Après trente minutes, le train s’ébroua et commença à ralentir. Au fur et à mesure que le temps passait, Zayn se sentait de plus en plus fébrile, une excitation impossible à calmer s’était emparée de lui. Il attendait avec hâte le moment où le train allait enfin arriver à destination. Il était habillé et coiffé correctement, mais il ne pouvait calmer son angoisse. Il passait ses mains dans les cheveux toutes les minutes pour bien s’assurer qu’ils avaient la forme qu’il aimait le plus : des cheveux légèrement rejetés en arrière.
Enfin, le train s’arrêta, et Zayn bondit aussitôt de son siège, tournant la tête vers Mathias. Celui-ci le regarda et éclata de rire : il s’était levé si rapidement qu’il donnait l’air d’un enfant surexcité à l’idée de visiter un parc d’attractions. Mathias plia soigneusement sa lecture et claqua des doigts, la faisant disparaître. Il se leva, tira sur son tweed et annonça :
— Allons-y !
Zayn le suivit avec entrain jusqu’à la porte de leur wagon et sortit. Le quai où le train s’était arrêté était une copie exacte des stations de métro parisiennes avec le même carrelage bleu et blanc. La station où ils s’étaient arrêtés s’appelait « Paris Magique I ». Une foule de personnes attendait leurs trains tout autour de Zayn. Celui-ci leva les yeux et vit de nombreuses destinations apparaître sur un énorme écriteau de deux mètres sur trois qui flottait dans les airs. L’écriteau était encadré de fer forgé couleur rouge vif. Zayn pouvait y lire le nom de nombreuses villes européennes connues, mais aussi des noms qu’il n’avait jamais vus auparavant et qui devaient sûrement appartenir à de petits villages où vivaient exclusivement les doués.
Mathias avança vers la porte de sortie de la station, et ils la franchirent tous les deux. Une fois arrivé à l’intérieur de ce qui devait être le hall d’entrée de la gare, Zayn ne put retenir une exclamation aiguë. La gare était d’une propreté anormale, le sol en marbre brillait, et le plafond tout entier était décoré d’arabesques gravées dans de la pierre, scintillant d’une lueur qui devait sûrement être magique. Mais ce qui l’étonna le plus, c’étaient les fenêtres qui donnaient sur une avenue ensoleillée. Il faisait jour à plusieurs kilomètres sous terre, et peu importe comment il retournait la question dans tous les sens, il n’avait toujours aucune explication à ce phénomène.
Zayn continua de suivre Mathias vers la sortie de la gare tout en tournant la tête de droite à gauche. La gare comportait plusieurs guichets sur la droite, où de nombreuses personnes faisaient la queue pour acheter un billet, tandis que sur la gauche, il devait y avoir une centaine de canapés luxueux pour trois personnes, avec des tables basses en bois massif. Les canapés étaient disposés en face d’un énorme écriteau qui flottait dans l’air et affichait tous les départs de la journée. Les lettres et chiffres s’animaient tout seuls pour mettre à jour les horaires d’arrivées et de départs. Zayn distingua aussi, au fond, une sorte de kiosque qui vendait des journaux ainsi que de nombreux produits étranges. Certains étaient à manger, et d’autres ne semblaient avoir aucune utilité, mais disposaient d’emballages neufs et soignés, laissant deviner qu’ils coûtaient très cher.
Mathias sortit de la gare et descendit le long d’un large escalier de marbre blanc pour enfin s’arrêter sur un trottoir aux pavés parfaitement bien disposés, dont la bordure en pierre bleu marine s’étalait jusqu’au bout de l’avenue. La route à double sens était entièrement pavée comme le trottoir ; plusieurs calèches sans montures et de tailles différentes y circulaient. Certaines des calèches étaient du même bleu marine que les bordures des trottoirs et comportaient le mot « taxi » en lettres blanches sur leurs portes. Zayn leva les yeux et se rendit compte avec plaisir que tous les immeubles étaient de style haussmannien, mais avec seulement trois étages, dont le dernier comportait les fameux balcons en fer forgé noir typiques de ce style architectural. Zayn leva les yeux vers le ciel dénué de nuages et ne put se résoudre à accepter le fait qu’il faisait jour sous terre. Plus étrange encore, il y avait des courants d’air rafraîchissants qui traversaient les avenues de Paris Magique.
— Bienvenue à Paris Magique, Zayn, dit Mathias en souriant à pleines dents. Nous sommes sur l’avenue la plus fréquentée de la ville, l’avenue des Cannes.
Zayn resta silencieux, continuant de regarder à droite et à gauche, et se rendit maintenant compte qu’il y avait une multitude de magasins le long de l’avenue ainsi que des cafés avec des terrasses qui n’avaient rien à envier à celles de Paris.
— C’est très beau, dit Zayn d’une petite voix.
Il était visiblement impressionné et prit du temps avant de formuler sa question.
— Comment se fait-il qu’il fasse jour sous terre ?
