Si je fus persuadé pendant longtemps que mon pouvoir était sans faille, j’ai rapidement déchanté. Mon pouvoir est comme moi : il fait des envieux, mais supporte assez mal l’alcool.
J’ai découvert cela lors de la jonction de 2017 et 2018, au cœur d’une soirée de Nouvel An que je n’oublierais jamais et qui m’a fait jurer de ne plus jamais toucher à l’alcool (promesse qui ne tiendra que 24 heures).
J’aurais bien du mal à vous expliquer le déroulement précis de la soirée. C’est là tout le problème : mes souvenirs concernant la soirée sont extrêmement flous. J’étais encore un novice dans la pratique de la beuverie mature, et je ne me rappelle que d’une baignoire, un canard en plastique et un extincteur.
Mais le plus important se déroule le lendemain des réjouissances. J’aimerais tellement vous dire que j’ai fini dans le lit de belles inconnues, ou alors en garde à vue dans une ville voisine, car cela aurait permis de belles anecdotes que je n’aurais certainement pas racontées à ma psy.
En réalité, j’ai finis le lendemain de soirée sur le toit de l’immeuble dans lequel se tenait la soirée. Couché dans un sac de couchage qui ne m’appartenait pas, vêtu d’un caleçon qui ne m’appartenait pas et réveillé par mon père (qui bien évidemment m’appartient corps et âme).
Je vous résume le dialogue qui s’ensuivit, omettant les bégaiements et autres supplications de me laisser dormir à un père qui était passablement sur les nerfs :
« Qu’est ce que tu fous ici ?
— Je ne sais pas.
— Qu’est-ce que tu as fait ?
— Je ne sais pas.
— Tu vas arrêter les conneries maintenant ?
— Je ne sais pas. »
Il s’agit d’une des discussions les plus profondes que j’aie jamais eue avec mon père.
Après la dispute assez monumentale qui s’ensuivit (et dont je doute encore de la légitimité mais passons), je dois dire que j’étais à ce moment bien embêté. Mon père n’avait après coup pas complètement tort : que s’était-il vraiment passé ? Comment l’année 2018 avait commencé pour moi ? Avais-je commis de graves fautes ? À qui était réellement ce caleçon ?
Je commencai mes recherches en interrogant les personnes présentes à ce funeste évenement. Si la plupart ne me répondirent pas (la question « Auriez-vous perdu votre calecon vert pomme ? » n’est pas la plus ordinaire j’en conviens), certains furent assez bienveillants. Les réponses se résument en trois catégories : ceux qui ne savaient rien, ceux qui savaient des choses inintéressantes et enfin ceux qui ne savaient même pas que j’étais présent à la soirée.
D’abord jurant de mieux m’entourer les prochaines fois, je décidai ensuite d’utiliser mon don pour y voir un peu plus clair. Le plan était limpide et d’une formidable efficacité : revenir la veille, aller à cette soirée, rester sobre, perdre ma virginité (comme bonus), faire attention à mon caleçon, éviter toutes virées sur le toit, être cool.
Je ne réussis que les deux premières étapes.
La faute à une singulière limite de mon pouvoir que je ne compris que bien trop tard. Tout voyage lancé dans le passé alors que je suis encore en gueule de bois aggrave ladite gueule de bois. Au fil des voyages, ma gorge sèche devint un desert saharien, mon mal de tête se transforma en un champ de bataille et ma fatigue me transfigura en zombie des temps modernes moins l'attrait pop-culture.
Car oui je fis plusieurs voyages dès le lendemain de cette soirée alors que ma gueule de bois était encore fort présente. Je vous vois déjà vous demander : « Comment n’a-t-il pas pu se rendre compte de l’aggravation de son état ? Pourquoi a-t-il fait plusieurs voyages ? A-t-il enfin perdu sa virginité ? »
Je vais vous répondre tout de suite. L’aggravation de mon état s’est déroulé très progressivement, et j’ai parmi mes nombreux talents le don de faire fi de mes limites physiques. Je vais expliquer mes nombreux voyages, soyez patients ! Et tout ce qui a rapport avec ma sexualité de vous regarde pas, merci.
À vrai dire, je découvris pratiquement toute la vérité dès le premier voyage. Jusqu’à minuit une, je parvins à rester sobre. Je découvrai à qui appartenait le sac de couchage (une amie qui m’a annoncé directement que quiconque dans le besoin pourrait l’utiliser). L’extincteur fut gentillement amené par un inconnu pour « voir comment ça marche ce truc ». À 22 heures un groupe monta sur le toit pour profiter de la beauté poétique du ciel étoilé et de plusieurs joints. Le canard en plastique est un canard en plastique. Mon père était présent parce que la soirée se déroulait chez moi (détail peu important qui m’avais échappé) et qu’il revenait le lendemain à midi.
