-Dépêches-toi !
Il courait à vive allure comme il le faisait si souvent. On aurait dit qu’il allait s’envoler. Son ton pressant lui fit accélérer le pas. Si elle avait bien appris une chose durant cette aventure, c’était qu’il valait mieux faire ce qu’il demandait. Mais la pente était raide, et les herbes hautes s’enroulaient autours de sa taille, la ralentissant. Et lui semblait s’éloigner toujours plus, indifférent à son environnement. Elle leva les yeux, mais ne vit que la colline, immense, et le ciel, infini. Dans les cieux, les nuages noirs se ramassaient sur eux, créant des percés de lumière dorée qui coloraient le paysage. Tout était si beau
-Att… attends-moi ! s’écriait-elle en le voyant disparaître au sommet de la colline.
Mais trop tard, elle ne le voyait déjà plus. Elle força encore plus la marche et finit, elle aussi, par arriver en haut. Il était là, attendant au milieu des herbes, attendant comme si le temps s’était arrêté.
-Pourquoi tu es parti si vite ? demanda-t-elle à bout de souffle.
-J’avais peur d’arriver trop tard. Mais elle nous a attendu.
-Elle ?
Elle regarda autour d’eux. Ils étaient au milieu d’une prairie dont les herbes brunes se paraient çà et là de teintes or, émeraudes, mousse, orange et mordorées en fonction de comment les nuages laissaient le soleil les balayer. Soudain, un détail attira son attention. Comment n’avait-elle pas pu les voir avant ! Les parapluies ! Eparpillés un peu partout, ils étaient fermés, plantés par la pointe, la canne en l’air. En regardant plus prêt, elle remarqua que tous étaient noir ou gris, mais que chacun avait un manche différent. Il leva un doigt en direction du lointain, et elle s’approcha jusqu’à être tout prêt de lui, incertaine.
-La pluie. Elle arrive pile au bon moment.
Dans la direction qu’il indiquait, l’herbe s’assombrissait peu à peu. Les nuages noirs s’amoncelaient à une vitesse folle, et un rideau de pluie si épais qu’il semblait impossible de passer au travers s’avançait vers eux, aussi bruyant et rapide qu’un cheval au galop. Un léger froufrou se fît entendre, puis des tintements de cannes ; les parapluies s’étaient tous mis à s’agiter.
-Nous avons oublié les cirés, remarqua-t-il posément.
-On dirait bien que nous allons être trempés ! s’exclama-t-elle en souriant jusqu’aux oreilles.
En un instant, la tempête arriva sur eux, balayant l’herbe furieusement, et les parapluies qui s’étaient ouverts par la même occasion. Nullement gênée par la douche glacée, elle éclata de rire, émerveillée, encore une fois, par ce que ce monde avait à lui offrir. Ce monde. Son monde. Un à un, les parapluies qui ne s’étaient pas encore envolés s’ouvraient, décollant presque aussitôt dans le ciel sombre, tournoyant sur eux-mêmes, s’envolant toujours plus haut, alors que l’herbe se couchait, vaincue par le vent, qui du reste émettait un grondement sourd de fin du monde. Sans perdre une miette de spectacle, elle le regarda en coin. Il n’avait pas bougé d’un pouce, levant seulement les yeux pour suivre les parapluies. La pluie lui avait trempé les cheveux et le vent les coiffait à sa guise, dans tous les sens. Il était beau. Elle sentit son cœur se pincer et sa gorge se serrer. Elle ne voulait pas partir d’ici. Pour rien au monde. Maintenant, cet endroit faisait partie d’elle-même. Même l’absence de sa famille ne lui pesait plus. Pas plus, en tout cas, que de devoir rentrer.
Elle ne savait pas si il allait accepter, mais elle ne lui laissait pas le choix. Malgré le fait qu’il lui tournât le dos, elle le prit dans ses bras et le serra aussi fort qu’elle le pouvait, posant la tête sur son épaule.
-Ne t’en fait pas, ce n’est pas comme si nous n’allions jamais nous revoir, murmura-t-il. Tu pourras revenir, de temps en temps. Et moi aussi, je pourrais passer te voir.
