Cela faisait maintenant près de deux semaines que Zayn séjournait à La Sirène de l’Atlantique. Lorsqu’il était arrivé le premier soir dans sa chambre, il n’avait pas eu le temps de se rendre compte à quel point la suite réservée par Mathias était somptueuse. Ses affaires étaient arrivées avant même qu’il ne soit installé. La chambre était entièrement marbrée, avec un petit salon, un canapé et des sofas, une très grande salle de bain avec plein de produits de soin de la peau et des cheveux, ainsi qu’un immense lit double avec une table de chevet et un bureau collé à la fenêtre donnant sur le XXIème arrondissement.
En réalité, toute l’auberge était somptueuse. Le rez-de-chaussée comprenait un bar avec des tables pour quatre et une terrasse. De nombreux clients venaient chaque jour à l'auberge, ne serait-ce que pour déjeuner, dîner ou prendre un verre. Il avait très vite compris, dès le premier jour, que cet établissement était réservé à une clientèle qui en avait les moyens. On voyait beaucoup de paladins et de mages qui venaient se restaurer ou passer un bon moment, mais à aucun moment Zayn n’avait vu d’éclats ou d’enchanteurs. Les enchanteurs étaient reconnaissables grâce à leurs sceptres imposants et les éclats à leur unique épée attachée dans le dos. Zayn comprit, après avoir posé des questions au serveur avec qui il avait sympathisé, que les mages étaient très difficilement reconnaissables, mais que les paladins arboraient tous un marteau miniature autour du cou attaché à un collier. Il lui avait aussi dit que ces petits marteaux miniatures étaient capables d’abattre un gratte-ciel, mais face à sa mine sérieuse, Zayn, désabusé et un peu sceptique, avait vite compris que cette blague n’en était pas une, bien qu’il ne comprît pas comment un marteau décoratif de 10 centimètres pouvait abattre une tour.
Il avait profité de ses journées libres pour se promener dans le XXIème et avait même visité le XXème. Ces deux arrondissements de Paris Magique, appelés Paris Magique II et Paris Magique III, étaient tout simplement « parfaits ». C’était le seul mot qui lui venait à l’esprit pour les décrire. Les avenues et rues étaient toutes bordées d’arbres, des bouleaux et des peupliers. Les rues étaient tellement propres que Zayn était prêt à parier qu’on pouvait s’y déplacer pieds nus sans trop se salir.
Il n’avait pas eu le temps d’acheter des habits neufs pour Barbelle. Il le fit donc seul en suivant une carte magique, achetée à l’auberge, qui indiquait les horaires de fermeture des magasins, le niveau d’affluence ainsi que des petits détails utiles concernant les marchandises qui y étaient vendues. Il suffisait de parler à la carte à voix haute pour qu’elle affiche ces informations. Plus encore, elle pouvait donner des informations concernant les vendeurs et la réputation qu’avait le commerce auprès des habitants de Paris Magique. Il avait acquis cette merveille pour 200 centières. Zayn commençait à se rendre compte qu’avec l’argent de la bourse, il était vraiment aisé. À titre d’exemple, payer un mois de séjour à l’auberge le laissait quand même avec 1000 centières à dépenser, ce qui était énorme. Barbelle devait être une école très prestigieuse pour se permettre d'attribuer d’aussi grosses bourses aux nouveaux comme lui.
Ne sachant pas trop quoi acheter, il prit des pulls, des gants et une doudoune pour l’hiver. Il en profita également pour acheter des pantalons, des hauts, des chemises, des vestes ainsi que des baskets. Et comme il avait remarqué que les doués s'habillaient extrêmement bien, il prit l’initiative d’acheter deux costumes pour les grandes occasions, ainsi que des écharpes assorties à ses chemises. Après avoir fait les magasins, il dut acheter une nouvelle valise parce qu’il avait maintenant trop de vêtements. Dans la même journée, il réussit à trouver une librairie qui vendait des livres de sorcellerie et se mit en tête d’acheter un livre avec des sortilèges élémentaires et d’essayer de s’entraîner dans sa chambre les jours où il s’ennuierait. À sa grande surprise, lorsque le libraire lui demanda sa carte d’identité, il l’invita gentiment à sortir en disant que c’était à l’école qu’il apprendrait tout cela. Furieux et avec rancœur, il se dirigea vers un deuxième magasin, non loin de l’auberge, qui lui refusa non seulement la vente de livres de sortilèges élémentaires, mais aussi des livres d’histoire des doués et tout autre document relatif au monde magique. En fin de journée, il décida de contacter Mathias pour lui demander s’il ne pouvait pas intervenir. Il lui écrivit une lettre qu’il lui envoya, lui expliquant qu’il voulait commencer à s’entraîner à la sorcellerie et à la magie. Il lui fit part également de ses questions concernant les Terres Infinies.