À 23h59, j’avais pratiquement toutes les réponses. J’avais donc le droit de me détendre, et même de me récompenser, pas vrai ? À minuit, j’embrassais les 12 personnes présentes que je connaissais, et la vingtaine d’autres inconnus qui s’étaient incrustés je ne sais comment.
À minuit une, je me remis à boire.
À neuf heures cinquante-six, je me réveillais dans ma baignoire, avec le canard en plastique en main, un tapis comme couverture et vêtu de ce maudit caleçon non-indentifié. Sans aucun souvenir du reste de la soirée.
J’aurais pu en rester là : la soirée avait fait peu de dégâts (je n’avais jamais vraiment aimé ce rideau de toute façon), et j’aurais pu facilement dissimuler toutes les traces avant l’arrivée de mon père.
Mais il y avait encore ce maudit caleçon. Ce damné morceau de tissu vert pomme à la tâche fort suspecte. Ce sale calecif qui me donnait envie de m’arracher les tifs. Ce petit lutin qui ne cessait de m’habiller, preuve suprême de la violation de mon intimité.
Non. C’était personnel. Si j’étais raisonnable jusqu’alors, c’en était assez. La guerre était déclarée.
Je revins à nouveau dans le temps. Ma gueule de bois me perçait la tête et m’asséchait la gorge, tant pis : je revis la soirée.
Un petit conseil : si, durant une soirée de Nouvel An, un adolescent vient vous voir, le front couvert de sueur, visiblement assez remonté, les sourcils froncés, pour vous demander si vous portez un caleçon vert, soyez sympa et répondez honnêtement et poliment. Vous renderiez service à une pauvre âme, croyez-moi.
Poussé par la certitude paranoïaque que tout le monde m’évitait, la frustration et le mal de tête, j’ai fait ce que tout le monde aurait fait : je me suis mis à boire.
Je me suis réveillé dans mon lit, avec une belle inconnue qui ne portait pas de pantalon. Pas de canard en plastique en vue, pas de sac de couchage, pas de baignoire, pas de rideaux déchirés…
Et je vous laisse deviner quel caleçon je portais. J’étais tellement en colère que je remontai le temps tout de suite, me rendormant à côté de cette fille dont le nom et le visage m’échappent encore aujourd’hui.
Je n’ai pas les mots exacts pour décrire dans quel état j’étais lors de ce troisième Nouvel An de 2018. Je crois avoir atteint de nouveaux standards en terme de gueule de bois et de déchéance humaine. Seule mon incroyable détermination, mon sens moral et ma force physique me permettaient de continuer.
Comment se déroula cette soirée ? Terrible. J’ai bu juste assez pour être ivre mais sans pertes de mémoire ou lâcher-prise. Un vrai gâchis. Les invités ? Polis, drôles et bien plus bourrés que moi. Comme s’ils me narguaient, moi et ma semi-ébriété. L’appartement ? Impeccable. Là je ne m’en plaignais pas.
Le lendemain, rien ne s’était passé. Vers deux heures du matin les invités migrèrent vers d’autres soirées et certains m’aidèrent même à passer l’aspirateur dans quelques pièces. Je leur en suis reconnaissant, mes voisins moins.
Je ne revis même pas cette fille, ni même ce bel inconnu à l’extincteur. Ma gueule de bois du lendemain était évidemment infernale. Je parvins aisément à tout ranger, nettoyer, polisser, réparer avant l’arrivée de mes parents. Encore aujourd’hui ils ne se doutent de rien.
Et ce caleçon, me direz-vous ? Je n’avais toujours pas de réponse. Et je crois que c’est ça, la morale. Il est parfois des choses, dans la vie, qui nous échapperont toujours. Que cela soit notre présence sur Terre ou celle d’un caleçon étranger, l’existence d’extraterrestres ou celle des tétons masculins, il est des mystères qui gagnent à ne pas être stupidement creusé par nous, primates ignares. Des fois il faut savoir lâcher prise, accepter les doutes et les interrogations, ou nous risquons une immense crise existentielle et une sacrée gueule de bois.
Sauf qu’en me déshabillant, le soir, pour prendre une douche, je remarquais quel caleçon je portais. Ce caleçon. Et là je pris conscience de toute l’horrible vérité. De ma manie de toujours me vêtir inconsciemment des habits de la veille.
