Short fluo - Adam - n’avait pas eu à me réveiller. Les cris de la populace locale s’en étaient chargés. Le convoi était long, on devait l’apercevoir de loin. Visiblement, il était très attendu. Il avait fallu se rapprocher du tumulte pour distinguer les cris qui se répercutaient d’un côté à l’autre des chemins puis, après avoir franchi une immense arche en pierres épaisses, ceux qui rebondissaient de part et d’autre des rues pavées de ce qui semblait être une vaste cité d’allure médiévale.
— Vive les Chasseurs ! Vive les Éphémères ! Vive les Étrangers ! Vive le Roi ! Vive…
Et Vive d’autres choses que je n’avais pas retenues ou mal comprises. Le vacarme était tel qu’Adam s’était résigné à ne plus relancer un quelconque échange. Il m’avait tout de même partagé son espoir qu’Éphémères ne soit pas une autre façon de nous désigner. Ni lui ni moins n’avions cherché à agrandir l’ouverture de la bâche. Recroquevillée dans ma paille, j’avais silencieusement subi cette dernière partie du trajet, les bras verrouillés autour de ma poitrine.
À présent, contrastant avec le souvenir de ce tapage insensé, le silence qui nous entourait était plus oppressant que bienvenu.
Une lente transition… C’aurait été plus doux, me dis-je en fixant mes mains jointes, crasseuses, qui reposaient sur mes cuisses en parties couvertes par la tunique rêche.
La sortie du chariot avait été rapide, précipitée. Adam m’avait aidée à descendre et, à peine avais-je constaté que notre cocher était bien un vieillard et que sa Jül n’était en aucun cas un cheval, qu’un petit comité de locaux en longues robes, pourpoints et chausses colorées s’était dépêché autour de nous. On nous avait pressé derrière une porte puis s’étaient succédé un dédale d’escaliers et de couloirs - pas toujours éclairés. Reproduire ce chemin en sens inverse était inenvisageable.
C’est peut-être voulu.
— Tu te remets, gamine ? me demanda Adam à voix basse.
Nous nous trouvions dans une longue pièce, basse de plafond, qui semblait faire office de petit salon. Deux des nôtres nous faisaient face, installées sur un sofa vanille rayé de larges bandes vert pastel. J’imaginai brièvement Warner et Armand installés sur un fauteuil similaire, dans une pièce identique, à un autre étage du château. L’image faisait tache. Dans ce décor, étonnamment moderne et sophistiqué, nous faisions tache. Avec nos vêtements sales, déchirés, nos bosses et nos plaies bandées, nous faisions tache… Je hochais du menton en réponse à la question d’Adam. Il se tenait si droit, sur notre sofa rose pâle, que je mis un point d’honneur à déplacer mes bras le long de mon corps. Je refermai toutefois mes poings sur les manches trop longues de ma cotte pour masquer la moiteur de mes paumes et le léger frémissement de mes doigts.
Avant de nous abandonner dans cette pièce luxueuse, une femme aux yeux bleus et à la robe orange s’était détaché du petit comité pour nous offrir, selon ses mots, quelques conseils primordiaux.
Surtout, faites confiance à la petite équipe qui sera vite auprès de vous. Soyez respectueux, suivez et écoutez leurs conseils : ils sont à votre service pour que tout se passe au mieux pour vous. Une fois au Bal, tâchez de faire bonne impression. Ce soir, vous serez la vitrine du magasin dans lequel vous commencerez votre nouvelle vie.
Dès qu’elle fut sortie, rejoignant ses comparses restés dans le couloir à l’éclairage tamisé, Adam avait murmuré que les apparences devaient avoir du poids dans leur société.
Il m’intimidait toujours, mais sa présence était réconfortante, et il semblait bien disposé à mon égard.
C’est peut-être parce que j’ai essayé d’aider Grand Échalas.
— Comment se portent tes côtes ?
