Lucas n'aimait pas beaucoup les musées. Trop barbants. Mais sortie scolaire oblige, il suivait sa classe. Il fit donc semblant de s'intéresser. Il se posta devant une oeuvre, plissa un peu les yeux, et l'observa longtemps en hochant la tête. L'instituteur sourit, satisfait. C'était donc la bonne méthode. Le reste du groupe chahutait devant un nu. Au moins, ainsi, on le laissait tranquille. Il resta là, l'esprit divaguant.
Après quelques minutes, un gardien approcha, se mit à côté de lui, les mains derrière le dos, copiant sa pose :
- Magnifique hein ?
- Oh oui oui, s'empressa-t-il de répondre.
- L'harmonie des couleurs. Et puis cette pomme pourrie qui suggère le temps qui passe et nous tue.
- Mmmh, opina Lucas.
- Ne t'inquiète pas, je ne dirai rien, ajouta le gardien sans détourner la tête de la nature morte.
Lucas tressaillit, leva timidement les yeux vers l'homme.
- J'avais la même tactique que toi à ton âge. Le prof est content et trop occupé à gérer les emmerdeurs qui gloussent devant les fesses de Vénus. On peut penser à son aise.
- Et ça fonctionne à chaque fois ?
- À chaque fois. Même avec les parents. C'est comme ça que j'y ai pris goût. Et puis, je suis resté.
Lucas prit une profonde inspiration et soupira. Ils restèrent côte à côte, plongés dans leurs rêveries, le regard perdu dans une pomme pourrie.
- Lucas, tu viens, ordonna l'instituteur, le bus nous attend.
Lucas accourut. Puis, avant de sortir de la salle, se retourna vers le gardien.
- Je peux revenir ce week-end, monsieur ?
- Quand tu veux, mon garçon.
Ben moi je l'aime bien, cette nouvelle. Encore une fois, elle se suffit à elle-même. Tout est simple, un peu caché au début et puis révélé à la toute fin. Si quelque chose te "gratte", peut-être est-ce que tu as envie de poursuivre cette histoire, de l'allonger un peu... ?
Sinon, j'ai noté que tu utilisais le passé - une raison particulière ? Tu penses que le présent serait moins approprié ?
Et pour finir sur une note beaucoup plus formelle, je vois que tu utilises à la fois les tirets de changement de réplique, et les guillemets - normalement, avec les tirets, pas besoin de guillemets ;-)
A très vite !
Pour le temps, cette fois-ci, je n'y ai pas réfléchi, je l'ai juste instinctivement écrite au passé. Je vais relire ça au présent pour voir si ça me parle.
Encore une fois, merci beaucoup pour ton commentaire.
Je lis les autres commentaires et effectivement, toute la force de l'histoire (très) courte est là : on sait où on est, qui on suit, à quoi ils pensent et comment ils sont là, pourquoi et la dynamique éclot rapidement.
Peut-être un clin d’œil au final : une pomme pour le goûter ?
J'ai lu toutes tes "Histoires Courtes" et j'y ai pris beaucoup de plaisir. En effet rapidement- et pour cause :) - l'ambiance est posée, les personnages sont consistants, le scénario cohérent et la chute est là.... Merci, j'ai passé un bon moment de lecture.
En ce qui concerne ta dernière histoire, "le gardien du musée", j'y vois une éloge de la rêverie, de la rencontre... Tu indiques en préambule que tu vois des manques à ton histoire; personnellement je la trouve bien menée... S'il y a un détail qui me manquerait, peut être, c'est autour du tableau, à la fin... Peut être qu'en plus de la poésie que tu as su insuffler autour de la rêverie et de la rencontre, elle pourrait aussi apparaître autour de l'oeuvre d'art...? Suggestion tirée uniquement de ma sensibilité...
A bientôt,
Lyse
Un grand merci pour ton commentaire. Par la poésie autour de l'oeuvre d'art, tu imagines que l'oeuvre d'art prenne vie (en quelque sorte) ?
Par "la poésie autour de l'oeuvre d'art", disons, que personnellement, lectrice, je serais touchée par l'arrivée d'un détail autour de l'oeuvre d'art que l'enfant regardait rêveusement (ou d'une autre). Cela pourrait amener à penser que le gardien n'a pas apprécié ses visites au musée -qui est devenu son lieu de vie professionnelle- uniquement pour pouvoir rêver à sa guise (même si la rêverie est essentielle à la vie!!), mais peut être également parce que de cet état peut naître une observation différente des œuvres d'art... jusqu'à ce qu'elles paraissent vivantes ? Oui peut être...
Encore une fois, cette suggestion n'a rien d'une vérité: Il s'agit, je me répète ;), uniquement de ma sensibilité...
Lyse