Lundi, début de mois - Centre d’accueil de La-Ruée, petite ville située à proximité de l’Hagatma, au coeur du Nouveau Monde.
À proximité du centre d’accueil, une jeune femme était assise. Elle avait le dos courbé, ses vêtements lui pendaient dessus et sous le tissu, volontairement usé, pointaient des formes fraîches. Andrea regardait la forêt avec insistance, elle rêvait. À côté d’elle, un homme plus âgé lui parlait de la vie, de son expérience, de la noirceur du monde et de sa beauté à elle.
- Andrea, tu es trop belle pour cette ville, tu ne dois pas rester ici. Si tu restes là, la forêt va te recouvrir de poussière. Il n’y a rien à voir ici, et surtout, il n’y a rien à faire. Cette ville rend fou. C’est dangereux de ne rien faire, tu sais !
- Mais je suis déjà folle Samir !
Andrea souriait, cela lui procurait un sentiment de liberté inouï de dire qu’elle était folle.
- C’est pour ça que je suis venue ici.
Samir haussa les épaules en soupirant, impuissant.
- Je ne sais pas comment cette idée vous est venue, vous les jeunes ! Qu’est ce qui a provoqué cette mode de venir ici comme des mouches pour respirer les brumes toxiques des arbres !
Andrea promena son regard en direction des ruelles étroites qui s’engouffraient vers le coeur de l’Hagatma, des sillons verts sombres de la même couleur que ses yeux . Lentement, elle tourna son attention du côté du centre d’accueil, un grand cube gris, violemment inséré entre deux anciens bâtiments en belles pierres. Les deux anciennes bâtisses , un hôpital et une banque, témoignaient d’une époque prospère et dynamique, ils avaient été construits pour durer. Le centre d’accueil au milieu se revendiquait comme un élément provisoire du paysage.
La ville était plutôt silencieuse à cette heure de la matinée, sur les bancs et les murets des formes sombres s’étiraient mollement on avait de la peine à identifier les individus de leurs ombres. Ils reprenaient leurs esprits après l’étourdissement de la veille. Les jeunes venaient ici prendre des bouffées de drogue pure, certains repartaient ensuite sans s’attarder. Ils avaient vécu une sorte d’expérience initiatique et ils rentraient chez eux. D’autres se laissaient glisser dans un plaisir interne, ils restaient prisonniers des ruelles. Des médiateurs arpentaient régulièrement les rues de la ville pour secourir les âmes un peu trop égarées.
Samir n’était pas un médiateur mais un vieil enseignant. Il n’aimait pas le centre, considérant que son ouverture avait précipité le choix de fermer le seul établissement scolaire de la ville, ce qui l’avait conduit à prendre une retraite anticipée. Pour lui, le centre d’accueil n’était qu’une verrue au milieu du paysage.
- Je ne suis pas là pour respirer la brume, je ne veux pas me sentir dépendante de ces sortes de plaisirs.
- Alors que fais tu là ? Il n’y a que ça ici !
- Je ne sais pas, peut être simplement par curiosité... On dit qu'ils ont accueilli un étranger du monde au centre ?
- Pfff... Des foutaises crois moi ! Et je sais de quoi je parle. Tu ne trouvera là dedans que des fous ou des drogués.
- Tu penses que l'homme qui a été accueilli ne venait pas de la forêt ?
- Certainement pas plus que toi ou moi. Il parlait notre langue, il était habillé... Comme nous...
- mais alors pourquoi l'avoir interné ?
Samir soupira
- mais qu'est ce que tu t'imagines Andréa ? Il est interné parce qu'il est fou ! Il est arrivé et il a déclaré qu'il venait de la Forêt... Et il a demandé l'asile. Ce centre c'est un asile de fous, comme partout ailleurs.
Andréa souriait, tout ce que Samir pouvait dire ne pourrai pas lui enlever le sentiment d'étrangeté qu'elle éprouvait dans cette ville. Bien sûr que non, cette ville ne ressemblait à aucune autre.
- Alors moi aussi, je peux le faire ? Je peux entrer et dire que je viens de l'Hagatma ? Ils ne me poseront pas de questions et je serai accueillie ?
- Non, tu ne peux pas
Andréa, les gens qui entrent dans ce centre d’accueil, ils se fabriquent une dépendance... ils attendent au bord de leur vie et après ils ne peuvent plus retourner dans le monde solide...
- Pourtant c'est un centre d'insertion ?
ce sera marqué sur toi, sur ta vie, sur tes papiers que tu es folle ou intoxiquée, alors que tu es seulement différente. Tu es juste un peu plus belle que le reste du monde.
Andrea sourit, elle ne se lassait pas d’entendre Samir lui répéter qu’elle était merveilleuse. Toute sa vie, sa famille lui avait fait comprendre qu’elle n’était pas ce qu’on attendait d’elle. Samir, le vieil enseignant, en avait vu beaucoup d’autres comme elle, des jeunes gens perdus, qui ballottés par leurs désirs étaient venus s’échouer ici, au détour d’une série d’échecs. Ils venaient tous, magnétisés par une promesse de plaisir et certains glissaient dans la facilité. Andrea n’était pas tout à fait comme ces jeunes ivres. Elle avait fui une vie confortable, l’ordre des choses dans le salon de ses parents, pour se jeter dans le chaos du monde, précisément ici, dans cette ville. Elle avait choisi.
- Je me sens bien avec toi Samir.
- Tu n’as pas idée de ce que tu risques en restant dans cette ville.
- Regarde ces jeunes, méfie-toi d’eux, surtout de lui !
Samir désignait un groupe de jeunes qui s'engoufrait dans le bâtiment gris. L'un d'entre eux exhibait une assurance d'une grâce infinie. Andrea le suivit des yeux.
- Il est beau.
- C'est ce que les filles ont l'air de penser le plus souvent.
- Pourquoi ces jeunes vont-ils au centre ? Ils ne viennent pas de la forêt et ils n'ont pas non plus l'air intoxiqués par la brume ?
- Il n'y a pas que les peuples du monde vague, il y a aussi les défricheurs et leur descendants qui peuvent bénéficier des aides financières. Ils vont chercher de l'argent.
- Et on leur donne de l'argent ? Sans rien faire ? Pourquoi ?
Samir jeta un regard sombre sur le bâtiment, il ne répondit pas.
Cela fait un moment que je ne vois pas l'arrivée d'autres chapitres. Je ne cherche surtout pas à mettre une quelconque pression. Mais j'espère que l'histoire est toujours dans tes projets. ^^ J'aimerais bien découvrir la suite. ;) Du coup, j'ai rapidement survolé ce nouveau début (que j'avais déjà lu, puisqu'il était positionné plus loin à l'origine). J'aime cet échange, et j'adore ce perso d'Andréa. :) Ceci dit, je relève un couac au milieu. Pour moi, il y a ici un trou à boucher. Montrer qu'Andréa se met à regarder la bande de jeunes par exemple. ;) Bonne suite d'écriture (j'espère). À bientôt ^^
passage concerné :
- Je me sens bien avec toi Samir.
- Tu n’as pas idée de ce que tu risques en restant dans cette ville.
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- Regarde ces jeunes, méfie-toi d’eux, surtout de lui !
Samir désignait un groupe de jeunes qui s'engoufrait dans le bâtiment gris. L'un d'entre eux exhibait une assurance d'une grâce infinie. Andrea le suivit des yeux.
- Il est beau.