Le duel

Trois cors

I – Arthur, Rowan – Le couloir de la chambre du Roi – Nuit

Rowan frappe une fois à la porte du Roi. Comme personne ne répond, elle recommence.

Arthur, calmement : Je vais essayer d'être clair et concis : je vous donne peut-être l'impression de m'en foutre parce que je finis toujours par ouvrir, mais je supporte pas qu'on me tire du lit à quatre heures, ni en toquant doucement, ni à coups de bélier, ni en jouant des cymbales.

Rowan : Je suis navré Sire, mais...

Arthur : Non mais je déconne pas, Seigneur Rowan. Si vous foutez pas le camp de mon couloir, je vous fous au trou pendant trois semaines.

Rowan : J'ai un message de la plus haute importance pour votre femme.

Arthur, faisant les gros yeux : Ma femme ?

Rowan, embêtée : Oui, la Reine Guenièvre.

Arthur : Oui merci, je sais encore comment ma femme s'appelle. Qu'est-ce que vous lui voulez ?

Rowan : Les messagers viennent de recevoir un parchemin de Carmélide. Comme j'étais encore debout, j'ai jugé plus sage de ne réveiller personne...

Arthur : À part moi...

Rowan : Le Seigneur Goustan est malade. Il réclame de la compagnie. Comme votre beau-père est encore blessé de la dernière bataille, j'ai pensé que peut-être Dame Séli et sa fille voudraient s'y rendre.

Arthur, surpris : Se rendre au chevet de l'autre taré ?

Rowan hausse les épaules.

Rowan : Le Seigneur Goustan n'est pas en danger de mort, selon les messagers. Il n'y a donc pas d'obligation. D'ailleurs même s'il était prêt à crever, y aurait pas d'obligation, hein ? Mais je me suis dit que vous aimeriez profiter d'un peu de... solitude. Désolé de m'immiscer dans vos histoires de famille, mais j'ai cru comprendre que...

Arthur l'interrompt.

Arthur : Nan mais vous avez carrément raison. Qu'elles dégagent les deux pintades, ça me fera des vacances.

Rowan : Je fais préparer la carriole ?

Arthur : Faites donc. Je me charge de les sortir du pieu.

Trois cors

II – Arthur, Rowan – Le couloir de la chambre du Roi – Aube

Arthur se frotte les mains en souriant.

Arthur : Et voilà, emballé c'est pesé ! Joli paquet de brise-burnes direction la Carmélide ! Dommage que l'autre naze soit pas du voyage...

Rowan : Du coup... vous allez retourner vous coucher ?

Arthur, haussant les sourcils : Ben oui, qu'est-ce vous voulez que je fasse ? Jouer aux boules ?

Rowan : Je pensais plutôt au duel qui nous attend dans la matinée, Sire.

Arthur : Eh ben quoi, le duel ?

Rowan soupire.

Arthur : Ah non ! Vous allez pas vous dégonfler quand même ! Attention Seigneur Rowan, si on apprend que vous avez annulé le combat, c'est Lancelot qui aura eu raison. Vous pensez un peu à votre réputation ? Tout le monde va vous traiter de gonzesse...

Rowan : Non, c'est pas ça...

Arthur : Quoi alors ? Vous avez peur de perdre ? Vous savez, y'a pas la moitié de mes chevaliers qui peuvent se vanter d'avoir tenu plus de trente secondes en duel face à moi. Évitez de vous planter votre épée dans le pied et vous serez déjà quinze fois plus balèze que tous les autres connards réunis...

Rowan : C'est gentil, Sire, mais...

Elle hésite.

Arthur : Bon, vous accouchez ? Je veux bien être gentil mais j'ai pas l'intention de jouer aux charades jusqu'à midi moi...

Rowan : Je peux entrer ?

Arthur, abasourdi : Entrer ? Entrer où ?

Rowan : Dans votre chambre.

Arthur : Ma... chambre ? Oui mais certainement. Allez-y, je vous fais préparer un casse-dalle et rajouter une couverture ?

Rowan : S'il vous plaît, Sire...

Arthur : Ah nan mais y'a pas de s'il vous plaît qui tiennent ! Vous foutrez pas un orteil dans ma piaule, c'est quoi cette lubie ?

Rowan inspire profondément.

Rowan : Oh et puis merde.

Rowan l'attrape par les épaules et le pousse à l'intérieur.

III – Arthur, Rowan – La chambre du Roi – Jour

Rowan et Arthur sont au lit. Rowan retombe sur le dos et Arthur souffle.

Rowan, souriant : Oups.

Arthur la regarde.

Arthur : Oups, oui, comme vous dites.

Rowan se tourne vers lui.

Rowan : Quoi ? Me dites pas que vous faites la gueule ? C'était si nul que ça ?

Arthur, agacé : Mais ça a rien à voir avec nul ou pas nul...

Rowan, boudant : Mais vous avez trouvé ça nul.

Arthur lève les yeux au ciel.

Arthur : Non. Non j'ai pas trouvé ça nul.

Rowan, ravie : Aaah !

Arthur : Ah si, ça commençait à devenir craignos quand je me souvenais que je vous avais adoubé Chevalier de la Table Ronde il y a une semaine.

Rowan : Et vous y avez pensé... ?

Arthur : Souvent, oui.

Rowan : Et quand on a... ?

Arthur : Oui, aussi à ce moment-là.

Ils ne disent rien. Dans le couloir, le Maitre d'armes appelle Arthur.

Maitre d'armes : Sire, il serait peut-être temps de vous préparer pour le duel !

Arthur fronce un sourcil avant de se frapper le front du plat de la main.

