Ewen sortit de sa chambre, des lumières tamisées éclairaient le sol par de grandes lignes des deux côtés du couloir. Il fit quelques pas et la lumière se mit à pulser. Par à-coups, la lumière du côté gauche du couloir semblait lui indiquer un chemin. Il se décida à la suivre, il marcha jusqu’au bout du couloir, puis tourna la tête du côté gauche, le même phénomène était présent. Il continua à suivre les pulsions de lumière dans le labyrinthe d’escaliers et de couloirs jusqu’à descendre loin dans les sous-sols de Chez-moi. Il arriva dans une salle bien éclairée, au sol, des pavés blancs immaculés, aux murs, des instruments de cuisine et de belles armoires en bois. Il parcouru toute la cuisine du regard puis se décida à aller un peu plus loin. Il franchit une première porte, puis une deuxième et arriva dans un endroit plus sombre. Il poussa une troisième porte et devant lui se trouvaient une armoire d’une dizaine de mètres de large. Il ouvrit une porte au hasard et le spectacle qui s’offrit à lui le poussa à faire un pas en arrière. Il en ouvrit une autre, puis une autre, puis encore une autre. Des madeleines, des milliers et des milliers de madeleines. La lumière pulsa à nouveau, il ne savait pas quoi faire, il chercha un interrupteur pour régler l’intensité des lampes mais ne trouva rien. Elle était de plus en plus forte jusqu’à ce qu’il fut aveuglé par un flash extraordinaire.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Qui est-ce qui passe, plutôt. Bonsoir Ewen.
- Bonjour, euh, bonsoir, qui êtes-vous ?
- Je suis la Veilleuse.
La Veilleuse était une femme de lumière, elle était plus que translucide, elle émettait de la lumière. Une lumière jaunâtre, chaude et enveloppante. De couleur chaude mais qui réchauffait le cœur. Elle était plutôt petite, avait des cheveux lisses blonds lumineux à peine plus sombre que sa peau.
- La Veilleuse ?
- Oui, je suis la lumière de Chez-moi.
- Vous êtes une lumière ?
- Aussi, mais pas de vantardise, je suis en charge d’apporter la lumière partout où les habitants de Chez-moi vont.
- Ah, fit Ewen sans réagir davantage, fatigué par sa journée et curieux de toutes ces nouveautés.
- Tu te sens bien ici ?
- Oui, mais là la lumière est trop intense.
- Il suffit de demander, un peu plus poliment par contre, où sont les bonnes manières une fois la nuit tombée ?
- Serait-il possible de diminuer la lumière ?
- Bien sûr mon garçon.
La Veilleuse ne se contenta pas de diminuer l’intensité de sa propre lumière, elle disposa des bulles de lumière dans tous les coins et un petit nuage de lumière qui flottait derrière eux de manière à éclairer tout ce qui était autour d’eux.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Des madeleines, bien entendu.
- Ca sent bon ! dit le jeune garçon, affamé et plutôt réjoui à l’idée de manger des pâtisseries.
- Pas si vite Ewen, tu ne peux pas toutes les manger. Commence un peu par examiner une étiquette. Tiens, celle-ci par exemple.
La Veilleuse détacha l’étiquette d’une madeleine qui les attendait sur un petit plat en grès. Ewen la rapprocha de son visage, les caractères étaient tout petits. Il lut l’étiquette à voix haute. « Ewen – dans la salle d’O – avec les cailloux cassés ». Stupéfait, il bégaya.
- C’est..c’est..c’est mon nom !
- Oui, c’est une de tes madeleines.
- Mais, je ne sais pas faire de madeleines moi.
- Ca n’empêche rien.
Sur ses doigts, l’étiquette fondait et une goutte tomba sur le sol.
- Nous nettoierons plus tard, mange-la vite.
Ewen hésita un peu puis mis le petit rectangle dans sa bouche. Celui-ci fondit immédiatement et il voulut dire « Du chocolat ! » mais une voix retentit : « Ewen – dans la salle d’O – avec les cailloux cassés ». La voix d’homme était retentissante et dynamique. Par mimétisme, Ewen parla très fort.
- TU AS ENTENDU ?
- Non, répondit la Veilleuse d’une voix posée et souriante, ce qui fit réaliser à Ewen qu’il avait parlé très fort pour rien, tu n’as pas partagé l’étiquette.
- Oh, dit-il, tout bas cette fois-ci, je ne savais pas. Tu en voulais ?
- Non, c’est gentil, mais du coup je n’ai pas su entendre, on entend que si on en mange aussi.
- Ah, d’accord. Et maintenant ?
- Place à la madeleine, bien sûr.
Joignant le geste à la parole, elle lui tendit à nouveau la petite assiette en grès. Ewen saisit la madeleine et ouvrit grand la bouche, prêt à la manger toute entière, puis se réfréna.
- Tu en veux ? proposa-t-il.
La Veilleuse, restée impassible, sourit.
- Avec plaisir Ewen, répondit-elle en lui faisant un clin d’œil.
Ewen coupa la madeleine en deux et lui donna une moitié.
- Prêt, demanda-t-elle avec des sourires plein les yeux, heureuse de partager cette expérience.
- Euh…, dit Ewen qui se demanda soudain pourquoi elle faisait autant de chichis pour une pâtisserie. Oui, oui, je suis prêt.
- Trois, deux, un…
Ewen englouti la madeleine et la Veilleuse aussi, soucieuse de l’imiter. En un instant, tous deux tombèrent assis en tailleur, immobiles. En apparence, du moins, car dans la tête d’Ewen, tout allait extrêmement vite. Il entendit, en accéléré « …un, deux, trois » puis la voix retentissante dans sa tête, puis les bruits et les images de toute sa journée, à l’envers.
[défilement du livre à l’envers par moments-clés jusqu’à la salle d’O]