— Ah, ça, répondit Mathias d’une voix nonchalante, c’est parce que l’atmosphère de l’énorme cavité dans laquelle est construite Paris Magique est enchantée. Tu remarqueras bien que je n’ai pas dit « magique », mais « enchantée », c’est le plus haut degré du don. Il a fallu des centaines d’enchanteurs pour la créer. Quand il pleut ici, c’est de la vraie pluie qui descend, et les courants d’air sont eux aussi réels. C’est de l’enchantement de haut rang, conclut-il fièrement. Bien sûr, la météo suit le rythme des saisons.
Zayn acquiesça et continua à scruter les moindres recoins de l’avenue, levant régulièrement les yeux vers le ciel, comme pour se convaincre qu’il ne rêvait pas.
— Nous allons prendre un taxi pour aller à notre destination. Je dois rendre visite à une vieille connaissance et lui transmettre un message important. Après, on pourra visiter si tu le souhaites.
Zayn lui répondit qu’il était d’accord tandis que Mathias scrutait les différentes calèches à la recherche d’une vide. Pour l’instant, tous les taxis qui passaient devant eux avaient à bord au moins un passager. En termes de vitesse, les taxis magiques semblaient rouler à la même vitesse qu’une voiture, parfois même un peu plus rapidement. Zayn avait remarqué qu’il y avait également des feux de signalisation, mais qu’à la différence de Paris, la circulation était très fluide. Zayn détourna les yeux un instant des taxis pour voir des hommes en armure, équipés de marteaux et de lances, patrouillant l’avenue. Ils avaient un visage impassible et féroce, mais lorsqu’un passant les questionnait, ils adoptaient aussitôt un ton respectueux et cordial.
Mathias sifflotait joyeusement pendant plusieurs minutes tout en guettant un taxi vide. Après un temps, il finit par en repérer un et leva sa canne vers le ciel tout en l’agitant. La calèche changea de trajectoire, puis s’arrêta devant eux. Ils s’y engouffrèrent. L’intérieur était fait de confortables banquettes en cuir se faisant face, séparées au milieu par une planche de bois qui ressemblait aux supports rétractables que l’on trouve dans les trains et les avions, sauf que celle-ci flottait dans les airs. Une lecture vierge y était déposée à l’attention des clients, et il y avait également un bol en bois avec des arabesques gravées sur la face extérieure.
— Bonjour, messieurs, fit une voix inconnue en faisant sursauter Zayn. Où souhaiteriez-vous aller ?
— Bonjour, quartier des Marteaux Mous, rue de l’Acrobate, au numéro 4.
— Très bien, fit la voix, le trajet durera approximativement 17 minutes et vous coûtera 15 centières. Veuillez noter, fit la voix masculine, que la lecture à votre disposition est gratuite.
— Merci, répondit Mathias en déposant des pièces dans le bol, où elles disparurent après dix secondes.
Zayn avait les joues écarlates ; il avait dû passer pour une petite nature après avoir sursauté en entendant la voix magique à l’intérieur de la calèche. Mathias détourna les yeux avec tact vers l’avenue, feignant de s’intéresser aux passants pour laisser le temps à Zayn de reprendre ses esprits.
Après un moment, Mathias lui dit :
— Il faudra que l’on passe par une balise bancaire dès que possible pour que tu puisses y déposer de l’argent de ton compte. Il faudra que tu achètes des habits pour l’hiver, il fait très froid à Barbelle.
En réponse au regard interrogateur de Zayn, il ajouta :
— J’ai l’argent de ta bourse d’étude avec moi.
Zayn n’avait aucune idée de ce qu’était une balise bancaire, il posa la question.
— C’est une sorte de kiosque en plein air tenu par une banque qui permet aux gens de retirer leur argent et d’effectuer des transactions, comme par exemple envoyer certains objets de valeur dans leurs coffres, ou rembourser des dettes envers la banque elle-même ou une connaissance. On peut même y négocier un crédit. C’est très pratique, je crois que chez vous, vous avez des distributeurs, non ?
— Oui, fit Zayn, mais on ne peut ni y déposer des objets de valeur, ni négocier un crédit.
Zayn trouvait le concept très pratique.
— Il y a au moins une balise bancaire par quartier et par banque à Paris Magique.
— Quelles sont les banques qui existent dans votre… euh, dans notre monde ? se reprit Zayn.
— La plus connue est la Banque Centrale, présente dans toutes les grandes villes magiques de notre monde. Il y a aussi la Banque des Elfes et la Banque des Nains. Les elfes sont réputés pour avoir les coffres-forts les mieux sécurisés du monde, et celle des nains est connue pour l’achat et la vente de minerais et de pierres précieuses. Je te conseille d’ouvrir ton compte à la Banque Centrale, car les frais de tenue de compte chez les elfes sont très chers.
Zayn eut une légère angoisse à l’idée d’ouvrir un compte en banque sur Terre Magique tout seul :
— Est-ce que c’est compliqué d’ouvrir un compte ici ?
