Nous voilà bien.
Mo tenta de remettre le moteur de la navette en marche. Rien à faire, le tableau de bord clignotait en rouge. Ils étaient à sec.
— Au moins, on est quelque part, soupira-t-elle en baladant son regard sur le paysage désertique derrière la vitre.
Un grognement lui répondit.
— Allez, viens. Faut qu’on trouve de quoi repartir.
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La grosse trainée de fumée bizarre, ils l’avaient vue depuis le sol. Une très-très grosse trainée qui ne leur disait pas grand-chose de bon. Certains avaient parlé d’un de ces cailloux du ciel. Mais les cailloux du ciel ne fumaient pas quand ils tombaient. Et puis, ils faisaient un plus gros boum.
Alors, certains s’étaient mis en route vers l’endroit où le machin était tombé.
Le caillou n’en était pas un.
C’était… un truc. Un truc qu’ils n’avaient encore jamais vu jusque là. Un monstre, décidèrent-ils. Peut-être un monstre qui vivait dans les étoiles. Et ce monstre, il avait des gens à l’intérieur du ventre. Deux. Un petit et un très grand.
Ils hésitèrent à s’approcher plus. Les trucs qui tombaient du ciel, ce n’étaient pas de très bons présages.
Seulement, les gens, ils venaient de les voir. Le plus petit fit signe au plus grand et ils s’approchèrent d’eux. Ils firent même les bons signes de salut.
Le soulagement passa un peu dans les rangs. Au moins, c’était des gens civilisés.
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— Bon, au moins, ils connaissent le protocole, commenta Mo.
Elle s’avança vers eux, un sourire crispé sur le visage.
— Vous me comprenez ? demanda-t-elle.
Un murmure parcourut les rangs des autochtones.
— Est-ce que vous me… ?
— Ouais, ouais, on v’comprend.
Une femme d’un âge certain écarta la foule et s’avança vers eux. Elle détailla Mo de pied en cap, plissa les yeux. Mo, elle, essaya de ne pas la dévisager. Elle n’avait pas encore vraiment croisé de civilisation aussi jeune. Elle se demanda comment ils vivaient.
— Vous avez été implantés ? demanda-t-elle.
La femme fronça le nez, se passa une main dans la nuque.
— V’parlez d’ça ? Y’a un bail. Par d’comme vous.
— Je suis désolée si…
— C’tait p’les comprendre, z’ont dit.
Elle jeta un regard suspicieux par-dessus l’épaule de Mo.
— V’voulez quoi ?
— On a eu un souci, s’empressa de dire Mo.
Tant qu’ils étaient bien disposés, il fallait en profiter. La vieillarde ne répondit pas, elle attendait la suite.
— Notre… notre machine n’a pas assez de carburant pour rentrer. On a vu qu’il y en avait ici, chez vous. On en a besoin pour repartir.
Elle tourna le regard vers la présence silencieuse derrière elle. Puis, elle l’écarta pour montrer la navette.
— Vous pouvez nous aider ? demanda-t-elle. À faire repartir la machine ?
De nouveaux murmures parcoururent l’assemblée de curieux.
— On a pas d’vot karburan. On a pas d’machines qui volent.
— C’est…
Mo chercha ses mots.
— C’est comme une fumée, dit-elle. Une fumée verte. Qui sent mauvais. Ça vient de la terre.
— Pas d’fumée ici.
— Peut-être que vous n’êtes pas allés là où elle est. Parfois, elle reste sous terre.
La femme les regarda de nouveau, tour à tour. Puis, elle haussa les épaules.
— Cherchez, dit-elle.
Et tout le groupe se détourna d’un même mouvement pour partir. Mo inspira plus profondément. S’ils avaient décidé d’être hostiles avec eux, ils n’auraient vraiment pas été en état de se défendre. Les autres étaient très clairement en surnombre.
— Bien, dit-elle en se retournant. Maintenant, il faut qu’on…
Elle s’arrêta au milieu de sa phrase. Quelqu’un était en train de la tirer par la manche.
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Il avait regardé la Grande Ancienne parler aux étrangers. Elle était trop forte. Et les étrangers, ils répondaient avec des mots tout bizarres. Jamais encore, il n’en avait entendu de tels. En plus, ils avaient de drôles de têtes. La plus petite, elle avait la peau vachement foncée et pas de cheveux. Et l’autre, il était vraiment très grand avec plein de cheveux et une barbe orange sur presque tout le visage.
Il regarda son groupe avec la Grande Ancienne repartir. Et il se tourna vers les étrangers. En quelques pas, il les rejoignit. Mais il ne savait pas vraiment comment leur parler. Alors, il tira sur la manche de la plus petite.
Elle le regarda, avec attention.
— T’es qui, toi ? demanda-t-elle.