Zayn n’arrivait toujours pas à assimiler le fait que ces terres étaient réellement infinies. Si cela était le cas, cela voudrait dire que ces terres ne sont pas un objet céleste rond comme une planète, mais une dimension où la terre, ou plutôt les « Terres », étaient plates. Cela était physiquement impossible. Si cette dimension était plate, d’où venaient le ou les soleils qui l’éclairaient, et d’où venaient les lunes durant les nuits ? Il avait essayé d’acheter des livres sur le sujet, mais comme à chaque fois, on l’avait conduit à la sortie de la boutique. Zayn n’avait qu’une seule chose en tête, mis à part pratiquer le don : comprendre ce qu’étaient réellement les Terres Infinies. Il avait sa propre idée sur la question : il devait s’agir d’une super-planète tellement grande que les gens qui la parcourent pensaient que c’était un monde plat et infini.
La réponse de Mathias arriva par boîte à encre une heure plus tard :
« Cher Zayn,
Je suis content que tu t’acclimates à Paris Magique et que tu sois aussi curieux.
Pour ce qui est des Terres Infinies, elles sont bel et bien plates et existent dans une autre dimension. Je sais que c’est difficile à accepter, mais le jour où tu les fouleras, tu comprendras ce que je veux dire en disant qu’elles sont vraiment infinies. Les soleils descendent du ciel et remontent la nuit pour laisser place à des étoiles qui s’approchent et éclairent les terres de cette dimension. Il est aussi impossible d’atteindre l’espace depuis les Terres Infinies. À chaque fois que quelqu’un essayait, il se rendait compte que plus il volait haut, plus les étoiles rétrécissaient, jusqu’à ce qu’il soit obligé de redescendre pour respirer, vu le manque d’oxygène dans l’espace. Les Terres Infinies existent grâce au Don. De nombreux phénomènes inexplicables s’y produisent. De toutes façons, il y a un cours dédié aux Terres à Barbelle. Il est obligatoire, et tu auras tout le loisir d’y poser toutes tes questions.
Pour les librairies, tu n’as pas le droit de t’instruire sur les sujets concernant Terre Magique tant que tu n’es pas à l’école. C’est un protocole lourd, mais qui doit être respecté. Comme expliqué, par le passé, des idéologies ont été véhiculées aux jeunes élèves qui sont considérées comme détestables et dangereuses pour notre communauté. Nous avons donc décidé de ne révéler que le strict minimum aux nouveaux tels que toi. Mais comme je t’apprécie, je t’ai envoyé une allumette. Le sortilège pour la transformer en aiguille est Acuis. Mais il ne suffit pas de le dire à voix haute, il faut que tu sentes le Don affluer en toi et le diriges vers l’allumette en imaginant avec précision l’objet final que tu souhaites obtenir. Pour ce qui est de la magie, contente-toi de claquer des doigts pour faire tenir l’allumette en équilibre sur la pointe, mais encore il te faudra avoir recours au Don et imaginer précisément le résultat final. J’espère te voir le 25 août pour notre départ vers Barbelle.
Mes amitiés, Mathias,
PS : Pour répondre à ta question, je suis près du pôle Nord, je m’occupe des nouveaux comme toi. Ma prochaine destination est l’Alaska. »
Zayn se sentait le cœur léger ; il allait enfin commencer à pratiquer la magie. Il avait essayé d’enlever ses lunettes en bois, à plusieurs reprises, pour voir s’il pouvait maintenant concentrer son Don dans les yeux. Mais cela fut un échec à chaque fois ; il ne voyait que du noir. Il conclut qu’il ne valait mieux pas enlever l’anneau que lui avait donné Mathias, au risque de se voir expulsé en plein Paris, ou pire encore, que son corps implose. Il avait besoin de ces artefacts pour pouvoir vivre à Paris Magique, puisqu’il ne savait pas encore contrôler son Don. Sans ces lunettes et cet anneau, il ne pouvait ni voir, ni pénétrer le monde magique.
Il prit l’allumette que Mathias lui avait envoyée par boîte à encre et la posa avec hâte sur son bureau. Il se concentra et essaya de s’imaginer une aiguille à la place de l’allumette, se répétant plusieurs fois la formule dans sa tête : « Acuis… Acuis… Acuis… », puis il inspira un bon coup et dit d’un ton haut et fort :
Acuis.
Il sursauta en criant fort lorsqu’il vit que l’allumette avait légèrement vibré, mais se sentit bête d’avoir crié victoire trop vite : l’allumette ne s’était pas changée en aiguille. Il réessaya, sans perdre espoir, plusieurs fois, en essayant de se convaincre que c’était la première fois qu’il essayait d’utiliser le don. Mais très vite, il se rendit compte que peu importe comment il s’y prenait, l’allumette ne faisait que vibrer faiblement. Après une heure de tentatives acharnées, il jeta l’éponge, maudissant l’allumette et le sortilège qu’il avait utilisé. Il décida de sortir faire un tour pour se changer les idées et alla essayer un nouveau café qui venait d’ouvrir à quelques quartiers d’ici.