— Non, c’est très simple. Je serai avec toi, et d’ailleurs, dit-il d’un ton rassurant…
Il fouilla dans sa poche et en retira une sorte de carte plastifiée avec sa propre photo dessus.
— Qu’est-ce que c’est ? fit Zayn, les yeux tout ronds.
— Ta carte d’identité. Ne la perds jamais. Si tu te fais contrôler sans l’avoir sur toi, tu risques une lourde amende. On te la demandera souvent sur Terre Magique, ne serait-ce que pour louer une chambre dans une auberge.
— Comment se fait-il que vous ayez la mienne ? fit Zayn en contemplant sa propre photo animée sur la carte. Il semblait que son portrait n’aimait pas être fixé ; il lançait des regards noirs. « C’est vrai, pensa Zayn, je n’aime pas être fixé. »
En plus de sa photo, son adresse du Pont Geignant y figurait, ainsi que sa date de naissance, qui était la date à laquelle il avait été accueilli à l’orphelinat. Plus surprenant encore, au dos de la carte, il y avait un code et la mention « Statut : à déterminer ».
— Que veut dire le statut « à déterminer » ? dit Zayn en prenant la carte, qui était étonnamment froide et semblait être… mouillée.
Zayn, encore surpris du contact avec la carte, l’inspecta de plus près et se rendit compte que ce qu’il avait pris pour une protection plastifiée était en fait un liquide qui recouvrait la carte, de couleurs bleue et blanche.
— C’est un liquide éternel. Une fois qu’une feuille, un parchemin ou n’importe quel support de la sorte y est trempé, l’objet en question se retrouve protégé des déchirures, du feu et de l’usure du temps. C’est une potion très difficile à faire ; le gouvernement y a recours en masse pour tous les écrits importants comme les lois, les documents financiers et les archives criminelles. Les banques aussi en font usage. Et tu verras qu’à Barbelle on l’utilise aussi dans certaines circonstances.
Zayn était bouche bée ; il ne pouvait nier que le don était quelque chose de vraiment très beau. Plus il en apprenait, plus il avait envie d’en savoir plus.
— Et pour ce qui est de ta carte d’identité, une fois que tu as accepté de devenir élève de Barbelle, j’ai alors eu l’autorisation de faire certaines choses, comme par exemple la récupérer ou réserver à ton nom une chambre au XXIe pour ce soir.
— Vous parlez bien du XXIe arrondissement, celui qui est caché en plein Paris à l’air libre ?
— Oui, Paris Magique III. Et pour le statut « à déterminer », il s’agit de ta caste. Quand tu commenceras les cours spécialisés pour paladins, ta carte affichera une nouvelle mention ! répondit Mathias avec un grand sourire.
La calèche commença à ralentir et finit par se garer devant l’immeuble indiqué par Mathias.
— Quartier des Marteaux Mous, 4 rue de l’Acrobate, fit la voix. Bonne journée à vous.
— Il est temps d’y aller, dit Mathias à Zayn.
Ils sortirent du taxi et se placèrent devant l’immeuble. La rue était vide, si ce n’est quelques calèches qui étaient stationnées tout le long. Mathias s’approcha de la porte de l’immeuble et s’adressa à une plaque en fer clouée sur l’un des murs de l’entrée.
— Mathias De Fontenais, accompagné de Zayn Mistrot, vient voir Madame Longues-Jambes.
Zayn et Mathias patientèrent trente secondes, puis une bouche se forma en se décollant légèrement de la plaque et annonça d’un ton jovial :
— Vous pouvez monter !
Zayn et Mathias s’engouffrèrent à l’intérieur dès que la porte s’ouvrit. Le hall d’entrée était une longue pièce avec un tapis, mais qui bizarrement ne comportait aucune boîte aux lettres. Ils avancèrent vers ce qui ressemblait à un ascenseur en bois sans aucun bouton. Mathias annonça l’étage numéro quatre, et aussitôt la machine s’ébroua et les fit monter vers leur destination. Mathias tapa trois fois à la porte numéro 7 et attendit. Après quelques minutes, une femme d’âge moyen leur ouvrit la porte en s’exclamant :
— Mathias, enfin ! J’ai commencé à croire que tu étais fâché contre moi.
— Mais non, Baldine, j’étais très occupé. J’ai passé les trois derniers jours au pôle Nord et l’été entier à travailler sur… enfin, je pense que… euh…
Il tourna rapidement la tête vers Zayn et conclut :
— J’avais du travail.
— Je n’en doute pas… Vu tout ce qui se passe !
Elle tourna la tête vers Zayn en regardant ses lunettes en bois et lui demanda d’un ton plein de tendresse :
— Première fois chez nous, mon garçon ?
— Oui, madame, c’est mon premier jour, fit Zayn, en se demandant ce qu’il pouvait bien se passer de grave que Mathias ne lui avait pas dit.
— Merveilleux, dit-elle avec un grand sourire éclatant. Venez, suivez-moi, nous nous installerons dans le salon.
