Depuis quelques jours j’ai remarqué un nouveau spécimen dans les couloirs. Il ne reste jamais longtemps, il est toujours en mouvement, mais je confesse qu’il attire le regard. Il se tient toujours droit, la poitrine ferme et le regard scrutant l’horizon. Il a l’air souverain. Intégralement couvert de noir, il a une grande envergure, un physique de rubgyman, un visage doux et… un superbe panache sur la tête.
C’est bien simple : il me fait penser à un oiseau. Attention : un beau ! Le fier représentant d’une espèce exotique au fort caractère, au plumage brillant, aux couleurs chatoyantes et au chant enchanteur !
Ses fins cheveux d’un noir abyssal semblent jaillir du sommet de sa tête ; ils se courbent avec souplesse à leur extrémité, dans une ligne harmonieuse qui confère un formidable volume à cette coiffe naturelle. Vu de mon perchoir on dirait une trompette qui joue pour le ciel tout entier.
Il ne se montre pas souvent à mon étage, cependant il ne semble pas farouche. Son nid ne doit pas être ici, tout simplement. Pour le séduire je tente moi aussi des effets, depuis ma cage de verre. J’agite mon toupet blond, je rrroucoule, je me pâme, je gazouille. Rien n’y fait. Jamais mon volatile d’amour ne se retourne, jamais il ne dévie de sa trajectoire. J’ai lu quelque part que les oiseaux ne voient en relief que devant eux, pas sur les côtés. Peut-être suis-je pour lui incrusté dans le décor, sur le même plan que le papier peint au fond du bureau. Allez savoir…
En tout cas je finirai bien par le croiser un jour alors que je voletterai dans le couloir. Ce jour-là je lui dirai enfin : « rrroo rrroo par ici coco, rrroo rrroo donne-moi ton numéro ! ».