Et c’est ainsi que Zayn passa les trois dernières semaines d’août qu’il lui restait à Paris Magique. Il passa des jours à essayer le sortilège de l’aiguille, mais peu importait ses efforts, l’allumette ne faisait que vibrer paresseusement sans se transformer en aiguille. Était-ce normal qu’il ne puisse pas effectuer un sortilège aussi simple ? Pire encore, il ne pouvait toujours pas voir Terre Magique sans ses lunettes en bois. À chaque fois qu’il les enlevait, il ne voyait rien d’autre que du noir. Zayn commençait sérieusement à croire que Barbelle s’était peut-être trompée et que son Don n’était pas aussi puissant que ce que son directeur, le Lion, pensait. Alors, pour se changer les idées, Zayn partait souvent se balader dans le XXème et le XXIème arrondissement, Paris Magique 2 et 3. Il décida donc d’essayer tous les établissements où il pouvait être admis. À son grand malheur, on ne le laissait toujours pas pénétrer les librairies, les bibliothèques, ni même les magasins vendant des objets enchantés ou les animaleries de créatures magiques, qui attendaient toutes, en cage, d’être vendues. D’un autre côté, Zayn avait eu la chance de voir un dragon nain aux écailles rouges et à la crête hérissée de piques dangereusement acérées. Le vendeur lui avait expliqué que les dragons nains étaient des cousins lointains des vrais dragons, mais que contrairement à ceux-ci, ils n’étaient pas très intelligents. On lui avait expliqué que les vrais dragons étaient aussi intelligents qu’un doué et très puissants.
Même si ses sorties ne s’étaient pas révélées aussi amusantes qu’il l’avait espéré, il eut quand même le temps de visiter la majorité des cafés et restaurants connus ainsi que de nombreux parcs magnifiques, aux arbres dansants et aux fleurs qui émettaient de petits sons lorsqu’on les effleurait. Il avait également reçu une lettre du Lion de Barbelle qui lui expliquait que le départ pour l’école s’effectuerait le lendemain à 15 heures précises depuis l’aire des montgolfières à Paris Magique III, le XXIème arrondissement. Il avait aussi précisé qu’il fallait envoyer ses affaires étiquetées à son nom par estrade. Il n’avait aucune idée de ce que signifiait l’expression « envoyer par estrade ». Il se promit de demander à Mathias ou à l’aubergiste ce que cela voulait dire. Ce soir-là, la salle de réception, une énorme pièce capable de contenir une cinquantaine de tables rondes pour sept à huit personnes, allait accueillir des élèves des écoles françaises pour doués. Ceux-ci se réunissaient traditionnellement dans les auberges de Paris Magique en vue du départ pour leurs écoles respectives. Bien sûr, Paris Magique n’était pas le seul point de départ pour les écoles basées dans l’Hexagone français, mais c’était celui d’où partait la majorité des élèves.
Zayn avait eu le temps d’apprendre durant son séjour à Paris Magique qu’il existait six grandes écoles prestigieuses pour doués, et Barbelle était l’une d’entre elles. Les autres se situaient en Amérique du Nord, en Afrique, en Asie, à Atlantide et sur Ciel-Terre ou La Cité dans le Ciel. Ces écoles étaient synonymes de grandeur et assuraient à tous leurs diplômés les meilleurs postes dans le monde de la magie. Mais il avait aussi appris qu’il y avait beaucoup d’autres écoles dans le monde, moins prestigieuses, mais qui permettaient néanmoins de recevoir une bonne éducation. Certaines d’entre elles avaient même une très bonne réputation. Il avait également appris qu’il existait une forme d’aristocratie dans le monde de la magie. Il n’avait pas très bien compris le principe, mais il avait retenu que les éclats et enchanteurs ainsi que leurs descendants sur huit générations avaient des droits féodaux sur certains territoires. Ils collectaient une taxe et avaient un droit de vote au conseil de l’ordre, une organisation gouvernementale mondiale démocratique. C’est ce dernier point qu’il ne comprenait pas : comment une démocratie pouvait-elle accepter des privilèges féodaux pour certains de ses membres ? Il avait aussi appris, par exemple, que de grandes et vieilles familles qui existaient depuis plus d’un millénaire siégeaient au conseil de l’ordre. Il avait eu du mal à mettre la main sur toutes ces informations puisqu’on lui interdisait l’accès aux librairies, aux bibliothèques ainsi qu’à de nombreux autres endroits de Paris Magique. Il avait dû ruser pour apprendre tout cela. Chaque soir, il s’installait à une table voisine de celle des visiteurs de l’auberge et faisait mine de lire un livre sur l’économie tout en écoutant les conversations à l’insu des personnes autour de lui. C’était parfois ennuyeux, mais sur le long terme, sa stratégie payait.
