Le sexe faible

Trois cors

I – Arthur, Guenièvre, Léodagan, Séli – La salle à manger

Léodagan : Et s'il perd et que c'est une femme, qu'est-ce qu'on fait ?

Arthur : Mais c'est pas une femme ! Enfin beau-père vous l'avez vu comme moi ! Comment vous voulez qu'une nana soulève une épée pareille sans trembler des genoux ?

Guenièvre : Vous parlez de qui ?

Arthur : Du Seigneur Rowan.

Guenièvre, s'exclame : Ah parce que le Seigneur Rowan est une femme ?

Séli, incrédule : C'est la meilleure celle-là !

Arthur : C'est pas une femme...

Léodagan : Ça fait quand même trois jours que Lancelot dit le contraire... Comme quoi il l'aurait vu à poil dans la salle de bain...

Arthur : Eh ben il devait être beurré, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

Léodagan : Lancelot, beurré ?

Guenièvre : N'empêche, une femme à la Table Ronde...

Séli : Il était temps !

Arthur : Mais c'est PAS une femme !

Générique

II – Léodagan, Séli – La chambre de Léodagan et Séli

Léodagan : Qu'est-ce z'en pensez vous de cette histoire ?

Séli fait les gros yeux.

Séli : Ah parce que mon avis vous intéresse, maintenant ? Qu'est-ce qu'il y a, vous avez de la fièvre ?

Léodagan : Nan mais allez, vous pouvez pas me répondre sans me balancer des fions pour une fois ?

Séli : J'en pense que je serai bien contente que le Seigneur Rowan soit effectivement une femme. Maintenant qu'il est adoubé et tout le toutim, notre bon Roi serait obligé de la garder à la Table Ronde, et pt'être que les autres mous du slibard qui vous servent de collègues se remueraient un peu.

Léodagan : Comme si y'avait quelque chose qui pouvaient les secouer, ceux-là...

Séli : La poigne féminine, j'vous dis. Croyez-moi, si on laissait les femmes gouverner, le Graal ça ferait quinze ans qu'on l'aurait trouvé.

III – Karadoc, Mevanwi – La chambre de Karadoc et Mevanwi

Karadoc : Une femme ! Non mais on peut pas laisser faire ça !

Mevanwi, sans lever les yeux de son parchemin : Et pourquoi pas ? Le Roi les a déjà faites acceptées à sa table de déjeuner, il peut bien les accepter à la Table Ronde.

Karadoc : Nan mais c'est n'importe quoi ! Qu'est-ce que vous voulez qu'une gonzesse fasse avec des chevaliers ? Elle va être bonne qu'à nous ralentir ! Et vas-y que je m'arrête cueillir des fleurs, et vas-y que je ramasse des fraises ! On part en mission, nous, pas en promenade !

Mevanwi, soupirant : Vous vous arrêtez bien pour ramasser des fraises quand vous partez en mission, vous...

Karadoc : Oui mais moi c'est pas pareil, à côté de ça je développe des techniques de combat.

Mevanwi : Il paraît que le Seigneur Rowan est excellent à l'épée.

Karadoc : Mais ça c'est dépassé ! C'est d'la merde !

Mevanwi : C'est quand même un peu plus efficace que le lancé de boulettes quand on se retrouve face à un ennemi sanguinaire...

Karadoc : Mais ça c'est parce que vous avez rien compris ! Vous pensez comme une femme, vous êtes trop limitée !

Mevanwi, outrée : Trop limitée pour comprendre comment on peut terrasser un adversaire en lui balançant des boules de mie de pain pleines de bave ? Ah ça oui, je vous le confirme !

IV – Angharad, Perceval – Le couloir

Perceval : Faut vraiment que j'y aille, là, j'dois me lever tôt demain.

Angharad : Pourquoi ?

Perceval : Y'a un genre de combat pour vérifier que le Seigneur Rowan est bien un homme... Tous les chevaliers sont convoqués.

Angharad : Parce que le Seigneur Rowan n'est pas un homme ?

Perceval : On en est pas sûr. Fin c'est Lancelot qui dit que c'est une nana.

Angharad : Et comment sait-il que c'est une femme ?

Perceval : Ben les femmes c'est bien un genre de gars avec des gros nibards et des fesses à pas passer les portes ?

Angharad : Heu... C'est un peu concis mais... Si on veut...

Perceval : Ben voilà, d'après Lancelot qui l'a vue toute nue, Rowan aurait des gros nibards et des fesses à pas passer les portes. Un peu comme vous quoi.

Angharad écarquille les yeux et fait demi-tour à grands pas.

Perceval : Nan mais revenez ! C'est pas de votre faute ! Toutes les femmes sont foutues comme des charrettes !

V – Arthur, Guenièvre – La chambre d'Arthur et Guenièvre

Arthur lit et Guenièvre fixe le vide d'un air préoccupé.

Guenièvre, se tordant les doigts : Ça m'inquiète un peu quand même cette histoire de combat...

Arthur : Mais y'a rien à s'inquiéter... S'il perd et qu'il est obligé de prouver que c'est un homme, Lancelot va juste se prendre une grosse honte.

Guenièvre : Mais si Lancelot dit vrai ? Vous n'allez pas faire combattre une femme, tout de même ?