— Mieux, répondis-je.
Ça me lançait de-ci de-là, mais c’était supportable. Désagréable, mais supportable.
— Dis-moi, Luce, quel est ton état d’esprit pour cette nouvelle vie à venir ? Comptes-tu t’accrocher ? T’effondrer ? Te laisser porter au gré des autres ?
Je me tournais vers lui. Il ne me regardait pas, il fixait la porte. En pleine lumière, son visage était saisissant. Il transpirait l’autorité et ses yeux étaient du même noir profond que ses cheveux.
Un proche désormais oublié m’avait un jour confié que les personnes aux yeux noirs étaient rares et qu’elles possédaient presque toujours une personnalité hors normes. Selon moi, Adam ne défiait pas cette règle.
— M’accrocher, dis-je avec sincérité.
— C’est ce que j’espérais entendre, répondit-il sans la moindre trace de sourire. Si, comme je le pense, nous nous retrouvons tous séparés au terme de cette soirée, savoir que je ne serai pas le seul à tout faire pour m’en sortir… sera apaisant.
— Et moi, tu ne me questionnes pas sur mon état d’esprit ?
La jeune femme à la peau olivâtre qui nous faisait face était penchée vers lui. Une longue tresse noire revenait sur son épaule et lui retombait sur les cuisses. Adam lui offrit son attention d’un mouvement de tête.
— Satya, je m’appelle Satya.
Elle lui décocha un adorable sourire qui le laissa de marbre.
— Pour ma part, poursuivit-elle sans se défaire de son sourire, entendez que je m’appliquerai à savourer tout ce qu’il me sera possible de voir, faire, goûter et essayer.
Elle se redressa, les mains appuyées sur les genoux.
— Comme vous, j’ai survécu à ce massacre… Mais il s’en est fallu de peu. Quand j’ai franchi la ligne, je me suis jurée que le jour où viendrait mon heure, je partirai sans regret. Je suis donc prête à croquer à tout, à pleines dents, et place aux plaisirs !
Son discours était cohérent, mais quelque chose de féroce et d’affamé dans son regard me donnait la désagréable impression qu’elle n’était peut-être pas aussi équilibrée que la justesse de son raisonnement. Sa voisine de sofa nous observait mais gardait le silence. Je la trouvais saisissante, avec sa robe à peine plus sombre que sa peau et ses épais cheveux noirs, aucunement influencés par la notion de gravité, qui frisaient librement autour de sa tête. De nous quatre, il était évident qu’elle était la plus jeune. Tout comme Adam était sans conteste le plus âgé - je lui donnais la petite trentaine, pas moins.
Un coup sec sur la porte annonça l’arrivée de notre petite équipe : d’autres corps bariolés entrèrent en poussant et tirant de hautes valises sur roulettes et des portants croulant de vêtements. La femme à la robe orange n’était plus là. Je dénombrais une dame âgée, deux autres plus jeunes mais déjà d’un certain âge et deux hommes en costume dont l’un aurait pu être le père de l’autre. Juste après, deux autres hommes, aux allures de soldat, entrèrent en refermant la porte. Ils se postèrent devant, de part et d’autres du montant ciré.
Je parie qu’ils étaient déjà là, dans le couloir, pendant qu’on patientait…
— Ce soir, c’est à nous que vous devrez de briller ! s’enthousiasma le jeune homme.
Il arborait d’étonnants cheveux blancs bouclés.
— Je me présente, enchaina la vieille dame après avoir sèchement rabroué ce débordement joyeux, je me prénomme Bérénice de Soie. Nous sommes ici à votre service pour vous permettre d’être les plus éblouissants possibles au Bal de ce soir. Je conçois que cela puisse vous paraitre incongru en cet instant de bouleversements, mais le Roi ne peut tous vous garder auprès de lui, le Pacte s’y oppose, et cette nuit ne prendra fin que lorsque vous serez toutes et tous sous la protection d’autres que lui. Nous commencerons par vous rendre vos dignités : vous trouverez un petit cabinet de toilette au fond de la pièce. La porte se trouve derrière le paravent d’Eöl. Allez-y un par un et, s’il-vous-plait, ne trainez pas.