Il décida donc ce soir-là d’aller faire un tour à la salle de réception pour voir à quoi ressemblaient les élèves des différentes écoles françaises, à la veille du départ pour Barbelle. La salle de réception était joliment décorée, avec de nombreuses lumières flottant dans l’air. Des nappes et des chandeliers étaient disposés sur chaque table ronde, et un petit coin salon avait été aménagé dans le fond, près des fenêtres donnant sur les terrasses pleines à craquer. Zayn se demanda si toutes les autres auberges de Paris Magique étaient aussi remplies et, après mûre réflexion, conclut qu’elles devaient sûrement l’être.
À sa grande surprise, Zayn remarqua qu’il n’y avait aucune table ronde de vide et que toutes étaient remplies de jeunes gens en discussion. Étant d’un naturel timide, il eut du mal à se résoudre à l’idée qu’il faudrait s’incruster à une table pour en apprendre davantage sur les différents sujets de conversation qui animaient l’assistance. Il prit une grande inspiration et marcha droit vers une table qu’il avait repérée, car il y avait des sièges vides. Il demanda poliment :
« Bonsoir, est-ce que cela vous dérangerait si je m’installais avec vous pour la soirée ? »
« Absolument pas ! » répondit un jeune homme aux yeux bleus et aux cheveux roux tirés en arrière.
Il y avait déjà quatre personnes installées autour de la table. Le jeune homme le scruta des yeux avec un regard légèrement arrogant et ajouta d’un ton vaniteux :
« Tu es un nouveau, n’est-ce pas ? »
« Oui », répondit Zayn froidement.
« J’en ai repéré au moins une vingtaine ce soir dans l’auberge. On vous reconnaît à vos lunettes en bois », ajouta-t-il d’un air narquois.
Zayn se sentit soulagé : il n’était pas le seul à être « nouveau ». Il se détendit un peu et, à contrecœur, interrogea le jeune homme :
« Je m’appelle Zayn Mistrot. Comment t’appelles-tu et à quelle école appartiens-tu ? »
« Tu ne perds pas de temps, toi », fit le jeune homme avec un sourire moqueur. « Je m’appelle Ever, Ever de Campagnolles. » (« Encore un péteux », se dit Zayn.) « Et voici Ombre et Scintille », ajouta-t-il en désignant deux jumelles. « Et celui à ta droite s’appelle Clévand. Nous allons tous à Chestère cette année », dit-il fièrement en bombant le torse. « Et toi, quelle école rejoindras-tu l’an prochain ? »
Zayn n’avait aucune idée de comment se sortir de cette situation, alors il mentit :
« Je n’ai pas retenu le nom de l'école, je viens de recevoir ma lettre il y a deux jours. Je crois que c’est dans le nord de la France. »
« Ah ! » fit Ever aussitôt. « Tu dois aller à Alandia. C’est une très bonne école… Un peu moins bonne que Chestère bien sûr, mais les diplômés d’Alandia sont très bien insérés professionnellement après leurs six années d’études. »
« Mon cousin va à Alandia cette année », dit Ombre. « Si tu veux, je peux te mettre en contact avec lui, en plus, il doit être dans la salle », termina-t-elle en le cherchant des yeux.
Plus la conversation avançait, plus Zayn se sentait mal à l’aise. Il voulait quitter la table, mais il ne voulait pas non plus paraître impoli. Il fit donc un effort pour réengager la conversation :
« Tu as dit qu’il y avait vingt nouveaux comme moi dans la salle ? »
« Oh oui, il y en a beaucoup plus dans les rues, je les ai croisés en venant ici. »
Clévand ricana sombrement et ajouta :
« Quand je pense que certains de ces malheureux peuvent enfin quitter le monde des sans-dons… Le pire, c’est qu’ils le font dans le but de poursuivre des études qui pourraient leur fournir un double poste chez eux… Se retrouver encore chez les sans-dons… C’est malheureux… »
« Un double poste, c’est quand tu travailles pour l’ordre en infiltrant la société des sans-dons pour les aider dans leurs problèmes », répondit Scintille en voyant l’air interrogateur de Zayn.
Ever se renfrogna et tapa du poing sur la table :
« Quand je pense qu’il n’y a pas si longtemps, ces misérables allaient passer sous notre coupe. »
« Pas ici, Ever… » dit subitement Ombre en regardant de tous les côtés.
« Bah quoi, tout le monde le sait, avec la Lame, au moins, on n’aurait pas eu à se taper ces singes sans cervelle. Les sans-dons ne servent à rien, ils devraient nous servir. De toutes façons, regarde toutes ces attaques sur les Terres Infinies, à mon avis le conseil de l’ordre a du pain sur la planche… » dit-il en ricanant bruyamment.
