Un cri la réveilla. Un cauchemar ?
Elle attendit quelques instants qu'il se répète. Rien. Elle se leva, alla à la fenêtre, écarta légèrement les rideaux. Rien. Elle se calmait quand, soudain, un bruit lui parvint du rez-de-chaussée. Un son sourd, étouffé. Comme un choc sur la moquette. Puis, rien. Elle enfila son peignoir, se saisit d'un vase vide, ouvrit précautionneusement la porte de la chambre. Elle descendit l'escalier. Son rythme cardiaque s'accélérait. Ses pupilles se dilataient. Ses doigts se crispaient autour du vase. Elle sentait le duvet de sa lèvre supérieure frémir à chaque expiration. Elle entendait le bruissement du coton à chacun de ses mouvements. Elle arriva en bas des marches. De la lumière filtrait sous la porte du salon. Elle approcha une main moite de la poignée et frissona au contact du métal froid. D'un geste brusque, le vase brandi, elle entra dans la pièce. Elle poussa un cri.
Un cri la réveilla. Un cauchemar ?
Il y a relativement peu de détails sur le personnage, on ne connait pas son âge, et donc sa vulnérabilité. Le fait qu'il soit anonyme ne nous permet pas de s'attacher à lui, mais on s'y identifie plus facilement. Nous sommes à sa place, ce qui augmente notre insécurité.
Le fait que le texte soit d'un seul bloc nous étouffe, ce qui augmente l'urgence de la situation, mais cela nous retire l'anticipation d'un quelconque danger : le fameux temps mort où la victime perd de vue son agresseur, les quelques secondes de peur et d'attente que le personnage a pendant lequel on attend quelque chose de grave, Ce qui aurait pu se traduire par quelques paragraphes pour espacer le texte.
Je suis pour "un" cri. Cela le rend plus neutre, en dehors d'une situation d'urgence, ce qui convient plus pour un cauchemar. Si on disait "le" cri, cela voudrait dire qu'il existe dans l'histoire, et donc dans la réalité du moment, donc urgence, et sortie de la boucle.
Tu restes toujours aussi efficace =)
Tu ajouterais l'anticipation d'un danger ou, au contraire, ce bloc unique te plait ?
Tu précises qu'il s'agit d'un cauchemar, le personnage a peur, donc en rajouter un peu impliquerait un peu plus le lecteur.
L'idée de la boucle est parfaite en si peu de lignes et je m'interroge : cela pourrait-il mieux fonctionner avec "Le cri" à la place du "Un cri" ?
Car si au début on se demande de quel cri il s'agit, la fin résout une partie du mystère tout en laissant la porte ouverte. Non ?
Qu'en pensent les autres Plumes qui passeraient par ici ?
J'ai 2 réflexions techniques de lectrice "chieuse" : dans la 2e phrase, je ne suis pas sûre de savoir à quoi le "il" de "il se répète" se réfère (le cri ou le cauchemar ? je pencherais plutôt pour le cri - ?).
Et à première lecture, je me suis également demandé pourquoi certaines phrases étaient à l'imparfait et non au passé simple. Je pense surtout à "Son rythme cardiaque s'accélérait. Ses pupilles se dilataient. Ses doigts se crispaient autour du vase." : ce choix a surtout pris son sens à la fin, quand j'ai compris qu'il s'agissait d'une boucle : du coup, en les relisant, ces bouts à l'imparfait décrivent une action rapide mais paradoxalement étirée dans le temps, comme un cauchemar qui se répète (et du coup ça marche très bien !)
A bientôt ;-)
Merci d'être une lectrice "chieuse" (pour reprendre tes termes parce que, perso, je ne te trouve pas chieuse du tout), c'est pour avoir des retours que j'écris ici.
Je n'avais pas pensé que le "il" pourrait se référer au cauchemar. Dans ma tête, c'était forcément le cri. Après coup, je pense que, vu la boucle, j'aime bien que le doute subsiste mais ça n'était pas intentionnel. J'ai hésité à mettre "Silence" au lieu de "Rien" entre mes phrases. Qu'en penses-tu ? Il serait alors plus clair que le "il" représente le cri.
Concernant l'imparfait et le passé composé, c'est très intéressant parce que je l'ai écrit naturellement ainsi et puis je me suis posé la question. J'avais d'ailleurs changé certains passages au passé simple ("son rythme cardiaque s'accéléra") et puis je suis revenue à l'imparfait. Son angoisse monte tout au long de sa descente de l'escalier et l'imparfait traduit mieux selon moi la durée de son sentiment.
C'est toujours un plaisir de lire tes commentaires en tout cas. Un grand merci.
Le "rien" me semble définir une forme de vide ou de néant, plus effrayant que le "silence", lequel se rapporte plus simplement à une absence d'êtres ou d'objets. Et puis, "rien" étant un mot plus court et avec le son "r", il me parait plus percutant - comme si tu le laissais là l'air de rien, à peine visible, mais qui fait son effet (je sais pas si ce que j'écris à du sens, mais en tout cas dans ma tête ça fonctionne bien ^^)
Pour l'imparfait versus passé simple, à toi de voir : l'usage de l'imparfait m'a fait tiquer sur le moment, mais une fois la nouvelle achevée, j'ai d'autant plus savouré ce "soubresaut" du temps... Peut-être que je préfère quand même l'imparfait, parce qu'il dénote et rend ta forme encore plus originale qu'elle ne l'est ;-)
A voir aussi ce que d'autres plumes en penseraient et, évidemment, ce que tu préfères toi !