C’était typiquement le genre de vieille personne qu’instinctivement j’évitais de contrarier. D’un ongle autoritaire laqué de rouge, elle indiquait une structure à l’allure arrondie, en diptyque, sur laquelle était tendue de grandes toiles couvertes de broderies aux motifs en relief. Adam fut prompt à réagir, cette fois encore, et proposa à notre jeune muette d’y aller en premier ; ses mains, ses bras et son torse étaient couverts de sang séché. N’étant pas blessée, il ne s’agissait probablement pas du sien. En se relevant, elle le remercia à voix basse mais d’un ton assuré et lui offrit son nom en remerciement : Awa.
— Tant de choses à faire et si peu de temps ! s’exclama en tapant dans ses mains la dame replète à la choucroute rousse ornementée de pinces en forme d’oiseaux. Pendant que notre jeunette se repoudre le nez, je vous invite à vous approcher pour sélectionner votre tenue !
Se repoudrer le nez ? C’est ce qu’elle choisit de dire ?
Il était hors de question que je me lève. Adam en fit autant.
Merci.
À l’inverse, Satya s’approcha d’un portant sur lequel étaient suspendues plusieurs longues robes scintillantes. Elles possédaient toutes un corset à lacer, le genre de tenue qu’on n’était pas capable d’enfiler seul.
Ça aussi, ça peut en dire long sur une société, pensais-je sombrement.
— Tut tut tut, ne les touchez pas, Damoiselle ! Juste avec les yeux, s’agita la forte femme rousse, attendez d’être propre et, là, vous pourrez même en essayer une !
— Votre tenue vous est gracieusement offerte par notre Roi, précisa la vieille dame, l’index à la verticale. En guise de bienvenue.
Un homme dans la cinquantaine, à l’impressionnante moustache en forme de guidon, se posta devant moi.
— Et vous très chère, ne désirez-vous pas venir regarder quelques modèles de plus près ?
Je clignais des yeux avant de décliner d’un mouvement de tête. La vieille me jeta un regard réfrigérant.
— Vous ne comptez pas poser de problème ? grinça-t-elle. Sachez que nos deux amis de part et d’autre de la porte ont reçu comme consigne d’emmener dans une pièce spéciale tout problème cherchant à enrayer la bonne préparation du Bal célébré en votre honneur.
Les soldats claquèrent chacun un pied sur le sol dallé, donnant un air théâtral à cette menace à peine déguisée.
— Je suis sûr qu’il n’est pas question de cela, Dame Bérénice. Me permettez-vous de choisir votre tenue, Damoiselle ? proposa l’homme à la proéminente moustache.
— Faites…, croassai-je.
— Quant à moi, si vous me le permettez, j’arrangerai vos cheveux pour mettre correctement votre visage en valeur, s’excita le jeune aux bouclettes blanches.
Dame Bérénice pinça les lèvres.
— Pour elle, tu mettras ton temps et ton énergie à raccourcir sa robe au-dessus du genou, ses cheveux ne seront pas ta priorité.
— Mais, pourquoi ? s’étonna la grosse dame en secouant sa choucroute rousse. Cette saison, ce sont les modèles longs qui incarnent l’élégance ! Et cette découpe, sur ce volume, cela serait tout bonnement disgracieux !
— Je ne réponds toujours qu’au désir du Roi, la rabroua doucement la vieille dame. Il a spécifiquement demandé que soit visible le paiement octroyé au Brumeur afin que tous puissent constater qu’en aucun cas son dû ne lui avait été refusé.