Zayn en avait trop entendu. Le visage rouge de colère, il se leva et prit congé en disant :
« Excusez-moi ! J’ai dû oublier quelque chose dans ma chambre. »
Zayn était choqué par ce qu’il venait d’entendre. Ces doués se croyaient supérieurs aux sans-dons. Il n’avait pas pu en supporter davantage, et d’après ce qu’avait dit Ever, il y avait une crise dans les Terres Infinies. C’était donc cela que voulait lui cacher Mathias. Sans réfléchir, il se dirigea vers un canapé dans le salon, au fond de la salle, et s’assit, la mine sombre. Pendant tout le mois à Paris Magique, il avait voué un véritable culte au monde de la magie et s’était laissé croire que ce monde caché était parfait, que les inégalités n’existaient pas, que les crimes étaient rares, que les gens étaient tolérants. Mais la conversation de ce soir venait de l’arracher à son rêve éveillé pour lui rappeler la dure réalité : l’espèce humaine, douée ou non, était capable du pire. Il continua à ruminer ses pensées pendant une heure et refusa poliment, bien-sûr, lorsqu’un serveur vint lui demander ce qu’il voulait manger. Il n’avait même pas remarqué les trois personnes qui s’étaient installées à la même table basse que lui, dans des fauteuils.
« Ça ne te dérange pas qu’on s’assoie ici ? » demanda une belle blonde aux yeux bleus.
La fille qui venait de l’interpeller portait une tiare en argent sur la tête, incrustée de petits saphirs entourés d’arabesques. Cela devait encore être une enfant gâtée qui se croyait sûrement supérieure à la moitié de cette salle.
« Non, absolument pas », répondit Zayn avec sarcasme.
Elle lui lança un regard mystérieux puis dit sereinement :
« Merci, mais tu peux nous le dire si on dérange, on peut s’installer ailleurs. »
Zayn regretta aussitôt de lui avoir parlé sur ce ton.
« Désolé, je viens de passer un sale quart d’heure, je vous prie de m’excuser à tous les trois si j’ai pu paraître impoli. »
« Mais qu’est-ce qui peut mettre un nouveau comme toi de mauvaise humeur alors que tu vas plonger dans ce monde merveilleux qu’est la magie ? » dit un brun aux cheveux touffus et aux yeux verts.
Zayn ne savait pas s’il se moquait de lui ou s’il était sérieux. Il décida donc de répondre avec prudence :
« Je me suis assis à une table où… j’ai entendu des… Je ne sais même pas comment l’expliquer. »
« Tu es tombé sur des imbéciles congénitaux qui se croient supérieurs aux sans-dons et aux doués fréquentant des écoles moins prestigieuses, n’est-ce pas ? » demanda d’un ton extrêmement calme le plus costaud des trois, un brun aux cheveux soyeux qui lui tombaient sur le visage.
Il fit un geste machinal de la main et les ramena en arrière pour se recoiffer. Zayn écarquilla les yeux. Comment avait-il pu aussi bien deviner ? Pouvait-il lire dans ses pensées ?
« On t’a vu traverser la salle de réception avec une sale tête tout à l’heure. Laisse-moi deviner : tu as dû faire connaissance avec Ever. Il t’a insulté parce que tu vas dans une école pas très connue ? » demanda la fille d’un ton plein de compassion et de douceur.
« Non, pas du tout, je lui ai menti en lui disant que je partais pour une école dans le nord… » Le jeune homme aux yeux verts pouffa dans sa main et cria : « Bien joué. » « Il a parlé des sans-dons », continua Zayn, « et d’une certaine Lame… On aurait dit qu’il était content de ce qui se passe dans les Terres Infinies, et il parlait des sans-dons comme s’il s’agissait d’animaux. »
À peine avait-il terminé sa phrase que la fille cracha par terre, ce qui surprit Zayn, et dit avec colère :
« Ce sale asticot… Il passe son temps à nous cirer les bottes parce qu’on va dans une meilleure école. Crois-moi quand je te dis qu’il ne serait pas capable de dire des choses comme ça devant nous, il aurait trop peur. »
« Tu le connais bien ? » s’étonna Zayn.
« C’est un cousin éloigné… » dit-elle en frappant la table du poing, folle de colère… « qui passe son temps à se vanter que son arrière-grand-père était un enchanteur et que son oncle est un éclat. Cette vermine est de la pire espèce. En plus, il a osé… Il a osé parler de la Lame. »
Zayn ne comprenait pas tout ce qu’elle disait, mais il était content de rencontrer des personnes qui partageaient son indignation et comprenaient sa colère. Ce qu’avait dit Ever était terriblement insultant.
« Depuis qu’il sait qu’on va à Barbelle, il n’arrête pas de nous envoyer du courrier par boîte à encre. Dit nonchalamment le jeune aux yeux verts. Il essaye de tisser des relations, cette petite crapule… »
« Vous allez à Barbelle ! » s’écria Zayn, les yeux ronds. Il ne put réprimer son sourire ; il était content de rencontrer des camarades.
