Le génie du mal

Je passe la porte et atterris dans la salle de pierre, bien sûr l’issue se referme derrière moi. Seulement, je n’ai aucune peur. J’ai déjà vécu ça plusieurs fois, je sais m’y prendre. C’est simple comme une chorégraphie bien rodée. J’avance de trois pas, un serpent sort de sous une pierre, je lui tranche la tête avec mon sabre. Je me décale sur la droite, ainsi j’évite les flèches qui sont lancés quand je marche droit devant. Je saute tranquillement par-dessus la dalle piégée et je continue mon chemin.

Je m’occupe de tuer quelques scorpions qui auraient voulu me retarder et je quitte la pièce, sans même la moindre blessure. Tout est bien qui finit bien.

Mes pas me mènent jusqu’à une vaste salle. Un livre trône sur un piédestal. En tournant autour de lui, j’évite de déclencher tous les traquenards qui l’entourent. C’est un objet précieux et il faut prendre son temps pour l’obtenir.

Quand enfin mes mains se posent sur le vieux grimoire, je me presse de l’ouvrir à la bonne page. Une lampe magique y est dessinée. Je souffle dessus, secouant la poussière qui s’y est déposée. Ensuite, je frotte ma paume sur la représentation. Une fois, deux fois et trois fois. Il n’y a plus qu’à attendre.

Heureusement, ça ne dure pas longtemps.

Un génie bleu s’élève dans les airs sous mes yeux.

– Bonjour, tu m’as appelé ?

J’hésite sur la réponse à donner.

– Appelle-moi maîtresse ! Après tout, je détiens ta lampe !

Plutôt conciliant, il accepte tout de suite de m’obéir.

– Bien maîtresse. Que puis-je faire pour toi ?

– Je souhaite que tu fasses le malheur de mes ennemies.

– Es-tu certaine de pouvoir le supporter ?

Je hoche la tête, déterminé.

– Bien sûr. Je peux tout supporter.

Il me regarde d’un air soucieux.

– Très bien, c’est ce que nous allons voir.

Sa peau vire soudain au rouge alors qu’une musique se met à résonner dans mes oreilles.

– Prépare-toi au pire !

Je ne peux m’empêcher de hurler.

– Putain de merde !

***

De rage, j’éteins le jeu. L’écran devient noir. Ça me saoule, mais d’une force.

Je me précipite sur mon portable.

– Allô, Renaud ?

– Ouais ?

– Ça ne marche pas, ton truc !

– Hein ?

Il m’énerve lui aussi.

– Je ne comprends rien.

Putain, mais qu’est-ce qu’il est con !

– Dans le jeu ! J’ai pris la fille et j’ai fait les réponses mauvaises, mais ce con de génie, il est devenu rouge…

– Ah cool, dit-il.

– Mais non, pas cool. Il m’a attaqué !

– Bah ouais…

– Mais ouais quoi ?

J’ai envie de le frapper et je suis au téléphone.

– Tu l’as battu ?

– Bah non, j’ai éteint.

– Tente de le battre.

Je réfléchis. Et si c’était la solution ?

– J’aurais le génie du mal après ?

Il soupire.

– Qu’est-ce que j’en sais, moi ?

– Mais tu m’as pas dit que tu connaissais la technique pour avoir le génie du mal…

Il éclate de rire dans le téléphone.

– Franchement, tu es trop influençable Flo ! C’était des conneries qu’on disait. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse l’avoir. C’est soit ton allié, soit il t’attaque, c’est tout.

Je lui raccroche au nez.

Je m’en fiche un jour, je ferais un jeu vidéo avec un génie du mal et tous ceux qui se sont moqué de moi seront les héros et il les tuera tous. Ça sera mon jeu et personne ne pourra le finir ! Voilà ! J’appellerai ça, la vengeance du génie du mal.