A cet instant, Awa sortit du cabinet, les jambes habillées d’une sorte de braie bouffante et le haut recouvert d’une chemisette sans manche. Adam me souffla d’y aller à mon tour. Heureuse de cette sortie facile, je ne lui renvoyai pas sa politesse et m’éclipsai presque au pas de course. En me glissant derrière le paravent, j’entendis Awa déléguer elle aussi le choix de sa robe à Monsieur Grosse Moustache. Tout cela était ridicule.
Surréaliste et parfaitement ridicule.
****
Le cabinet de toilette était spartiate, sans la moindre décoration. Quel soulagement de pouvoir refermer la porte derrière moi ! Quatre vasque étaient mises à notre disposition - l’eau de l’une d’elles était trouble et rosée.
À moi d’en souiller une nouvelle.
Au pied de la vasque, se trouvait une pile de linge propre et de sous-vêtements que je jugeai d’époque. Un pain de savon et une brosse en crin épais reposaient sur le large rebord en pierre marbrée. Sans attendre, j’y plongeai les mains.
L’eau est chaude !
Des galets gros comme mon poing reposaient au fond de la vasque. J’immergeai une manche pour les toucher, curieuse. Ils étaient un poil plus chaud que l’eau.
Étrange. Comme ces lumières…
Je cherchais la magie partout. Je ne supportais pas de ne pas comprendre.
Respire, Luce.
Tout en apaisant mon souffle, j’avisai les vêtements d’Awa, abandonnés en boule dans un coin de la pièce. J’essorai vaguement la manche détrempée et me délestai des miens avec satisfaction avant de les envoyer rejoindre le tas poisseux. Après de délicates manipulations, j’y ajoutai mes bandages. J’aurais aimé rassurer Warner sur les étonnants résultats de la médecine locale. Je n’étais que croûtes et bleus, mais toutes mes plaies s’étaient refermées et je pouvais me mouvoir presque sans douleur.
Je pris le temps de frotter avec rigueur tous les recoins de mon corps. Je frottais le sang et la crasse autant que les images de morts et d’attaques qui me parasitaient l’esprit. La couleur de saleté qui finit par teinter l’eau ne m’apporta pas le sentiment de propreté espéré. Il m’aurait fallu une longue douche brûlante pour cela… Voir la crasse partir dans le trou d’évacuation, la porcelaine redevant immaculée sous mes pieds… Mon menton se mit à trembloter.
T’es qu’une idiote, Luce. Pense pas à chez toi. Pas maintenant.
Malgré l’eau chaude, je claquais des dents. Je m’enroulai dans un grand linge et m’assis par terre, en boule.
Je m’accorde deux minutes.
J’étais étonnée qu’aucune larme ne cherche à s’échapper. J’étais plus coriace que je ne l’aurais cru… Mais ça me tomberait dessus, plus tard…
De ce que j’étais, il me reste des souvenirs tronqués et un bracelet.
Dépouillée du reste, je pressai cette présence matérielle contre ma peau. Quelque peu réchauffée, j’extirpai mon bras du cocon improvisé pour l’observer. Un simple fil de coton bleu foncé et un charme : un arbre de vie. J’avais toujours été attirée par ces symboles qui représentaient la vie, la nature, l’équilibre… Au-dessous, se trouvait le surnaturel sauf-conduit qui s’était gravé de lui-même lorsque j’avais franchi la ligne bleue, au sommet de la Haute Dune. Comme la sorte de rune que j’avais découvert sous mon nombril, assez discrète heureusement. Je l’associais à la douleur cuisante qui m’avait pincée à ma sortie du bus.
Un monde de magie…
Je présentais que bien des choses, ici, ne seraient pas à comprendre par le filtre des sciences et du rationnel.
****
— Je suis navré, Damoiselle. Un tissu si délicat… Une si jolie robe…
Le jeune homme secouait ses anglaises blanches de désespoir. Toutefois, je n’arrivais pas à déterminer si son malheur était de m’imposer une robe raccourcie ou bien d’amputer ladite robe de si précieux et délicats centimètres.