« Tu ne pouvais pas rester discret, Martin ! » lui jeta la fille en le frappant au bras.
« Il n’y a pas de soucis, je vais à Barbelle aussi », les rassura Zayn.
Tous les trois se tournèrent vers lui et lui adressèrent des félicitations, le regard radieux.
« Je m’appelle Martin Hospice ! » lui dit le jeune homme aux cheveux touffus.
« Moi, c’est Elisabeth Sèche-Bouche ! » dit aussitôt la jeune fille blonde.
« Et moi, c’est Léon ! » finit le garçon costaud.
Zayn sourit et leur répondit aussitôt :
« Je m’appelle Zayn Mistrot, je suis un nouveau. Je viens d’apprendre il y a un mois que je suis un doué. C’est Mathias de Fontenais qui me l’a annoncé un soir, à trois heures du matin. »
Ils éclatèrent de rire, et Elisabeth lui expliqua pourquoi ils rigolaient :
« C’est totalement le style de Mathias, débarquer à trois heures du matin pour annoncer à quelqu’un qu’il a des pouvoirs magiques. »
« Laisse-moi deviner ! » dit Martin. « Il t’a ligoté aussi ? »
Zayn rit aussi en repensant à la peur bleue qu’il avait eue et à la manière dont Mathias l’avait ligoté :
« Oui, il m’a ligoté parce que j’ai essayé de l’attaquer ! »
« Oui… Oui… ça ne sert à rien de le défendre, » dit Elisabeth. « Ne t’inquiète pas, c’est quelqu’un de formidable, » ajouta-t-elle en voyant le regard anxieux de Zayn. « Nous sommes amis avec lui aussi. »
« Comment cela se fait-il ? »
« C’est un ami de la famille et le protecteur le plus connu de Barbelle. »
« Un quoi ? » demanda Zayn, les yeux ronds.
« Ah, il ne te l’a pas expliqué ? Les protecteurs sont les doués qui défendent les enceintes de Barbelle et ils sont aussi en charge de garder un œil sur les nouveaux durant leurs premières années, histoire de s’assurer que tout se passe pour le mieux pour eux. Il y en a une vingtaine à Barbelle. »
Zayn hocha la tête en essayant de ne pas trop montrer qu’il était surpris. Mais avant qu’il ne puisse leur poser des questions, un serveur vint à leur table et leur demanda s’ils voulaient dîner dans le salon. Cette fois-ci, Zayn commanda un steak avec des frites et un soda ; l’appétit lui était revenu depuis qu’il avait rencontré Elisabeth et ses amis. Au bout d’un quart d’heure, ils furent servis et, à la grande surprise de Zayn, ils lui posèrent plein de questions sur le monde des sans-dons, insistant pour qu’il leur explique comment fonctionnaient Internet et les réseaux sociaux. Ils étaient tous ébahis quand il leur expliqua qu’on pouvait faire des vlogs et rendre publique une partie de son intimité, et surtout, que des millions de personnes pouvaient regarder la vidéo sur le net.
Zayn leur raconta comment il avait déliré en buvant le caméléon de madame Longue-Jambe et ils rirent tous de bon cœur. Martin enchaîna en racontant comment il avait réussi à se faufiler dans les Terres Infinies, rejoignant la compagnie de son père en se faisant passer pour un paladin. Mais son père, qui était d’ailleurs un enchanteur, l’avait démasqué au bout de 10 km et l’avait renvoyé à coups de pied vers le portail de Terre Magique. Il insista bien sur le fait qu’il n’avait pas senti ses fesses pendant deux jours, ce qui leur donna un fou rire tellement bruyant que plusieurs têtes se tournèrent vers eux.
« Qu’est-ce que c’est que la Lame ? » demanda Zayn naïvement.
À la grande stupeur de Zayn, un silence de plomb s’abattit sur le groupe et pendant une bonne minute tout le monde resta silencieux, légèrement mal à l’aise. C’est Léon qui brisa le silence et dit d’un ton calme et mesuré :
« Il a le droit de savoir, et tant qu’à lui en parler, autant que cela vienne de quelqu’un qui soit fidèle à la vérité. Il y a plein d’‘Ever’ dans le monde magique, même à Barbelle. »
« Soit ! » dit rapidement Elisabeth, en tournant la tête à gauche et à droite pour s’assurer que personne n’écoutait.
