Ce matin j’arrive au bureau à l’heure habituelle, et à l’heure habituelle je me dirige vers la cuisine pour remplir mon verre d’eau. J’emprunte le premier couloir qui passe derrière mon siège, je longe les bureaux vides, l’étage est désert, calme. Je tourne à gauche à la fourche, m’engage d’un pas rapide dans le dernier tronçon, direction la cuisine !
La machine n’est plus qu’à quelques mètres; je marche vite en regardant distraitement autour de moi quand soudain, venant de la gauche, je prends un grand flash lumineux en pleine figure ! Exactement comme lorsque le soleil perce entre deux immeubles et vient nous atteindre sur le trottoir.
Ici le soleil surgit plein ouest, il est pâle et sculptural. D’abord j’hallucine, très vite je chauffe et déjà je jubile : dans le bureau de gauche, sur le dernier tronçon qui mène à la cuisine, où j’ai l’habitude de remplir mon verre d’eau, un homme torse nu s’apprête à revêtir sa chemise, debout au milieu de son espace de travail. Il est grand, il est beau, il est musclé, on dirait un nageur. Ses traits sont hiératiques, ses muscles méthodiquement soulignés, son visage angélique, je remercie l’académie et tout particulièrement le sculpteur.
Mon esprit bave de plaisir mais je n’ai pas le temps de savourer plus longtemps puisque mon élan m’a déjà mené dans la cuisine. Je pivote à gauche, je remplis promptement mon verre, j’hésite à interpeller Gladys qui découpe des fruits : « viens voir ça Gladys ! ». Finalement je n’ose pas, je repars immédiatement, plein d’espoir et bien décidé à signifier à ce monsieur combien il est beau d’un geste du pouce. Malheureusement il est déjà trop tard : le soleil est éclipsé par du coton, et l’astre pâle s’est installé derrière son ordinateur. Zut. Je continue mon chemin l’air de rien, tout de même dopé pour la journée, mon verre d’eau à la main.
Demain matin j’arrive tôt au bureau.