La morsure, en cours de cicatrisation, n’était pas belle à voir. Presque chaque dent avait perforé la peau plus ou moins profondément, dessinant une silhouette de pomme sans pédoncule. De nombreux bleus, à divers stades de coloris, marbraient ma peau ; j’aurais préféré pouvoir camoufler mes jambes plutôt qu’avoir à les exhiber. Un peu comme mes cheveux qui avaient été brossés, tressés et maintenus contre mon crâne par une ribambelle d’épingles pour cacher leur crasse - je n’avais pas trouvé le courage de les laver dans la vasque.
Un large miroir recouvrait un pan de mur, je nous y voyais, tous. Nous avions grande allure. Nous faisions moins tache dans le décor.
J’ai l’air d’un clown dans cette meringue tailladée.
— Parfait, maintenant que vous êtes présentables, je vais vous enseigner quelques pas de danse que je vous conseille fortement de maitriser.
— Pardon ?
Adam, resté muet depuis son retour du cabinet de toilette, en perdit son stoïcisme. J’étais moi-même bouche bée.
— Pour le bon plaisir de notre Roi, s’agaça la vieille Bérénice de Soie, un bal agrémentera cette soirée de fête.
— Vous êtes sérieuse ?
Il ne montrait aucun signe de colère, il avait formulé cette question très calmement, laissant entendre qu’il en était simplement déstabilisé. Bérénice de Soie posa une main sur son cœur, l’autre nous invitant à l’apaisement. Ce geste me la rendit plus sympathique.
— À la cour, les apparences sont importantes. Si, par chance, le membre d’un clan vous conviait à échanger quelques pas de deux, vous rendre ridicule pourrait vous coûter une possible invitation à résider chez lui. Mon but est de vous parer des meilleures armes pour traverser cette soirée au terme de laquelle vous trouverez votre place dans ce monde. Je vous l’ai dit, nous sommes ici pour vous venir en aide.
Il s’était tendu à l’allusion guerrière. La tirade avait dû résonner en lui ; après avoir donné son assentiment d’un hochement silencieux, il demanda où se poster et quels étaient les pas à connaitre. Awa, Satya et moi suivirent le mouvement. Il était ridicule, en cet instant, de lancer le moindre esclandre.
****
La danse n’était pas mon fort. Je le savais. Bérénice de Soie me l’avait confirmé en me souhaitant de ne pas me faire inviter au début du Bal où le public est le plus scrutateur.
Les trois autres se débrouillaient fort bien. La veille dame et le reste du comité semblaient satisfaits du temps qu’ils nous avaient consacré.
Monsieur Longues Moustaches attira notre attention, il avait une dernière chose à nous expliquer avant de nous conduire à la seule fête des moissons que nous aurons la chance de vivre, celle-ci n’ayant lieu qu’une fois tous les cent ans.
La fête des moissons. Nous en étions la récolte... À quelle fin ?
— Je reprends les mots de Dame Bérénice de Soie et vous rappelle qu’au terme de cette soirée, vous trouverez votre place au sein de notre monde. Notre société royale, voyez-vous, est divisée en Clans, plus ou moins prospères, plus ou moins en résonance avec le Clan royal. Chaque Clan sera représenté ce soir.
Il prit le temps de lisser les poils recourbés de sa moustache avant de poursuivre.
— Tout au long du bal, les Clans auront le privilège de vous inviter à rejoindre leur domaine pour la moitié d’une année. Ces invitations sont d’élégants rubans aux couleurs des différents blasons. Au terme de la soirée, c’est vous qui choisirez lequel vous désirerez garder, vous qui choisirez quel Clan sera votre asile pour vos débuts en ce monde. Au cours de ce presque double quatrain, vous aurez aussi le pouvoir d’accepter ou non de rejoindre ce Clan Ad Ëterna ou de n’y demeurer qu’en simple invité avant de partir ailleurs.