L’appartement de Madame Longues-Jambes était spacieux comparé aux petits studios et appartements que Zayn connaissait à Paris. L’entrée était constituée d’un couloir avec un tapis bleu nuit qui donnait sur plusieurs portes fermées, sauf celles qui menaient à la cuisine et au salon, tout au fond.
— Installez-vous, dit-elle une fois qu’ils étaient arrivés dans le salon.
Une grande table basse figurait au milieu, avec tout autour deux canapés bleu lilas et deux sofas noirs. La décoration était très minimaliste ; il y avait quelques tableaux et photographies de personnes à l’air important, mais aussi des photos qui dévoilaient une nature luxuriante et des animaux aux yeux remplis de malice, qui s’affairaient chacun dans leur coin. Mais surtout, ce qui frappa Zayn encore une fois, c’était la propreté des lieux : il n’y avait aucune mauvaise odeur ni trace de poussière. La dame à qui ils rendaient visite, elle-même, était habillée sobrement d’une robe noire qui lui descendait jusqu’aux chevilles, et portait une montre en argent très discrète. Son visage, malgré quelques rides naissantes, était celui d’une belle femme dégageant une aura majestueuse. Elle s’assit sur un des sofas après que Zayn et Mathias se furent installés, puis claqua des doigts. Un plateau en argent apparut sur la table, avec une demi-douzaine de bouteilles en verre, chacune contenant un breuvage différent. Trois verres y étaient également disposés. Zayn ne put s’empêcher de penser : « ça doit être soit une mage, soit une paladin… », « c’est sûr, elle vient de faire usage du don sans utiliser de formule ».
— Qu’est-ce que je vous sers ? Un peu trop tôt pour un whisky, mais j’ai réussi à mettre la main sur du caméléon, du thé en provenance directe d’Obios, et j’ai aussi de la nectarine cueillie directement dans les Terres Inf…
Zayn la regarda avidement, elle avait fait allusion aux Terres Infinies, mais à sa grande déception, Mathias la coupa :
— Le jeune ici présent avec moi n’a pas encore mis les pieds à Barbelle, Baldine.
— Bien sûr, bien sûr, je comprends… On doit y aller tout doucement…, continua-t-elle en acquiesçant de la tête, ce qui eut pour effet d’exaspérer Zayn.
— Alors, qu’est-ce que tu veux boire, jeune homme ? dit-elle en l’incitant par des clins d’œil et des mouvements de tête discrets à choisir le caméléon.
— Je veux bien un caméléon, fit Zayn.
— Parfait, s’exclama-t-elle ravie, en lui versant dans un verre en cristal le breuvage d’une couleur turquoise.
— C’est sans alcool, n’est-ce pas ? Je ne bois pas.
— Oui, ne t’inquiète pas.
Zayn porta le liquide à ses lèvres et but une petite gorgée. Les saveurs explosèrent dans sa bouche, lui rappelant un mélange de fruits rouges avec une délicate touche d’un arôme fruité qu’il ne connaissait pas. Il reposa le verre, de la fumée s’échappait de sa bouche pendant quelques secondes.
— C’est extraordinaire, n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce que c’était ? demanda Zayn.
— Aucune idée, dit-elle, les yeux pleins de malice en riant.
Zayn reposa son verre, qui, à sa grande surprise, contenait maintenant un liquide d’une couleur différente. Il ressemblait à du goudron chaud, mais aucune odeur ne s’en échappait. Il n’osa pas goûter la nouvelle mixture. D’après ce qu’il avait compris, le caméléon changeait régulièrement de contenu. Tout d’un coup, son attention fut attirée par le fait que Mathias et Baldine parlaient maintenant une autre langue aux sonorités mélodieuses et exotiques. Ils parlaient calmement, mais il ne pouvait s’empêcher de remarquer que les mots de cette langue lui paraissaient familiers, comme si c’était une langue qu’il avait parlée quand il était petit, mais dont il ne se souvenait plus.
Plus la conversation évoluait, plus Zayn sentait que les mots de cette langue étaient vivants, il le sentait, il le savait… Non, il en était sûr, ils étaient contraints de dire la vérité, tout ce qui sortait de leur bouche était la vérité… La vérité dans son essence même. Cette langue qu’ils utilisaient résonnait en lui. Il la sentait au plus profond de son être. Il essaya de penser à autre chose, mais c’était difficile. Zayn avait l’impression que la langue avec laquelle ils communiquaient avait sa volonté propre et essayait de s’imposer à lui pour qu’il continue à l’écouter.
