Caroline
Au dessus de l’abîme, tu tressautes
Sur ton fil
Tout au bout de tes ongles rongés, tu te cramponnes, fébrile
Caroline
A la force des bras, tu maintiens ton accroche,
Et te hisses à nouveau, tremblotante, plus proche que jamais
Et le ciel, tu le vois tout en haut, et puis prise, furieuse, d’un rire fou
Tu dérapes et te brises
Et les membres et l’esprit, tu dégrises
A l’odeur de ton sang
Caroline
Ta voix grave et rapeuse comme la langue d’un chat
Tes pupilles brûlantes, et brûlées
Où l’on voit qui s’arrachent des chairs tourmentées
Des passions magnétiques qui consument ton âme
Me hantent encore
Caroline
Tes pupilles qui sans cesse criaient
Des désirs assassins, laissaient voir au travers
Des démons qui riaient
Des tentatives pédalantes
Pour tourner ton féroce appétit vers une saine subsistance
Caroline
Ta couleur est multiple, facétieuse, mutine
Arabesque écarlate, délicieuse, enlacée
Par des griffes de jais
Ta couleur si vive qui à force de blessures, s'étiole
Je l’ai vu, tu rêvais d’un festin de juteuses cerises
Qu’on te servit bien, oui
Sur une table d’ossements, en te liant les mains
Et puis d’autres s’empifrèrent, l’air affable
Sous tes yeux si noirs, si noirs et perdus
Caroline
Danse donc avec moi, Caroline, la plus belle
La coquine
Caroline
Tu n’est pas celle qu’on croit
Ni qu’on croise au sortir de l’usine
Où même les sourires sont stérilisés
Mais surtout les couteaux
Qui coupèrent tout petits des morceaux de ta tête
Sur la planche si blanche du labo
Caroline
Le faisceau de lumière t’illumine
Tout autour pue la chair, les viscères
Qui pourrissent toutes ensembles dans la boîte
Blanche et moche, chaude et moite
Où l’on soigne les gens comme toi
Caroline
On te viole
T’assassine
Ta couleur fait trop peur à l’aveugle
Trop plaisir à certains
En médecine
Elle est trop, ta douleur
Caroline