Bérénice de Soie choisit d’intervenir pour nous rappeler qu’une bonne impression nous rendra plus appréciable et qu’obtenir un maximum d’invitations nous sera profitable :
— Il est plus confortable d’avoir le choix, et celui-ci tout particulièrement aura des conséquences sur votre nouvelle vie.
Ils commentaient ou complétaient chaque recommandation, explication et conseil donnés par l’autre, mais sans offrir une impression d’union ni même de franche cordialité. Certains mots ou expressions m’étaient inconnus, j’étais à cran, épuisée…
Qu’ils abrègent.
— Mais rassurez-vous, ajoutait encore Longues Moustaches en incarnant la bonhommie, rien n’est immuable. Un Clan peut ne pas vous convenir. Un autre vous ouvrirait alors ses portes. Et au terme de ces longues semaines, vous en connaitrez peut-être suffisamment pour tenter d’évoluer en dehors des Clans. Certains le font et cela leur réussit fort bien !
— Gare à ce choix, grinça Bérénice de Soie, ce mode de vie est rude et nécessite un minimum d’indépendance financière.
— Certes, certes, Dame Bérénice, gloussa Longues Moustaches. Je suis moi-même, et depuis toujours, bien à l’abri au sein de mon Clan chéri où je n’ai jamais manqué de rien.
La vieille dame pinça si fort ses lèvres qu’on les aurait cru inexistantes. Dressant encore son doigt laqué de rouge, elle précisa que le Clan qui nous accueillera sera responsable de notre sécurité, de notre confort, mais aussi de notre accès aux savoirs, us et coutumes de ce monde qui, pour rappel, était désormais le nôtre.
— Cela fait partie de leurs devoirs. Et si cela ne vous est pas correctement accordé, gardez à l’esprit que vous pourrez à tout moment, et sans en craindre la moindre retombée, réclamer ce dû auprès de notre Roi.
— Avez-vous des questions ? enchaina joyeusement Grosse Moustache.
Satya leva une main impatiente.
— Comment savoir quel Clan choisir si plusieurs d’entre eux se proposent à nous ? Je veux dire, actuellement, nous ignorons tout !
Cette fois, ce fut la grosse dame à la choucroute rousse qui prit la parole. Elle rassura Satya en lui expliquant d’un ton guilleret que les Clans intéressés se présenteraient à nous dans le menu détails.
— Et si aucune invitation ne nous est proposée ? interrogea ensuite Adam.
J’avais intercepté le rapide coup d’œil qu’il avait jeté sur mes cuisses dénudées - sur la trace de morsure rougeâtre.
— Ce soir, tout le monde trouvera sa place, assura Grosse Moustache.
— Bien sûr, certaines places sont plus enviables que d’autres, tempéra Choucroute rousse, soudainement moins enjouée. Certaines Maisons prospères auront aussi leurs propres représentants ce soir. Elles ont d’autres critères de sélection…
— Ma foi, mis à part un don de soi plus important, ces lieux ont tout autant à offrir que les Clans, répliqua Grosse Moustache avant de partir d’un rire gras que je trouvai malaisant.
Don de soi… Je suis sûre qu’il fait allusion à des Maisons de passes. Bordel. J’en suis certaine.
Et voilà, je me remettais à jurer. Et à transpirer.
— Et quand bien même personne ne vous proposerait quoi que ce soit au cours de la soirée, n’ayez crainte, il est, dans la Cité Royale, d’autres Maisons bien moins fines bouches qui seront enchantées de vous prendre sous leur aile. Tous, je vous le dis, aurez trouvé votre place d’ici à demain matin.
Sale schnock. Elles ne se valent clairement pas toutes.
Il rit encore.
— Demain matin ! Nous y sommes presque ! Et que cesse cette nuit interminable !