Avec un violent effort, Zayn réussit à détourner son attention et à ne plus essayer de comprendre ce qu’ils disaient, même s’il continuait à être attiré par les accents sauvages et exotiques de la langue. Finalement, il se tourna vers son caméléon, qui avait maintenant une couleur arc-en-ciel. Il s’empressa de porter le verre à ses lèvres et de prendre une plus grande gorgée. Le liquide qu’il venait de boire n’avait pas de goût, cela ressemblait à de l’eau. Il reposa le verre, un peu déçu, et cette fois-ci posa la tête en arrière sur le dossier du canapé et s’efforça de se relaxer. Il sentait sa conscience vagabonder vers les récents événements, vers Paris Magique et vers sa rentrée à Barbelle… Il souriait à présent, il comprenait… Il comprenait pourquoi il était là, tout semblait logique… À présent, il comprenait tout, tous les mystères du monde, il en était sûr… À ce moment précis, Zayn était capable de répondre à n’importe quelle question, il comprenait les choses… Les autres ne comprenaient rien, il était le seul à comprendre. Il laissa sa conscience sortir de son corps et se balader littéralement autour du salon, il s’approcha d’un des cadres pour l’inspecter. Puis soudain, il fut saisi d’un accès de fou rire incontrôlable, il savait, et eux ne savaient pas. « Hahaha… » Il riait en tapant du poing…
Mathias se tourna vers lui avec un sourire presque moqueur et posa sa main sur son épaule. Aussitôt, Zayn reprit conscience. Il ne se souvenait plus vraiment de pourquoi il riait et combien de temps il était resté dans cet état… cette… transe…
— Tu es tombé sur du breuvage elfique ? dit Mathias en rigolant. Il faut éviter de goûter aux boissons des elfes, les humains ont du mal à rester conscients quand ils en prennent.
— Je n’ai pas perdu conscience, j’avais juste l’impression, de tout… de tout…
— De tout savoir ! finit Baldine avec un sourire maternel. Évite à l’avenir de goûter aux boissons elfiques. Il faut un entraînement rigoureux et un parfait contrôle de son esprit pour rester présent lorsqu’on en boit. Tu les reconnaîtras car ils ont toujours des couleurs magnifiques quand ils sont dans le caméléon. Vu ton état, je dirais que tu as dû goûter à du brefnir, ou dans notre langue, le breuvage astral.
Zayn était extrêmement mal à l’aise. Il avait déliré en présence de deux personnes et s’était mis à hurler de rire devant elles. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas tout à fait oublié l’étrange sensation qu’il avait eue en les entendant parler cette langue étrangère. Il avait eu l’impression qu’en parlant cette langue, Mathias et Baldine parlaient tout en déclarant après chaque phrase la véracité de leurs propos. C’était comme entendre parler quelqu’un tout en l’entendant jurer que ses propos étaient la vérité. Et c’était aussi cette sensation que les mots qui sortaient de leurs bouches se gravaient en son for intérieur pour clamer d’eux-mêmes qu’ils n’étaient rien d’autre que la vérité. Plus encore, il n’arrivait pas à l’expliquer, mais il sentait qu’il y avait quelque chose de plus profond dans cette langue, quelque chose de très ancien et très profond. Cette langue était vivante, elle nommait les choses par leur essence : la langue de la vérité. C’est ainsi que Zayn la surnomma.
Comment savait-il tout cela ? Il n’en avait aucune idée, mais c’était plus qu’un simple instinct qui le guidait dans sa compréhension de ce qu’il avait entendu, il avait la conviction qu’il avait raison. Il se tourna vers Mathias, qui lui dit alors avec douceur :
— Nous partons bientôt. Baldine, avant que je parte, voici les instructions du Lion, annonça-t-il en lui tendant une lettre cachetée, c’est un résumé condensé de ce que nous avons pu discuter.
— Tu pars si tôt ? Ne voudrais-tu pas passer la nuit ici, toi et Zayn ? demanda-t-elle.
— Malheureusement, non. Je dois accompagner ce jeune homme faire ses premières démarches et l’emmener au XXIe, comme le veut la coutume à Barbelle pour les nouveaux doués.
Ils quittèrent alors l’appartement et se dirigèrent en marchant vers le centre du quartier des Marteaux Mous. Mathias annonça qu’il leur faudrait environ dix minutes de marche pour arriver et s’installer dans un très bon bistrot connu pour sa cuisine. Zayn avait plein de questions en tête, mais voulait attendre qu’ils soient installés pour pouvoir les poser. Il en profita donc pour observer les passants et les différents magasins et étals qu’ils rencontraient sur leur chemin. Ils passèrent devant des animaleries comportant des créatures en cage qu’il n’avait jamais vues, et qui leur lançaient des regards beaucoup trop intelligents à son goût. Il vit aussi des magasins de vêtements, de cuisine avec de curieuses épices, et aussi beaucoup d’armureries et de forgerons.