Arthur : Ah oui, merde ! Le duel ! J'arrive !

Maitre d'armes : Je vous attends en salle d'entraînement !

Arthur fait mine de se lever. Rowan l'arrête.

Rowan : Vous faites quoi là ?

Arthur, perplexe : Ben je vais m'habiller, pourquoi ?

Rowan : Vous habiller pour le duel ?

Arthur : Non, pour aller cueillir des pruneaux. Évidemment, pour le duel, andouille ! Et si j'étais vous je ferais pareil, parce que y'a peu de chances pour qu'on continue à croire que vous êtes un homme si vous vous pointez au combat les miches à l'air.

Rowan : Mais attendez... Le duel, il est maintenu ?

Arthur : Pourquoi il le serait pas ?

Rowan : J'sais pas, peut-être parce que je suis une femme ?

Arthur : Ben voyons ! Et je leur dis quoi moi aux gars ? « Bonjour, désolé du dérangement, en fait je me suis tapé le Seigneur Rowan, il s'avère que Lancelot avait raison : c'est bien une gonzesse. Vous pouvez reprendre une activité normale » ?

Arthur se lève. Rowan s'assoit dans le lit.

Rowan, effarée : Mais vous pouvez pas faire ça ! Si on se bat et que vous gagnez, je vais devoir baisser mon froc devant tout le monde !

Arthur, soupirant : Soyez pas débile. Vous vous imaginez bien que je vais vous laisser gagner.

Rowan écarquille les yeux.

Rowan : Que... Quoi ? Me laisser gagner ?

Arthur : Si vous perdez et que vous dites aux autres que vous êtes une nana, ils me laisseront jamais vous garder à la Table Ronde. Sont trop cons pour comprendre que dans votre cas, une gonzesse vaut mieux que quatre trous du'c en armure.

Rowan, stupéfaite : Mais vous...

Arthur : Oh puis arrêtez de tortiller, à la fin ! On se tape dessus gentiment, vous me mettez une bonne mandale et je fais semblant d'agoniser. Du coup Lancelot l'a dans le cul, vous restez à la Table Ronde et tout le monde est content. Bon, sauf Lancelot, mais de toute façon lui l'est jamais content...

Rowan : Et si jamais on apprend que vous avez truqué le duel pour faire accepter une femme dans vos rangs ?

Arthur : Eh ben je ferai passer une loi comme quoi les femmes sont autorisées à la Table Ronde. Faut bien que ça me serve à quelque chose d'être Roi de temps en temps...

Rowan sourit puis tripote le coin du drap.

Rowan, innocente : Et nous...

Arthur : Quoi nous ?

Rowan : Ben... nous.

Arthur : Ah parce que ça vous suffit pas que je vous admette à la Table Ronde et que je mente à tous mes chevaliers ?

Rowan : Oh si si, c'est juste que...

Arthur : N'insistez pas, j'peux pas faire d'un chevalier ma maîtresse officielle. Tu parles d'une discrétion...

Rowan : Aucune loi ne vous interdit d'avoir des relations avec vos chevaliers.

Arthur, éberlué : Ah bah on se demande pourquoi on n'y avait pas pensé plutôt, tiens ! Nan mais vous avez raison hein, comme ça dans trois semaines tout le Royaume croit que j'suis pédé comme un phoque...

Rowan : Je vous demande pas de vous afficher... Seulement, comme ça, de temps en temps... Vous savez, ça fait quatre ans que j'me travestis. C'est pas toujours l'éclate question joyeusetés sous la couette...

Arthur frissonne.

Arthur : Je veux rien savoir.

Rowan : Alors, c'est oui ?

Arthur : Oh mais merde, là ! On verra ça plus tard ! Commençons par se mettre sur la gueule, il sera toujours temps d'aviser ensuite...

IV – Arthur, Rowan – L'infirmerie – Soir

Arthur est allongé. Il a la tête bandée d'un linge couvert de sang. Rowan est à son chevet.

Rowan : Je suis vraiment désolée, Sire...

Arthur : Oh ça va, je connais le refrain...

Rowan : Vous m'avez dit de vous mettre une mandale alors...

Arthur : J'avais surtout dit qu'on se tapait gentiment dessus !

Rowan, navrée : Je maîtrise mal ma force.

Arthur : Vous m'avez fendu le crâne, oui. Si j'avais su que vous vous acharneriez, j'aurais pas baissé ma garde.

Rowan : Je vous aurais eu quand même. Vous aviez une faiblesse dans le revers. Je vous aurais mis un coup de pied dans les valseuses au lieu de vous fracasser la tête.

Arthur, roule des yeux : Ça vous aurait bien arrangée, tiens...

Rowan, souriant : Ben voilà, du coup heureusement que vous avez baissé votre garde. Sinon y'aurait plus eu grand chose à négocier pour la suite des festivités...

Arthur soupire.

Arthur : Vous êtes encore là-dessus ?

Rowan le regarde, outrée.

Rowan : Dites-le si je vous fais chier hein ? Parce que je peux aller me trouver d'autres chevaliers...

Arthur, ricanant : J'aimerais bien vous y voir ! Vous choisiriez qui ? Yvain ?

Rowan grimace.

Arthur : De toute façon là j'suis pas en état.

Rowan, se redressant : Très bien, alors tenez-moi au courant.

Elle s'éloigne pour sortir.

Arthur : Eh dites !

Rowan : Hum ?

Arthur : Ma femme, y'avait vraiment un message pour elle ou vous l'avez foutue dehors pour vous glisser dans le pageot ?

Rowan sourit.

Noir

Arthur : Eh ben j'en connais un qui va être content du cadeau...