Elle ne répondit pas que ce ne serait jamais pareil. Que ce n’était pas ce qu’elle voulait. Mais il le savait déjà, alors inutile de le rendre encore plus triste en remettant ça sur le tapis ; de toute façon son père avait fait son choix, et elle devait retourner chez elle.
-Regardes ! dit-il à nouveau.
Elle leva les yeux. L’averse avait cédé sa place au soleil qui faisait briller la toile des parapluies emportés au loin. Ainsi, ils ressemblaient à autant de tâches irisées emportées par la tempête. Peu à peu, le calme revint, et les hautes herbes reprirent leur place. Mais la pluie les ayant mouillées, quand les rayons dorés vinrent les chatouiller, elles se mirent à miroiter dans les dernières lueurs du jour. Cette fois-ci, il n’y avait plus aucun parapluie.
-Où sont-ils partis ?
-Qui sait ? Ils voyagent tout le temps, à l’affut de nouvelles tempêtes. De temps en temps, certains s’accrochent aux arbres ou prennent du repos dans quelques maisons, profitant ensuite de la première occasion pour fausser compagnie à leur propriétaire.
-Mais alors comment savait-tu qu’ils seraient là ?
Il la regarda dans les yeux, un demi sourire aux lèvres. Elle devina la réponse aussitôt ; il l’avait senti.
-Il est temps de rentrer. Il ne faudrait pas que tu rentres chez toi avec un rhume.
« Non », s’entendit-elle souffler. Il tourna les talons et elle lui emboîta le pas, se rendant soudain compte que la tempête avait balayé sa tristesse. Elle était prête. Prête à rentrer chez elle.
C’est joli, c’est poétique. C’est une belle idée, ces parapluies qui se déplacent, qui flottent ou se posent, s’ouvrent et se ferment, comme mus par une volonté propre. C’est une belle représentation de la pluie. Cette nouvelle contient déjà les germes d’ une histoire plus longue que tu pourrais développer.
Coquilles et remarques :
-Dépêches-toi ! [Dépêche-toi]
autours de sa taille [autour]
Tout était si beau [Il manque le point.]
-Att… attends-moi ! s’écriait-elle [s’écria-t-elle]
Mais elle nous a attendu [attendus]
de teintes or, émeraudes, mousse, orange et mordorées [émeraude]
en fonction de comment les nuages laissaient le soleil les balayer [Je propose : « suivant (ou selon) la manière dont les nuages laissaient le soleil les balayer ».]
Eparpillés un peu partout [Éparpillés ; l’Académie française et Grevisse recommandent de mettre les accents (tout comme le tréma et la cédille) aux majuscules, parce qu’ils ont pleine valeur orthographique.]
En regardant plus prêt / jusqu’à être tout prêt de lui [près ; ne pas confondre l’adjectif « prêt, prête » avec l’adverbe « près »]
tous étaient noir ou gris [noirs]
Un léger froufrou se fît entendre [fit ; c’est le passé simple, pas le subjonctif imparfait]
balayant l’herbe furieusement, et les parapluies qui s’étaient ouverts par la même occasion [Je propose : « balayant l’herbe furieusement, ainsi que les parapluies qui s’étaient ouverts par la même occasion » ou « balayant furieusement l’herbe et les parapluies qui s’étaient ouverts par la même occasion ».]
Sans perdre une miette de spectacle [« de ce spectacle » ou « du spectacle »]
Elle ne savait pas si il allait accepter [s’il]
Malgré le fait qu’il lui tournât le dos [« Malgré le fait qu’il lui tournait le dos » ou « Bien qu’il lui tournât le dos ».]
Ne t’en fait pas [fais]
Tu pourras revenir, de temps en temps. Et moi aussi, je pourrais passer te voir. [pourrai ; c’est plus logique de mettre les deux phrases au futur simple]
Regardes ! dit-il à nouveau [Regarde]
ils ressemblaient à autant de tâches irisées [taches]
à l’affut de nouvelles tempêtes [à l’affût]
Mais alors comment savait-tu qu’ils seraient là ? [savais-tu]
Il la regarda dans les yeux, un demi sourire aux lèvres [demi-sourire]