Zayn mit du temps à se rendre compte de quelque chose, cela l’avait frappé à la minute où ils étaient sortis de la gare en fin de matinée, mais il n’y avait pas vraiment eu le temps d’y repenser. Mais maintenant, à force de rencontrer du monde et de marcher à travers la cité, il se rendit compte avec stupeur que tout le monde était parfaitement vêtu, tout le monde était coiffé comme il se devait, et tous les doués qu’il rencontrait étaient tous élégants, même ceux qui s’habillaient avec des vêtements sobres et parfois un peu trop vieux. Il avait l’impression que les habitants de Paris Magique s’étaient passés le mot pour tous être tirés à quatre épingles. Même ceux qui portaient un jean portaient également un beau polo, une chemise ou un tee-shirt assorti avec leurs baskets. Il remarqua aussi qu’il n’y avait pas vraiment de mode vestimentaire précise chez les doués. Certaines personnes, hommes comme femmes, portaient des vêtements traditionnels venant de toutes les régions du monde : asiatique, africaine, arabe, mais aussi des vêtements occidentaux comme les costumes-cravates. Plus que cette impression de perfection, ce qui l’étonnait au point d’en avoir mal à la tête, c’était que absolument tout était propre, comme si chaque dalle ou pavé avait été astiqués jusqu’à ce qu’ils brillent. Même les statues des différents personnages célèbres qu’ils rencontraient pendant leur marche étaient animées et brillaient sous le soleil enchanté de Paris Magique. Tout semblait parfait, et il y avait également une grande diversité parmi les passants des rues de Paris Magique. On rencontrait des gens venus d’Asie, d’Afrique, mais aussi des Amériques et du Moyen-Orient. Cette diversité culturelle et ce melting-pot semblaient être quelque chose de commun ici, sans grande importance. Bien sûr, à Paris, il y avait également des immigrés et des touristes, mais à Paris Magique, il y en avait tellement que Zayn se demandait si c’était aussi le cas dans les autres grandes villes magiques, comme New York Magique et Obios.
Une fois qu’ils s’installèrent dans un bistrot situé au milieu d’un parc avec une fontaine en plein centre, Zayn brisa son silence pour assaillir Mathias de toutes ses questions.
— Mathias, qu’est-ce que c’était, cette langue que vous parliez chez Madame Longues-Jambes ? demanda avidement Zayn.
— À ton avis, qu’est-ce que c’était ? Les doués reconnaissent d’instinct que cette langue est spéciale quand ils l’entendent.
— On aurait dit une… hésita Zayn, une langue avec laquelle on ne peut pas mentir.
— Exactement ! répondit Mathias avec un sourire enjoué. Et quoi d’autre ?
— On aurait dit que… Vous nommiez vraiment les choses. Je veux dire dans… leur essence.
— Tu es impressionnant, jeune homme. La plupart des nouveaux doués ne comprennent ce détail qu’après l’avoir entendue pendant deux à trois mois et régulièrement.
— Donc cette langue est magique ? demanda Zayn, pas sûr de lui-même.
— Elle est liée au Don. On l’appelle le Parle-Vrai ou encore l’Ancien Langage. C’est la langue des hauts-elfes et des elfes.
— Il existe des elfes sur Terre Magique ?
Mathias hésita un instant avant de lui répondre, puis finit par céder en soupirant :
— Non, les elfes vivent dans leurs propres planètes, et les hauts-elfes sont les habitants les plus anciens des Terres Infinies. Ce sont eux-mêmes qui ont apporté le Don sur Terre, il y a maintenant près de 100 000 ans.
— Alors cela veut dire que… les Terres Infinies relient…
— Oui, elles relient toutes les planètes de notre univers et d’autres, et c’est grâce à cela que les hauts-elfes amènent le Don sur une planète en parcourant les Terres Infinies et en forgeant des portails.
— Combien de planètes connaît-on ? demanda Zayn, avide de savoir. Et comment fait-on pour accéder aux Terres Infinies ? Existe-t-il un portail sur Terre Magique ?
— Tu dois me promettre de ne pas dire que je t’ai révélé tout cela, je pourrais avoir des problèmes, demanda Mathias, mal à l’aise. Normalement, tu es censé apprendre tout cela pendant ta semaine d’intégration à Barbelle.
— Oui, c’est promis, Mathias, dit Zayn en hochant la tête avec vigueur.
— Les Terres Infinies sont une sorte de dimension alternative, ce sont des landes de terres, de montagnes et de lacs disproportionnés qui relient, grâce à des portails, les différents mondes de notre univers et d’autres. On ne connaît pas l’origine des hauts-elfes, ni quand les Terres Infinies ont été créées. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils sont là depuis toujours, et qu’ils parcourent les Terres pour y forger des portails menant vers d’autres planètes. Une fois le portail forgé, ils apportent le Don aux civilisations de ces planètes, et si les populations se montrent dignes du Don, les hauts-elfes dressent un chemin protégé entre deux portails, permettant à ces différentes planètes séparées par des millions d’années-lumière de communiquer entre elles via les Terres Infinies.
— Quelle est la différence entre un elfe et un haut-elfe, et combien y a-t-il de mondes en relation avec Terre Magique ?
— Il existe trois mondes vers lesquels on peut voyager en toute sécurité, reprit Mathias : Outre-Monde (la planète des nains et des gobelins), Terre Magique (dans laquelle nous sommes), et le monde des elfes appelé Asda Areles (qui veut dire « Bienvenue aux Elfes » en Parle-Vrai). En réalité, ce qu'il faut savoir, c'est que les elfes étaient à la base une population de sans-dons qu’on appelait les Zuns. Leur physionomie d’origine ressemblait beaucoup à celle des humains d’aujourd’hui, malgré le fait qu’ils habitaient sur une autre planète éloignée de la nôtre. Leurs ancêtres se sont mariés à des hauts-elfes. En réalité, les hauts-elfes ont tellement apprécié leur culture et leur grand sens de la morale que certains ont décidé de mêler leur sang aux leurs, en plus de leur avoir apporté le Don.