Faîtes toujours attention à quel caleçon vous portez. On les oublie vite, et lorsque l’on s’en rappelle, on a l’air bien con.
Les détails de ses réveils, l'accumulation des cuites et gueules de bois sont bien trouvées.
J'ai beaucoup aimé le passage après son réveil auprès de la belle inconnue. Le fait qu'il ne la revoit jamais est top.
Je n'ai pas compris pourquoi il y a un bel inconnu avec l'extincteur.
Je me suis aussi senti perdu entre la conversation de Lucas avec sa psy et le fait qu'il s'adresse désormais à nous, même si j'ai compris le procédé.
Même si tu le sais déjà pour avoir lu tes commentaires, c'est amusant et j'ai passé un bon moment à lire ce chapitre.
Voici encore un chapitre très amusant, mais restant bien écrit !
J’aime le personnage que tu as donné au jeune branleur du temps.
J’ai d’ailleurs remarqué que tu avais été proposé aux HOs ! On comprends pourquoi :) ! Et c’est mérité !
A très bientôt !
H.M.
C'est toujours un délice et ces comiques de répétition marchent tellement bien ! Ton style est un régal. J'ai deviné la fin, mais ça m'a fait quand même rire XD
A bientôt !
Et je suis bien contente d'être venue trainer ici, j'ai vraiment bien aimé cette histoire :p C'est du pur OVNI, on sait pas d'où ça part ni où ça va. Mais c'qu'on s'amuse en y allant xD
Je m'arrête là pour cette session de lecture, mais je reprendrai après les HO, foi de grenouille !
J'ai envie de lui dire : non mais tout ça pour ça !! XD
Ça me donne encore et toujours plus envie de continuer la lecture ahah !
Toujours aussi drôle et toujours aussi surprenant ! Ce don qui s'apparente plus à une malédiction (et on comprend vraiment la chute du premier chapitre). Chaque chapitre est d'une délicieuse absurdité, c'est vraiment un plaisir à lire.
Une petite coquille :
"Vous renderiez service à une pauvre âme, croyez-moi." : vous rendriez
Le ton du narrateur est intéressant, on sent le mec blasé, qui n'a pasa peur d'être jugé par sa psy parce qu'il en a vu d'autres et en même temps il se dégage quelque chose de drôle. (Sur l'humour, mention spéciale à "le canard en plastique était un canard en plastique" !)
D'ailleurs, en parlant de psy, je sais pas si c'est volontaire mais j'ai l'impression d'un glissement : on sait que le récit commence parce qu'il parle à sa psy, mais à des moments on sent que c'est plus à nous qu'il s'adresse (quand il parle de sa sexualité et de notre curiosité à ce sujet, par exemple). Je trouve ça plutôt bien jouée, cette sensation d'un interlocuteur double !
Toujours aussi bien !
J'ai repéré quelques fautes et répétitions, notamment gentillement qui se dit plutôt gentiment
C'est super drôle, on s'identifie à fond au héros, et toujours incongru et original !
Je commence à entrevoir la forme que tu veux adopter avec cette œuvre. Cela ressemble à un format épisodique, où Lucas nous raconte les différentes mésaventures engendrées par son pouvoir, sur un ton plutôt satyrique ou dramatique.
Et ça marche ! Pour le coup, tu arrives à nous faire prendre au sérieux un évènement qui semblerait pourtant... Comique, voire anodin. Le tout en conservant le rythme haletant du chapitre précédent!
Par contre, tu as quelques soucis de mise en forme, en vrac: un "caleçon" et un "commençai" sont sans cédille, une répétition de "soirée" dans le troisième paragraphe. Je te referai pas le discours sur les nombres :p
À bientôt pour la suite !
Contrairement à ce ce a été dit, j’ai bien rit en lisant ce chapitre et j’ai trouvé que les enchaînements et les détails éparses servaient tout à fait l’histoire. Le caractère du personnage guide toujours tout et j’ai même trouvé cela plus cohérent dans ce chapitre que dans le précédent où l'écart d'âge m’a peut être un peu gêné même si il revit une dernière fois ce fameux vendredi à 12ans. ( Et là je me rend compte que je laisse des commentaires sous un chapitre C au sujet du chapitre C-1... )
L’humour est toujours présent et ton personnage est vraiment accrocheur et attachant avec son mauvais caractère.
Même si j’ai cru comprendre que l’histoire suivrait les petites chroniques du Branleur du Temps, des histoires / pastilles d’humour, je trouve qu’il a un potentiel à développer l’intrigue et à y mêler des considérations plus grandes, notamment à travers la psy mais peut être nous réserves tu quelque chose... Et sinon, je continuerais à lire tes chroniques temporelles car elles me plaisent bien !