Zayn retint son souffle et attendit que Léon reprenne ses explications :
« La Lame et ses sous-fifres, les fines lames, étaient un groupe d’extrémistes qui ont tenté de prendre le pouvoir, non seulement à Terre Magique mais aussi dans les autres mondes de l’Alliance : le monde des elfes, le monde des nains et des gobelins. Ils voulaient asseoir leur domination sur le monde, rendre le monde magique visible aux sans-dons de Terre Magique et régner sur eux. Ils voulaient créer un empire. Ils disaient qu’il y avait des personnes, au cours de l’histoire du monde magique, qui avaient trouvé le pays des Hauts-Elfes dans les Terres Infinies. Leur rêve était de les retrouver et de leur demander de créer des chemins de lumière vers d’autres mondes pour pouvoir les conquérir. Ils pensaient que la paix ne pouvait exister qu’en l’imposant aux populations douées et non douées. »
« C’était un éclat fou et complètement maniaque ! » ajouta Martin. « Une grande guerre a commencé il y a quatre-vingts ans et a duré cinquante ans. »
« Il y a eu des morts par millions et des batailles étaient fréquemment livrées dans les Terres Infinies. Mais l’Alliance a fini par les battre. Personne ne sait s’il est vraiment mort. Il a fui vers les territoires non éclairés des Terres Infinies, là où il n’y a pas de pierres-lumières pour se protéger des prédateurs magiques. »
Elisabeth jouait nerveusement avec sa tiare et dit d’un ton aigu :
« Zayn, il faut que tu comprennes que personne ne parle de ça dans le monde de la magie. En plus d’être un tabou, quiconque est découvert en train d’en parler est passible d’une grosse amende et d’un séjour en prison. L’Alliance fait tout pour que ce pan de l’histoire disparaisse des mémoires. Les idéaux de la Lame sont considérés comme étant ceux d’un fou furieux, l’équivalent d’un dictateur dans le monde normal. L’Alliance cherche à protéger les nouvelles générations. »
Zayn ne put s’empêcher de poser des questions, même s’il voyait que tout le monde était mal à l’aise :
« Pourquoi voulait-il tant prendre le pouvoir sur le monde normal ? C’était un éclat, qu’est-ce qui pouvait bien l’intéresser chez les sans-dons ? Pourquoi avez-vous des doutes sur sa mort ? »
Elisabeth respira un bon coup et répondit :
« Ce n’était pas le pouvoir sur les sans-dons qui l’intéressait, mais leurs armes, les armes de destruction massive. Ces armes sont complètement inutiles contre un enchanteur ou un éclat, mais elles tueraient à coup sûr les doués des classes inférieures. Il voulait utiliser ces armes pour dominer l’Alliance en les menaçant de détruire leurs mondes et de tuer leurs populations si elle ne se soumettait pas. Grâce aux efforts conjugués des éclats et des enchanteurs qui ne l'avaient pas rallié, nous avons réussi à l’empêcher de mettre la main sur ces armes. »
Zayn acquiesça et eut un peu honte de voir qu’il les mettait mal à l’aise à ce point, puis posa une dernière question :
« Pourquoi ne sommes-nous pas sûrs qu’il soit mort ? »
« Parce qu’il a quitté les chemins de lumière et s’est enfui vers les territoires intérieurs des Terres Infinies, là où rôdent des bêtes aussi dangereuses qu’un éclat ou un enchanteur, par exemple : les noturas. »
« Mais si c’est le cas, il devrait être mort, » conclut Zayn d’une voix forte, ce qui mit encore plus mal à l’aise les trois jeunes.
« Il avait pactisé avec les créatures des Terres Infinies, dont les noturas. On ne sait pas ce qu’il leur avait promis, mais beaucoup d'entre elles combattaient à ses côtés… Pas toutes, bien sûr, mais il avait réussi à se créer une petite armée redoutable. »
« Donc… » fit Zayn, qui assemblait les morceaux du puzzle, « elles le protègent peut-être encore. »
« Oui… Peut-être… Ou peut-être pas, » répondit amèrement Martin. « La population magique pense que les attaques qui ont lieu dans les Terres Infinies ont un rapport avec la Lame, mais personne n’en est sûr… car elles se produisent en plein jour, et les noturas ne supportent pas la lumière du jour, ni celle des pierres-lumières. »
Elisabeth s’était affalée contre le dossier de sa chaise et commençait à somnoler.
« Hé ! Réveille-toi, » fit Martin en remuant le bras d’Elisabeth. « La coutume veut qu’on fasse une nuit blanche la veille de la rentrée. »
Zayn remarqua effectivement que personne n’avait quitté sa table dans la salle de réception et vit que de nombreuses personnes somnolaient à moitié. Un phonographe fut installé dans la pièce, et de nombreuses personnes se levèrent pour demander leur titre de musique préféré. Martin s’arrangea pour passer le premier et mit de la musique provenant du monde normal, un titre de house appelé « Hey Hey ». Zayn remarqua par la suite que de nombreuses personnes demandaient de la musique de sans-dons. Apparemment, les gens s’intéressaient beaucoup au monde normal et trouvaient que la musique y était très bonne. Léon était resté assis et s’amusait à faire flotter dans les airs une dague en remuant l’index nonchalamment, tandis qu’Elisabeth fixait l’objet sans bouger, et, bizarrement, par moments, la dague semblait s’arrêter une fraction de seconde dans sa course circulaire. Zayn aurait parié que ces deux-là étaient sûrement des éclats ou des enchanteurs. Léon maîtrisait déjà la magie par le geste comme le font les paladins et les mages, apparemment sans effort, et Elisabeth devait sûrement essayer de faire tomber l’objet en l’enchantant, c’est-à-dire par la seule force de la pensée : ils se livraient bataille silencieusement. Lorsque Elisabeth remarqua que Zayn les fixait, elle changea de position dans son siège et fit mine de regarder ailleurs. Elle semblait vouloir garder ses pouvoirs secrets, mais après avoir trop bu, elle s’était laissée aller.
