que tout était symbole, aucune haie d’honneur ne fut levée lors de la cérémonie d’intronisation. Parce que tout était symbole, Ome s’était échiné à forger une épée d’apparat que les elfes lui refusaient.
Lorsqu’il pénétra sur la place d’armes du palais, dans son pourpoint de velours émeraude une rutilante lame à la ceinture, il vit les officiels perdre instantanément leurs sourires narquois. Aucun ne pouvait s’offusquer devant la foule amassée là. Jamais le quartier central de Zulla n’avait vu autant de derniers nés. Ceux-ci se pressaient jusqu’au fond des rues adjacentes pour voir leur premier élu, celui qui enfin leur donnait un nom. Ome entrait dans le monde vêtu des mêmes attributs que les hauts dignitaires de l’empire. Il s’affichait comme leur égal !
Remontant la lignes des représentants jusqu’au roi qui l’attendait, le garçon observa le baron Otto devenir rouge pivoine sous l’effet de la colère. Il décela ensuite l’interrogation dans les yeux du général Ull. Le chef militaire furetait parmi les convives, se demandant lequel de ses opposants politiques avait pu fournir cette épée. Le représentant des hommes constata l’attitude partagée du grand chambellan. Grâce à ses rendez-vous matinaux quotidiens, il le connaissait bien. Il devinait dans la posture du baron Ugmar à la fois un respect pour ce coup d’éclat et une frustration de perdre le contrôle. Enfin, Ome s’agenouilla devant le jovial roi Roll.
« Honorables membres du conseil ! Enfants de Batum-Khal ! Nous vous présentons le dernier né de Nunn qui a accompli le premier haut fait de sa race ! N’écoutant que sa bravoure, il a combattu au péril de sa vie un amuruq pour sauver mon fils, l’héritier de l’empire ! Peuple de Batumia ! Nous déclarons qu’à compter d’aujourd’hui, en l’honneur de son acte héroïque, les derniers nés se nommeront « hommes » et les dernières nées « femmes ! »
Malgré la voix puissante du souverain, seuls les trois premiers rangs durent entendre la déclaration officielle. Cela n’empêcha pas la liesse populaire d’exploser. Les hommes et les femmes s’embrassaient. Les quelques elfes, centaures, licornes et autres races présentent affichaient une allégresse plus mesurée. Ome se releva et attendit l’accalmie avant de prononcer les quelques mots de remerciement qu’il se récitait dans la tête depuis des jours.
« Roi Roll ! Souverain de Batumia ! Seigneur de l’empire elfe ! Je suis fier d’être à vos côtés en ce jour représenter pour la première fois la parole des derniers nés de Nunn. »
Cette réponse officielle provoqua les mêmes déchaînements de joie. Sous la pression des officiels, la fête ne s’éternisa pas. Au bout d’une heure, le conseil du roi décida de rentrer dans le palais. Au cours de la procession, le baron Ugmar ralentit son pas pour se retrouver à hauteur de Ome. Discrètement mais fermement le grand chambellan tança son ancien protégé.
« Qui t’a donné l’autorisation de t’afficher ainsi l’épée au fourreau ?!! Tu veux semer la zizanie dans notre camp politique ? C’est la première et dernière fois que tu agis de la sorte sans m’en parler avant ! »
Malgré son ton mesuré, Ugmar était fou de rage. C’était un fauve blessé qui sentait un concurrent tentant de conquérir son territoire. Ome pouvait remercier Cléandre. Détenir un secret sur le grand chambellan ne serait pas de trop pour survivre dans un tel panier de crabes. Mais possédait-il réellement un atout ou bien était-il déjà le jouet de manipulations politiques de la part du grand dignitaire. Pour l’instant, le garçon préférait rester prudent et n’abattre cette carte qu’en cas d’ultime recours.
"avec les humains"
> Mais du coup ? Pourquoi"humain" ? D'où vient ce terme dans ton monde ?
"Il me semble, mon roi, qu’il faudrait lever la séance afin que tout le monde puisse réfléchir aux tenants et aboutissants de ce sujet à tête reposée"
> Il est un peu puchy auprès du roi, non ? Je serais le roi, je prendrais mal cette dernière remarque. Ce n'est pas à Ome de réguler les débats. Or le roi ne réagit pas.
"Il arriva devant l’hôtel particulier dans lequel sa mère était prisonnière depuis tant d’années"
> S'il est si simple pour lui d'aller voir sa mère, pourquoi ne pas y être allé avant ?
Le pauvre Ome, perdre sa mère de la sorte...
L'Épée
J'aime bien ces nouveaux chapitres où tout s'accélère.
Le titre du chapitre ne fait pas honneur à l'épée. Peut-être le nommer du nom de l'épée ? Un truc en lien avec les oiseaux ?
Mais du coup, personne ne s'inquiète de son absence pendant toutes ces heures avant la cérémonie ?
Le secret du grand chambellan
"La vieille elfe"
> Attends voir, ils sont tous vieux les Elfes non ? Pourquoi le préciser pour Cléandre ?
"Alors j’arrêterai de me raser la tête"
> Faudrait peut-être davantage rappeler cette loi. J'avais complétement oublié qu'Ome était chauve et que c'était infamant.
"Le haut dignitaire elfe détenait même sa mère en otage et serait prêt à l’exécuter au besoin."
> Mais non, elle est morte !
"Peut-être que ces informations confidentielles permettraient au premier des hommes de marchander la liberté de Fame."
> Autre incohérence ici : Fame est morte
Eh ben, sacré secret qu'Ome détient là, d'autant que l'ordre de la rafle visant les métisses venait d'Ugmar et concernait ses propres enfants ! Il est vraiment affreux ce Ugmar, hâte de le voir tomber !
Je trouve que ces chapitres s'enchaînent bien, sans longueurs.
Attention toutefois aux coquilles !