Arthur lève les yeux au ciel.

Arthur : Mais puisque je vous dis que c'est pas une femme...

Guenièvre : Et qu'est-ce que vous en savez ? Vous avez vu ce qui y'a sous son foulard ?

Arthur : Sous son foulard y'a juste une tronche moche à gerber.

Guenièvre, incrédule : Il vous l'a montrée ?

Arthur : Non, mais c'est ce qu'il m'a dit.

Guenièvre : Et vous ça vous intrigue pas plus que ça ?

Arthur : Mais j'en ai rien à foutre ! Ça pourrait être un con d'âne ou même une poule mutante, ça serait pareil ! Je peux pas me permettre de rembarrer un type aussi doué alors que je me traîne une équipe de bras cassés depuis quinze ans !

Guenièvre : Et qui va le défier en duel ?

Arthur : Ben déjà Perceval, Karadoc, Hervé, Yvain et Gauvain c'est pas la peine...

Guenièvre : Ben du coup y reste plus grand monde...

Arthur : Votre père est encore blessé de la dernière bataille. Galessin s'est barré en Orcanie. Et Lancelot refuse de taper sur une fille.

Guenièvre, horrifiée : Donc c'est vous qui allez le faire ?

Arthur, ricanant : Quoi, vous avez peur qu'il me coupe un bras ? Merci mais je sais encore me défendre...

Guenièvre : Ah non, hein ! Vous n'allez pas frapper une femme !

Arthur, hurlant : Mais puisque je vous dis que c'est pas une femme !

Guenièvre : Et ben si Lancelot a raison, c'est vous qui allez vous taper une grosse honte, mon p'tit père...

VI – Lancelot, Rowan – La chambre de Lancelot

Lancelot lit un parchemin. On frappe à la porte. Il se lève pour aller ouvrir et tombe nez-à-nez avec Rowan.

Lancelot, sec : Qu'est-ce que vous fichez ici, vous ?

Rowan : Je peux entrer cinq minutes ?

Lancelot : Sûrement pas. Vous m'emmerdez assez pendant la journée pour pas avoir envie de vous voir traîner dans ma chambre à la nuit tombée !

Rowan : S'il vous plaît, Seigneur Lancelot, juste cinq minutes...

Lancelot : Eh ben allez-y, dites moi ce qui vous amène.

Rowan : Pas dans le couloir.

Lancelot : Et pourquoi ?

Rowan : C'est personnel.

Lancelot : Comment ça, personnel ?

Rowan : Oh mais vous me gonflez, là ! Si vous arrêtiez de tortiller du fion on en aurait déjà fini !

Lancelot soupire et s'écarte pour la laisser entrer.

Lancelot : Bon, ça vient ?

Rowan : J'aimerais vous proposer un marché, Seigneur Lancelot.

Lancelot : Un marché pour quoi ?

Rowan : Pour nous éviter à tous les deux le combat de demain.

Lancelot : Ah mais ça c'est votre problème ! Si le Roi vous dérouille c'est vous qui vous retrouverez les miches à l'air !

Rowan : Et si c'est moi qui dérouille le Roi, vous allez passer pour un pochtron pour le reste de votre vie.

Lancelot lui lance un regard noir.

Lancelot : Et on peut savoir ce que c'est, votre marché ?

Rowan : On oublie ce que vous avez vu dans la salle de bain. On dit que vous avez voulu me faire une blague et que vous ne pensiez pas que ça irait jusque là. On fait annuler le combat.

Lancelot : Une blague ? Ben bien sûr, comme ça au lieu de passer pour un pochtron je passe pour un gros crétin !

Rowan : Ben comme ça vous vous fondrez dans le paysage. C'est pas les crétins qui manquent, ici.

Lancelot : Un marché, c'est pas censé arranger les deux côtés ?

Rowan : Vous aurez un dédommagement pour contrebalancer l'effet « crétin ».

Lancelot : Ah oui ? Je vous préviens tout de suite, les pots-de-vin, ça ne fonctionne pas avec moi.

Rowan retire son bonnet et défait son foulard. Elle approche et fait mine de délacer la chemise de Lancelot.

Lancelot, reculant précipitamment : Mais ça va pas la tête ?

Rowan, haussant les sourcils : Ben quoi ?

Lancelot : Qu'est-ce que vous faites, là ?

Rowan : Je vous dédommage.

Lancelot : Je ne sais pas pour qui vous me prenez, mais vous vautrer dans mes draps ne m'ôtera pas la conviction que vous n'avez pas votre place à la Table Ronde !

Rowan, avançant encore : Faites-moi confiance, un peu de vautrage et vous aurez oublié ce que ça veut dire, conviction...

Lancelot : Mais ça suffit !

Rowan, déçue : Oh non, me dites pas que vous avez fait vœu de chasteté ?

Lancelot : N... non ! J'ai fait vœu de fidélité ! Mais puisque vous n'êtes pas exactement ce que j'appellerais ma dulcinée, pour vous c'est même tarif ! Pas touche !

Rowan : Eh merde...

Lancelot : Eh oui, ma p'tite, faudra repasser pour la tentative de corruption !

Rowan, l'air innocent : Et à titre purement informatif, le Roi...

Noir

... il a pas fait vœu de fidélité, lui ?