Le Frelon

Par Chablaj

La mirabelle est jaune et juteuse, et elle rougit sous le soleil couchant

Tu te tiens sur l’escabeau et tu l’observes, juché en équilibre sur la dernière marche

Elle chancelle, tu as un peu peur mais tu y restes, car elle en vaut la peine

Immobile au bout de sa tige, au bout de sa branche, au bout de son membre

Devant le vaste ciel, si ronde, si petite, parfaite, constellée d’à peine quelques tâches de rousseur un peu brunes

Tu pourrais t’en saisir de tes doigts de garçon maladroit, trop rêches à ton goût, mais tu te retiens

Tes ongles rongés te donnent un peu honte

Contre la belle mirabelle, que sont ces doigts ronds qui ne devraient pas l’être, ces doigts gourds et patauds

Ces doigts lourdauds mal taillés, hérités d’ancêtres plus beaux que toi

Couverts de brumes et de médailles

Toi tu hésites et tu patauges, tu n’oses même pas tendre le bras

Tu chancelles, mais tu tiens

 

Un frelon bourdonne dans le coin

Qu’il est gros ! Il virevolte d’une feuille à l’autre, devant les fruits, devant ton fruit

Il s’arrête et fredonne avec complaisance

ll te nargue de son dard énorme et de son fredonnement lascif, tu trembles

Tu te tiens si droit mais le sol est si loin

Et lui qui bourdonne d’aise, t’empoisonne

Le voilà qui s’approche, qui fait volte-face devant ton visage, et s’éloigne enfin

Mais tu continues de trembler

La mirabelle n’a jamais été si loin de toi

Tu redescends de ton étage

Le sac rempli, mais l’esprit vidé, qui vaque après le fruit

Que tu aurais voulu cueillir, et que tu n’auras jamais

 

 

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