Alors que je sors du bâtiment B au collège pour gagner la cour, je sens une goutte d’eau d’écraser sur mon épaule. Étrangement, le temps ne me parait pas couvert. Mais ce n’est pas grave. Je m’arrête parce que ça me donne une excuse pour me servir de mon parapluie.
Tout le monde en est équipé ici, alors j’ai demandé à papa qu’il m’en trouve un. Ça a dû lui semblait bizarre, mais il a fait son possible pour me le ramener. Sauf que ce n’est pas le modèle pliable qu’on peut rentrer dans son sac. Non, c’est un parapluie géant. Seulement, je n’ai rien dit parce qu’il a fait de son mieux pour m’offrir ce que je voulais.
Des gens rigolent de me voir avec. Ce n’est pas grave, je les laisse s’amuser. L’important, c’est qu’il me plaise à moi.
J’ouvre tranquille mon bien. Une fille passe à côté de moi, quand jaillissent du ciel des trombes d’eau. Le liquide se focalise sur elle, et je suis seulemnt aspergée parce que nous sommes proches. Surprise, je relève les yeux. J’ai juste le temps d’apercevoir une silhouette disparaître en claquant la fenêtre. Une bouteille en plastique vide rebondit sur le crâne de ma voisine trempée. Elle baisse la tête, au bord des larmes. J’en ai mal au cœur pour elle.
Aussi vite que possible, je replie mon parapluie, pour lui parler. Immobile, elle attend. Peut-être est-elle en état de choc ?
– Est-ce que ça va ?
Je cherche un mouchoir dans mon sac, et je lui tends. Faible consolation puisqu’elle est trempée.
– Ce n’est rien, murmura-t-elle.
Je prends son bras et je l’entraîne vers un banc dans la cour. Il est au soleil, ça lui permettra de sécher ses vêtements. Docile, elle se laisse faire.
– Tu sais qui est responsable ?
Elle ne répond pas. Ça fait mal au cœur de la voir comme ça.
– Tu ne devrais pas me parler, ils vont t’embêter aussi.
– Qui ça, « ils » ?
À nouveau pas de réponse.
– Viens, on va en parler au CPE.
Elle secoue la tête. Mais je persiste parce qu’il faut régler le problème.
– Alors la moche, tu coules.
Je me retourne vers un garçon blond, en survêtement blanc qui ricane. D’autres, plus loin, le suivent dans son rire.
– T’as que ça, à faire ?
Il se tourne vers moi.
– Toi, je te parle pas !
– Oui, mais moi, je te parle.
– Ta gueule, la moche.
Quel sens de la répartie.
– Ta gueule toi-même, le con !
Il s’approche d’un air menaçant. Je me redresse et confis mon parapluie à ma voisine.
– Si tu la fermes pas, je te tape.
Cette phrase ne peut que déclencher mon hilarité.
– Je vais vraiment te taper !
Il veut prendre un air énervé, mais il ressemble plus à un mec qui a la gastro qu’à autre chose. Je pouffe. Piqué au vif, il lève la main. Beaucoup trop loin, il laisse toute sa garde ouverte. Il hésite, sauf que moi, je ne le fais pas. Je n’hésite jamais. Papa m’a toujours dit d’agir à l’instinct. Sans attendre, mon poing se plonge dans son estomac l’abandonnant plié en deux. Il titube, et j’en profite pour lui balancer un grand coup de pied à l’arrière du genou pour le déstabiliser et le faire tomber par terre.
Pour le monde, c’est approché en criant. Je ne m’en étais pas rendu compte. Ils ne sont pas des menaces. La seule que j’ai se trouve en face de moi. Enfin, gît plutôt à mes pieds.
J’entends la voix d’un adulte résonner et les spectateurs s’éparpillent.
– Dans mon bureau, tous les deux.
Je me tourne vers le banc pour demander à la fille de nous accompagner, mais elle a disparu. Mon parapluie reste seul, abandonné. Ça me met un coup au moral. J’aurais voulu faire plus. Beaucoup plus. Pour le moment, je me contente de le récupérer, et de faire ce qu’on m’a demandé.
Papa, je crains qu’on ne doive changer de ville, un peu plus rapidement que prévu. Désolée.
J'aime beaucoup cette nouvelle ^^ Tu traites ce thème très fort avec beaucoup de délicatesse ^^
La fin est très intrigante, on repart de cette lecture avec des questions plein la tête ! ^^
Belle interprétation, bravo 😄
C'est des personnages que je réutilise. Valiana est aussi présente dans "je ne fêterai plus jamais la saint-Valentin".
J'ai envie d'écrire sur elle et sur son père.
Et beh comme Isapass ! Je ne sais pas pourquoi, j'attendais aussi l'intervention du fantastique (je pense que c'est le fait que le parapluie soit très grand, et d'autres petites phrases du genre, qui m'ont fait penser que le surnaturel pointerait le bout de son nez).
Ah le collège, le harcélement, tout ça... des thèmes que je connais bien xD (pas pour moi-même, mais à force de le gérer).
C'est assez bien géré, et on a même une petite semi-chute à la fin, pour relancer et faire comprendre que la jeune fille a l'habitude de ce genre de situation.
C'est agréable à lire !
Merci pour ton passage. Je crois que ça vient du fait que dans mes autres défis, j'ai toujours mis de l'imaginaire.
Après elle est gentil, elle a posé le parapluie pour ne pas en mettre un coup dans la figure du mec.
C'est juste qu'on l'a sensibilisé à faire attention. En plus, comme elle change souvent de ville et d'école, elle est parfois mise de côté.
J'aime bien ce thème du harcèlement : ma fille est en sixième et ça fait partie des sujets à aborder. Il y a forcément un moment où quelqu'un vous prend comme "tête de turc", dans n'importe quel collège. Moi je lui dis de ne JAMAIS riposter par la violence, mais c'est souvent plus facile à dire qu'à faire. Ton héroïne en est la preuve, d'ailleurs ! ;)
Quand à la fin, on change carrément de registre parce que plus qu'un fin, on dirait le début d'une histoire plus vaste : pourquoi changer de ville ? Pourquoi une mesure si drastique ? Elle est son père sont-ils censés rester discrets ? Des témoins sous protection ? Des victimes de harcèlement eux-aussi ? Bref, tu vois que la dernière phrase a titillé mon imagination !
J'ai vu quelques coquilles, et surtout, cette phrase (écrite un peu vite, je pense) : "Pour le monde, c’est approché en criant." ;)
A+
Merci pour ta lecture. Oui, pour cette histoire, on était dans la réalité.
Après, je ne prétends pas que c'est la meilleure solution évidemment. J'ai souvent dit aux enfants quand je travaillais en primaire d'en parler aux adultes, au lieu de taper.
Pour ce qui est du père qui l'incite à attaquer la première, ça vient de son histoire personnelle à lui.
Après Valiana n'est pas le genre à se laisser marcher sur les pieds. A côté de ça, c'est une fille très gentille.
En fait, c'est un petit texte avec les personnages d'une histoire plus longue. J'aurai dû dire "change de collège" plutôt que de ville. Ça aurait été plus logique.
En fait, elle vit avec son père dans un camping-car donc il travaille quelques mois dans une ville, puis ils changent. C'est rare qu'ils restent plus d'un an au même endroit.
Pour la phrase coquille, c'est "Puis tout le monde" Je ne sais pas comment j'ai réussi à écrire un truc qui n'a aucun rapport.
Merci pour ta lecture et ton commentaire.