Il y a bien un truc dont je suis la reine, c'est la procrastination. Il est tellement plus facile de reporter à demain les choses que l'on doit faire. Le pire, c'est qu'on le sait, il y a cette petite voix au fond de nous qui nous dit « tu devrais le faire... ».
Mais non, on passe à autre chose, on oublie, on ne fait pas.
C'était un dimanche habituel, et dans les petits rituels qui sont les miens, le dimanche c'est l'appel à Papy et Mamie.
Puis, ce dimanche là, je ne l'ai pas fait. Un peu de chamboulements dans la vie, une honte un peu sournoise d'une situation professionnelle qui n'évolue pas... tout un tas de raisons qui semblent valables en théorie. La Théorie, ce doux pays de l'illusion où les habitants sont en guerre civile permanente avec Pratique, sa capitale.
Ça faisait un moment en plus, que je ne l'avais pas passé ce coup de fil. J'avais déjà séché le week-end d'avant, mais la vie va ainsi, parfois on passe son tour pour une logique défaillante mais qui reste une logique, à savoir un fait conforme au mode de raisonnement qui est le nôtre et qui guide nos actions. On peut appeler ça aussi une mauvaise excuse.
Dans la foulée de la semaine, arrive ce petit message interpellant.
« Papy est à l’hôpital, ils le gardent un peu »
Le système d'alerte rouge se met en route.
Quoi ? Mais je l'ai même pas appelé dimanche Papy, c'est quoi ce bordel ?
Le mode vigilance est activé, on zieute, on scrute, on s'appelle les uns et les autres.
C'est la magie de la famille : l'interconnexion immédiate des membres éloignés, d'un coup, tout le monde est sur le pont des nouvelles et les textos fusent dans tous les sens, créant un vent qui fait ouvrir la grand-voile.
Ah mais tout va bien finalement, oui, c'est vrai, c'était cette petite intervention prévue depuis quelques semaines déjà. Rien de grave. J'avais oublié que c'était à cette date là. Ouf, je pourrais les appeler dimanche prochain, ravaler ma culpabilité et tiens, même que je passerai longtemps avec eux au téléphone. Il y en aura des choses à dire, même pas besoin de parler de moi : la bouffe immangeable, les sourires du personnel et leur prévenance, les inquiétudes inutiles de Mamie et les mots-croisés.
Je me réjouissais d'avance de ces petites discussions qui font le sel de la vie, celui du plaisir partagé des choses prévisibles, mais qui, dans la façon dont elles sont dispensées, en font un bonheur éthéré.
L'esprit plus léger, cette fin de semaine s'annonçait sympathique, et les relents de mauvais pressentiments relégué au dernier plan.
Parfois la vie ne tient qu'à un fil, celui du coup que l'on ne voit pas venir, celui du coup de fil redouté qui nous cingle les oreilles et le cœur.
Finalement, le sel de la vie est plein de poivre.
Je te remercie aussi pour ta remarque sur le vocabulaire, je vais y réfléchir et effectivement, c'est peut-être mieux d'uniformiser le langage.