Les membres du comité partagèrent son rire, sauf Bérénice de Soie. Notre ignorance nous empêcha de comprendre où se cachait le trait d’humour.
Sans parler de cette allusion de finir dans une sorte de bordel si on ne convainc aucun de ces fichus Clans.
— Une dernière question avant le grand bal ?
J’osai. Sans prendre le temps d’inspirer, je plongeai.
— Qu’attendez-vous que nous apportions à ce monde ? Je veux dire, pourquoi sommes-nous là ?
Un bref silence fut ma première réponse. Grosse Moustache en apporta une seconde, avec un grand - et authentique - sourire innocent.
— Votre force vitale, bien sûr.
Aucune autre explication ne fut donnée et, sur l’impulsion de Dame Bérénice de Soie, le comité au complet n’eut plus qu’une idée en tête : nous faire rejoindre au plus vite la salle où se tenait la fête.
****
Je suis dégoutée pour la robe ! Pourquoi la couper quand le Roi aurait pu faire préparer des robes avec des échancrures vertigineuses (et mettant Luce Mal à l'aise en lui en imposant une précise au pire ? xD) pour mettre en avant cette morsure ? Comme ça, au lieu de trop sortir du lot, elle se "fondait" dans le paysage, mais dès que l'on s'attardait trop sur elle BAM on comprend que c'est la mordue ! (je suis couturière, et mon coeur à saigné en voyant qu'une belle robe serait saccagée xD)
en tout cas, j'ai adoré ! J'ai un peu de mal avec l'équipe de stylisme, car on voit encore plus le contraste entre les étrangers et eux, qui savent tout mais ne disent rien ><
^^' Navrée pour ton cœur de couturière. J'ai voulu montrer que c'était une décision "minute". (Trop bien, je suis en admiration devant les couturières et les couturiers <3 J'ai fait de mini-choses quand j'avais le temps, avant. J'aime créer 1 l'objet utilitaire, mais je n'ai pas la patience d'en faire beaucoup ni la minutie pour créer des vêtements. Dommage.)
qui savent tout mais ne disent rien -> Ils ne peuvent pas :p Ce sont les Clans (ou les Maisons) qui expliqueront ^^ (J'ai un peu suivi cette idée de "tu resteras plus facilement dans les rangs si tu marines dans l'ignorance avec la promesse que l'explication va arriver si tu patientes gentiment encore un peu".)
Oh le choix est intéressant en tout ça ! J'ai hâte de voir a quel moment Luce va péter un plomb avec ça xD
Et bien ce chapitre nous emporte dans une ambiance radicalement différente des précédents ! Mais toujours aussi sordide.
Comme Isa, j'ai été un peu gênée par la philosophie de Satya. Je ne la trouve pas "cohérente" justement. Après les horreurs vécues je peine à croire qu'elle soit à ce point déjà dans un état d'esprit comme celui-ci, à moins d'être franchement dérangée, effectivement. Mais je ne pense pas que Luce puisse être d'accord avec son discours comme c'est le cas en l'état.
Pour le reste, il y a un retour du petit coté Hunger Games avec ce bal qui doit mettre en valeur les "candidats" par de jolies robes et tout alors que le contexte est détestable. De même pour le côté un peu grandiloquent et burlesque de la "petite équipe". Mais je dis ça comme ça, je ne dis pas que c'est un problème de fond, juste une petite pensée pour cette autre fiction ^^
J'ai hâte de découvrir les clans et d'en apprendre plus sur cette histoire de "force vitale" !
: )
Je prends bonne note pour Satya, je vais remodeler l'échange.
Je suis complètement d'accord pour le côté HG, là ça m'a frappé même quand je l'écrivais. Mais j'aurais cassé quelque chose si j'avais fait en sorte d'éviter ce rapprochement. Nous dirons que c'est un clin d'œil d'une fan ^^, une référence.