« Je te promets que je ne parlerai pas de tes pouvoirs, » dit Zayn précipitamment, curieux de revoir un tour de magie.
Elisabeth acquiesça silencieusement et se remit à fixer la dague. Léon ne se souciait pas d’être vu ou non. Zayn comprenait que trop bien pourquoi Elisabeth cherchait à cacher ses pouvoirs, de la même manière qu’il avait lui-même caché le fait qu’il allait à Barbelle : elle voulait rester en paix et ne pas voir les gens changer de comportement envers elle. Être un éclat ou un enchanteur, ou plutôt, une apprentie éclat ou apprentie enchanteresse, ne devait pas être facile tous les jours. Zayn, lui, n’osait pas aspirer à être un éclat ou un enchanteur. Selon Mathias, vu comment le Don se manifestait chez lui, il serait sûrement un paladin, ce qui lui convenait parfaitement. Être un éclat ou un enchanteur apportait un lot de responsabilités auxquelles on ne pouvait se soustraire, comme par exemple siéger au conseil de l’ordre au moins une fois par mois, voter des lois, parfois ennuyeuses à en assommer n’importe qui, et faire face aux grandes crises, comme celle que connaissait Terre Magique en ce moment.
En discutant avec Martin, il avait appris que le commerce en avait été affecté, que les compagnies qui faisaient de l’import-export étaient obligées de faire appel à des compagnies de paladins pour les protéger et que, malgré toutes ces dispositions, on n’était toujours pas à l’abri du pire : une attaque. Les nains, eux, avaient eu une réaction de repli sur eux-mêmes ; ils n’osaient plus arpenter les Terres Infinies, seuls les elfes et les humains s’y risquaient encore. Tout cela impactait le commerce fatalement, car maintenant, il fallait se rendre jusqu’à Outre-Monde pour commercer avec les nains, ce qui allongeait la durée des voyages dans les Terres Infinies d’au moins deux semaines supplémentaires. La carte qu’avait dessinée Martin sur la table basse avec du sucre en poudre (et un sortilège habilement effectué qui animait le sucre pour imiter les déplacements entre portails) situait le portail de Terre Magique au milieu d’une vaste forêt dans les Terres Infinies. Le portail des elfes était à mi-chemin entre celui des nains et celui de Terre Magique. Celui des nains se situait au cœur d’une montagne, et celui des elfes était placé au beau milieu d’une des larges plaines qui bordaient la montagne des nains.
Ce soir-là, ils discutèrent jusqu’à l’aube, et Zayn apprit, par exemple, que certaines marques de vêtements de luxe du monde normal étaient très en vogue chez les doués, mais qu’il existait également des marques de vêtements traditionnels pour doués. La robe magenta d’Elisabeth venait d’un grand couturier, Coutard, et coûtait aussi cher que les vêtements de luxe du monde normal.
Vers six heures, la salle de réception se vidait petit à petit, les jeunes doués partaient pour se préparer pour le grand départ.
« Bon, on se retrouve à 15 heures pour le grand départ ? » demanda Martin en faisant un clin d’œil à Zayn.
« Oui, à plus tard… » marmonna Zayn, mort de fatigue. « Il faut juste que je comprenne ce qu'est une estrade. On m’a dit d’envoyer nos affaires par estrade. »
Elisabeth vint tout de suite à la rescousse en entendant Zayn se plaindre :
« Demande à l’aubergiste de t’emmener à la salle des estrades et de t’expliquer comment ça fonctionne. C’est très simple : c’est le même principe que la boîte à encre sauf que c’est fait pour les objets volumineux. »
« Merci, » dit Zayn, reconnaissant. « Je n’y manquerai pas. »
« Bon, à tout à l’heure alors, et n’oublie pas d’étiqueter tes affaires avec ton nom et prénom, » fit Léon.
Zayn combattit la fatigue et remonta à l’étage pour faire sa valise et ranger ses affaires. Il envoya un rapide mot à Mathias pour lui raconter toute la soirée, y compris les découvertes qu’il avait faites sur la Lame. Puis il s’assit dans le fauteuil de son petit salon et s’endormit tout habillé.