— Ils se sont mélangés aux Zuns ? demanda Zayn, bouche bée.
— Oui, c’est un fait rare, mais qui peut arriver. Lorsque les hauts-elfes s’éprennent d’une civilisation, ils mêlent leur sang en plus de les doter du Don. Tous les Zuns, sans exception, ont reçu le Don. C’était un cadeau des hauts-elfes. À la différence, dans notre monde, la Terre, seule une partie des humains a reçu le Don. C’est pour cela que nous avons un monde normal et un monde magique, avec une barrière séparant les sans-dons des doués.
— Donc les elfes doivent être plus forts que nous, parce que le sang des hauts-elfes coule dans leurs veines. Et donc, c’est pour cela qu’on ne les appelle plus Zuns, mais elfes, fit Zayn en concluant.
— Oui, même leur physique a changé, ajouta Mathias. Ils ont les oreilles pointues et un esprit qui ne fonctionne pas vraiment comme celui des autres êtres vivants ayant reçu le Don.
Mathias saisit la carte du menu et Zayn s’empressa d’en faire de même. Il parcourut la carte, mais à chaque fois qu’il voyait des noms de plats inconnus tels que « soupe de têtard de feu », une légère angoisse le prenait. Il n’était pas prêt à tenter quelque chose de magique depuis son dernier verre de caméléon. Il finit par trouver de la nourriture ressemblant à celle du monde normal et commanda un burger et des frites avec un soda à la pêche. Il n’avait jamais vu cette saveur dans le monde normal.
— Les hauts-elfes sont-ils « forts » ? D’où viennent-ils ?
Mathias le regarda et acquiesça :
— Chacun d’entre eux a la force de 10 000 éclats et enchanteurs. Leur esprit est lié au Don lui-même. Alors que le nôtre ne fait qu’en puiser dans la source, eux vivent en symbiose avec.
— Ils pourraient conquérir n’importe quel monde s’ils le voulaient, se rendit compte Zayn avec horreur.
— Non, ils sont pacifiques et ne prennent parti dans aucune guerre. Si, par exemple, Terre Magique attaquait Outre-Monde, ou qu’Outre-Monde attaquait la planète des elfes, ils n’interviendraient pas, ils restent à distance et n’influent pas sur le cours des choses. Malheureusement, la seule chose qu’ils s’autorisent à faire est de créer des portails entre les mondes à travers les Terres Infinies.
Zayn acquiesça et tentait de répéter intérieurement tout ce qu’il venait d’apprendre. Il attaqua son burger avec appétit quand celui-ci fut servi, et fut surpris de voir que Mathias avait commandé une sorte de salade avec des laitues qui se tordaient quand il leur ajoutait de la vinaigrette.
— Tu veux goûter ? fit Mathias avec un sourire moqueur. Fais attention à bien les mâcher, sinon elles pourraient se reproduire dans tes intestins.
— Non, merci, sans façon, répondit Zayn en essayant de masquer son dégoût.
Zayn avala la dernière bouchée de son burger et faillit s’étouffer en essayant de relancer la conversation :
— Donc en fait, ils mettent en relation les planètes lointaines après avoir créé un portail. Mais pourquoi sommes-nous obligés de passer par eux ? Pourquoi ne pas aller à la découverte nous-mêmes de ces portails dans les Terres Infinies ?
— Parce qu’il est tout simplement impossible de passer une nuit sans en mourir. De dangereuses créatures vivent en troupeaux dans les Terres Infinies, comme les Noturas par exemple. Elles craignent la lumière du jour, mais attaquent la nuit. Le seul moyen de les repousser la nuit, c’est de s’entourer de pierres-lumière.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Zayn, intrigué.
Mathias avala une dernière bouchée de laitue mouvante et repoussa légèrement son assiette, signe qu’il en avait fini :
— Les pierres-lumière sont les pierres que les hauts-elfes placent sur les routes vers les différents portails. Sans elles, on ne pourrait pas naviguer en sécurité entre les portails, puisque les trajets prennent entre une à deux semaines.
— Donc en fait, ils sont les seuls à pouvoir mettre en relation les planètes, bien qu’ils aient déjà créé les portails, répéta Zayn lentement pour être sûr d’avoir bien compris.
— Oui, tout à fait, répondit Mathias en se curant les dents avec un bout de bois étrange qu’il sortit de son tweed. Dès qu’il commença à se curer les dents, une mousse sortit du bout du bois.
— Ce privilège leur revient. Ils attendent d’être sûrs que les civilisations ne sont pas belliqueuses avant de leur créer un trajet. Ils ont peur qu’une guerre colonisatrice n’éclate.