À bientôt :)
Merci ^^
Déjà, l'allusion de la femme en orange à des "magasins", ça laisse augurer des trucs pas nets, genre esclavage. Evidemment ça se confirme à la fin, avec l'histoire des "maisons", qui ont effectivement l'air d'être des maisons de passe comme le pense Luce. Sympa !
J'ai beaucoup aimé (enfin, narrativement parlant) l'histoire de la robe coupée au-dessus du genou pour exposer la morsure du brumeur. Argh... encore un truc qui fout bien les nerfs en réduisant Luce au statut d'objet !
Quant à cette histoire de "force vitale"... je crois qu'on a pas fini les surprises !
J'ai tiqué sur un seul truc : quand Sayta se présente, je me suis dit que ça me paraissait impossible d'être aussi dénuée de peur et de ne penser qu'à profiter. Je garde l'impression qu'elle n'en sait pas assez sur ce qui les attend pour être dans cet état d'esprit. Comme Luce se demande justement si elle est bien équilibrée, ça pourrait s'expliquer, mais du coup, c'est ce bout de phrase qui me perturbe un peu : "Son discours était cohérent,".
Détails :
- "Ni lui ni moins n’avions cherché à agrandir l’ouverture de la bâche. " : ni moi
- "On nous avait pressé derrière une porte" : pressés
- "puis s’étaient succédé un dédale d’escaliers et de couloirs" : s'était (un dédale). Ceci dit, un dédale qui se succède, ça ne me paraît pas très logique. "puis s'était présenté un dédale..." ? ou "puis s'étaient succédés escaliers et couloirs..." ?
- "Deux des nôtres nous faisaient face, installées sur un sofa vanille rayé de larges bandes vert pastel." : du coup, on se demande qui et on se demande pourquoi Luce ne nous le dit pas. Peut-être faudrait-il juste préciser que Luce n'a pas encore eu affaire à eux et qu'elle ignore leur nom ?
- "Surtout, faites confiance à la petite équipe qui sera vite" : pourquoi est-ce en italique puisque c'est une réplique de la femme en robe orange ? Tu n'utilises pas plutôt l'italique pour les pensées de Luce ?
- "Il était hors de question que je me lève." : pourquoi ? En quoi ça lui pose un problème ? Elle ne veut juste pas obéir ? Elle veut plus d'explications ? Elle a peur ?
- "Je présentais que bien des choses, ici, ne seraient pas à comprendre par le filtre des sciences et du rationnel." : je pressentais
- "elle précisa que le Clan qui nous accueillera sera responsable de notre sécurité" : qui nous accueillerait/serait (en termes de concordance des temps, tu ne peux pas utiliser le futur dans un récit au passé. Le conditionnel fait office de futur dans le passé)
Je suis impatiente de lire la suite !
A bientôt
Je retiens pour Satya. Je me suis trop focalisée sur la personnalité du perso et pas assez sur cet instant un peu traumatique qu'ils vivent tous. Je vais remoduler leur échange, je vais essayer de rendre ça plus cohérent.
J'ai pris bonne note des tes corrections, merci ! :)
- "Surtout, faites confiance à la petite équipe qui sera vite" : pourquoi est-ce en italique puisque c'est une réplique de la femme en robe orange ? Tu n'utilises pas plutôt l'italique pour les pensées de Luce ? ---> Je voulais marquer par l'italique que ce dialogue avait eu cours dans le passé. J'ai peur qu'en le mettant avec un "-", on s'emmêle entre passé et présent.
"elle précisa que le Clan qui nous accueillera sera responsable de notre sécurité" -> Mes oreilles et mes yeux ont saigné quand j'ai relu ça :p
À bientôt ^^ Probablement par chez toi avant par ici ;)
La suite est très intéressante, on en apprend un peu plus sur l'avenir de Luce sans pour autant levé tout le mystère qui l'entoure.
Hâte de lire la suite <3