Je trouve que la ligne directrice de dessine petit à petit et j’ai envie d’en découvrir plus...
Mais ça a été un vrai plaisir de lecture en dépit de ce pitit détail !
Merci d'avoir lu ce chapitre et qu'il t'ait plu ! C'est vrai que j'ai de plus en plus l'impression que c'est celui qui a été le moins bien accueilli... (alors que c'est celui qui me fait le plus rire)
Je ne comprends pas le souci de "l'écart d'âge" du premier chapitre. Tu veux dire entre toi et le personnage ? Ou entre les actions du personnages et la narration ? Ou entre ses différents retours dans le temps ?
Ah alors je te rassure : le caractère de Lucas ne va pas en s'améliorant ! (mais il progresse. Un peu. Je pense)
J'ai toujours trouvé moi aussi qu'il y a du potentiel pour des histoires à plus grandes ampleurs pour le Branleur. J'y réfléchis beaucoup. Mais je dois avouer que pour l'instant je me focalise sur les petites (enfin elles deviennent de plus en plus grandes aaaaargh) chroniques de ses vies, tout en dévoilant les différentes conséquences d'un tel pouvoir sur un personnage aussi pourri que lui.
Et quant à la psy... hehehe
Et oui, pardon je ne me suis pas exprimé clairement, j’ai été un peu déconcertée par l’écart d'âge entre le narrateur et le Lucas de 4ans, ses pensées, ses sentiments et le recul que le Lucas-narrateur porte sur ceux-ci... Cela m’a paru un peu moins réaliste (enfin, si le terme est utilisable ici... ) que le reste qui reste très cohérent.
En tout cas, je garde ma certitude que le Branleur du Temps encore beaucoup à offrir !
( PS: et commencer par de petites chroniques ça rend le tout très attachant )
J'ai bien apprécié ce chapitre, bien qu'un peu plus brouillon peut-être.
Je me suis cependant bien amusé en le lisant et j'ai hâte de voir la suite pour savoir ou cela nous mène et si la psy aura une interprétation digne de ce nom !
J'ai aussi noté une erreur : il s'endort avec un tapis et parle finalement d'un rideau ensuite...
:)
Quant à la faute: le "rideau" mentionné n'est pas sa couverture (qui est effectivement un tapis) mais le rideau déchiré la fois précédente (dans le "la soirée avait fait peu de dégâts (je n’avais jamais vraiment aimé ce rideau de toute façon)").
Que veux-tu dire par "brouillon" exactement ? Tu parles de la succession des différents événements ou des blagues ?
Mais en même temps Lucas semblait lui aussi avoir du mal à suivre alors au final ça semble tout a fait logique ^^
Ce chapitre ne m'a pas fait autant rire que le précédant, c'est vrai, mais je sais à quel point c'est difficile de maintenir le même niveau lorsqu'on place la barre très haute très vite. Ça ne change pas le fait qu'il y ait du potentiel dans cette histoire, j'attends la suite =)
Et voilà, c'est exactement le rôle de la psy. Je sais pas si cette série aura vraiment une "fin": comme le personnage ne cesse de revenir en arrière et qu'il n'apprend jamais vraiment, on peut dire qu'il est immortel... et qu'il aura toujours des bêtises à raconter.
Merci beaucoup en tout cas d'avoir pris le temps de lire, ça fait toujours hyper plaisir !
Sinon encore une fois, vous m'avez surprise avec la chute. Je n'y avais pas du tout pensé ! Après, on apprends un peu plus sur comment fonctionne le pouvoir, et c'est super cool.
Bien, je lirais le chapitre suivant à sa sortie o/
Quant à la ligne directrice, j'avoue que j'ai toujours l'impression d'écrire les chapitres dans le même esprit que les précédents...
Le "Branleur du temps" consistera en des nouvelles humoristique sur différents moments de "ses" vies. J'avoue que des passages avec la psy ne sont pas prévus pour le moment : la série est avant tout sur le branleur et comment il se perd dans des problèmes stupides à cause de son utilisation idiote et inutile de son pouvoir. La séance de psy était avant tout un prétexte au style du texte très oral/confession à coeur ouvert.
Mais qui sait ?
D'accord, il n'y a pas de soucis ! Je pense juste que je m'attendais à autre chose, mais au final, ça me va très bien ;) Les nouvelles, c'est cool !
En fait, comme vous aviez introduit le personnage du psy, je pensais qu'on serait amenés à le revoir, c'est pour ça !
Ça ne m'empêchera pas de continuer la lecture ^^