— Est-ce déjà arrivé ? demanda Zayn, les yeux ronds.
— Il y a 8 000 ans, nous avons failli entrer en guerre avec les nains d’Outre-Monde, mais grâce à Dieu, nous avons évité le pire.
— Donc, il y a plein d’autres mondes qui n’attendent que d’être découverts, fit Zayn avec excitation.
— Oui, j’espère que le prochain trajet tracé par les hauts-elfes nous fera découvrir un nouveau monde plein de merveilles. Cela fait 30 000 ans qu’ils n’en ont pas créé pour nous, c’était la date à laquelle nous avons découvert le dernier chemin de lumière et par la même occasion Outre-Monde.
Mathias sortit sa lecture et lui lança dix centières, puis commença à lire un article d’un des journaux du monde des doués. Zayn avait bien mangé et aurait bien aimé faire une petite sieste. Le ciel enchanté commençait à prendre des lueurs orangées de fin de journée. Puis, Zayn se souvint qu’il ne comprenait toujours pas pourquoi les doués soignaient leur apparence au point que certains pouvaient poser pour un magazine de mode sans aucun problème. Il en fit part à Mathias, qui lui expliqua qu’ils tenaient cela des elfes, qui eux-mêmes avaient hérité cette manie de chez les hauts-elfes, qui étaient toujours élégants, soignés et propres. Cela expliquait pourquoi tout semblait neuf à Paris Magique. Le moindre petit pavé ou recoin d’enseigne de magasin semblait avoir été nettoyé méticuleusement. Mathias lui expliqua également que de puissants enchantements étaient déployés pour nettoyer constamment les ordures, et lui dit aussi que dans les mondes des doués, personne ne souffrait de la pauvreté. Il y avait toujours un emploi, tant il y avait de choses à faire. Et, quand bien même quelqu’un n’en trouvait pas, le conseil de l’ordre de Terre Magique offrait un salaire universel permettant à n’importe qui de vivre décemment. Cela avait engendré une dette faramineuse auprès des nains, car les elfes ne prêtaient pas d’argent, mais ce coût avait réussi à être plus ou moins maîtrisé lors des quinze dernières décennies. Zayn se dit que la guerre qu’avait connue la communauté magique durant le XXe siècle avait sûrement été la source originelle de cet accroissement de la dette, sûrement pour l’effort d’après-guerre requis pour la reconstruction d’une société dévastée.
Ils firent arrêter une calèche et partirent pour la gare de Paris Magique. À quelques rues de là, ils trouvèrent une balise bancaire qui permit à Zayn d’ouvrir son compte bancaire. Les frais de tenue de compte étaient un peu chers, cent centières par mois, mais le service était remarquable. On pouvait même avoir accès à la bourse des trois mondes, où il était possible d’acheter des actions dans des magasins connus et des compagnies, qui font office d’entreprises dans le monde des doués. Zayn apprit avec surprise qu’il y avait une balise bancaire à Barbelle, et comprit très vite en faisant les comptes avec Mathias que la bourse donnée par l’école faisait de lui quelqu’un d’aisé : le salaire universel moyen étant de 1 300 centières. Ce n’est qu’après lui avoir répété dix fois que la bourse n’était pas administrée automatiquement aux élèves d’une année à l’autre que Mathias consentit à le laisser tranquille. Il ne voulait pas que Zayn se transforme en une sorte de paresseux qui ne donnait pas le meilleur de lui-même pendant l’année scolaire.
Mathias le raccompagna à la station de métro Paris Magique I et lui expliqua qu’il n’avait pas besoin d’acheter de billets pour les trajets au sein de Paris Magique.
Il l’emmena jusqu’à son auberge dans le XXIe arrondissement, La Sirène de l’Atlantique, où il retrouva ses affaires dans sa chambre. Zayn ne fut même pas en état d’être ébahi de pénétrer dans le XXIe arrondissement de Paris tellement il était fatigué. Cet arrondissement magique était situé en dédoublement du XVe. Il suffisait de pénétrer dans un parc et d’y suivre un certain sentier pour atterrir cent mètres plus loin sur une artère de Paris que Zayn n’avait jamais connue. C’est en retrouvant cette propreté anormale que Zayn comprit qu’il était de retour à Paris Magique.
Ils finirent par se dire au revoir, car Mathias lui expliqua qu’il devait aller voir de jeunes nouveaux comme lui dans les pays du Nord, où il faisait très froid, d’où son tweed gris. Il regretta, faute de temps, de ne pas avoir pu l’accompagner pour acheter des habits pour l’année scolaire. Et après s’être dit « au revoir » trois fois, Zayn baissa les rideaux de sa chambre, petite mais coquette, et alla s’installer dans le lit double qui s’y trouvait, sans chercher à s’intéresser aux meubles, ni à la vue qui donnait sur le boulevard, ni au joli tapis persan entre le bureau et l’armoire, ni même au lustre de grande facture qui ornait le plafond et, sans plus attendre, s’endormit en moins de deux minutes.