— Scorbut, répondit Scorbut.
Un silence suivit sa réponse. Il n’était pas sûr, mais il eut l’impression qu’elle ne s’était pas attendue à cette réponse. Pourtant, c’était classe comme nom.
— Pourquoi « Scorbut » ? demanda-t-elle.
Il se sentit soudain super important. Jamais personne ne lui posait des questions, là-bas, au village.
— C’ma mère qu’m’a appelé comme ça.
Il sourit au souvenir vague de la mère.
— Elle disait qu’j’étais aussi désiré qu’le scorbut par l’marins.
Il ne connaissait pas tous les mots de cette phrase qu’il avait retenue. Mais ils sonnaient bien. Sauf qu’ils ne provoquèrent pas la même réaction émerveillée chez les étrangers. Le grand très grand ne bougea pas d’un poil. Et la plus petite, haussa les sourcils.
— Elle m’aimait, m’mère, dit fièrement Scorbut.
— A n’en pas douter. Tu voulais quelque chose ?
Scorbut se balança d’un pied sur l’autre. Ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour dire qu’il voulait juste voir leur machine, là.
— J’sais où on en a, d’la fumée verte.
Ce n’était pas entièrement vrai, mais les deux étrangers, ils l’écoutèrent avec attention. Pas comme tous les autres au village.
— Où ? répondit la plus petite.
— Là-bas, dit-il en faisant un vague signe de la main.
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Mo tourna la tête vers l’endroit désigné par le gamin.
— C’est un précipice, dit-elle. Et derrière, tout ce qu’il y a, c’est la mer.
Elle le vit froncer les sourcils, réfléchir aussi vite qu’il le put. Elle poussa un soupir, s’en retourna à la machine pour tenter de mieux localiser ce qu’ils cherchaient.
— Et l’montagnes ? entendit-elle.
— Quoi, les montagnes ?
— Il peut y’en avoir dans l’montagnes.
— Oui, dit-elle d’un air pensif. J’imagine qu’il peut.
— On a plein d’montagnes. Là-bas.
Il pointait la direction opposée à la première cette fois. Mo tapota un peu sur l’écran mort de leur navette, avant de se résigner.
— Allons voir les montagnes, dit-elle.
"Au moins, on est quelque part" Ahah, ce genre d'ironie me convainc de suite. Tout comme l'humour noir de Scorbut vis-à-vis de son nom et de sa mère - on devine bien sûr la douleur derrière ces plaisanteries.
Beaucoup d'humour et de tendresse à la fois, dans ce début. Une plume alerte et théâtrale, pour des personnages déjà bien campés en l'espace de ce bref chapitre.
J'enchaîne avec plaisir ! :D
Voici un début de plein de promesses ! Par contre t'es horrible sur le prénom du gamin. C'est horrible. En fait ça me rappelle un passage dans les Pâtes Froides où derrière l'innocence enfantine se cache une seconde lecture adulte HORRIBLE.
Sinon je vois pas ce qui pourrait mal se passer... Bon okay, suivre un gamin, qui sait pas vraiment où aller... c'est pas forcément rassurant, mais ça peut aussi être le début d'un grand voyage ! Peut-être même qu'à la fin, ils trouveront un meilleur sens à leur existence...
Ou la mort vu que c'est toi l'autrice de cette histoire !
Sympa la narration avec les petites touches d'humour.
Petit coup de cœur pour le personnage de Scorbut, franchement rien que le nom fallait y penser xD
Je continue !
J'ai beaucoup apprécié ce petit premier paragraphe. Les personnages sont vites attachants et la façon de changer de point de vue fonctionne très bien.
Sur un des paragraphes, au début, j'ai eu un peu de mal à savoir qui était les différents "il" et "ils" mais sinon rien à redire. Bravo pour cette histoire qui semble pleine d'originalité
Les deux premiers paragraphes de cette histoire sont hyper accrocheurs. J'adore cette narration très rapide et pleine d'humour. Je trouve que ça a un petit côté Terry Pratchett ^^
Alala je suis toujours aussi fane de ton imagination XD
Scorbut quoi ! C'est moche xD Et il ne sait pas, c'est encore plus moche mdr !
J'aime bien le changement de point de vue comme ça, c'est sympa et très prenant du coup ^^
Des bisous :*
Je le sens bien, ce gars, gros potentiel XD
J'avoue avoir eu un peu de mal à suivre qui était qui, entre les habitants de la planète et les étrangers.
J'aime bien le ton utilisé et les dialogues. Et Scorbut bien sûr :)
J'aime beaucoup ce premier chapitre. Tes personnages marquent dès leur apparition, surtout Scorbut, par cette simple phrase "Elle disait qu’j’étais aussi désiré qu’le scorbut par l’marins." et surtout sa réaction à son propos.
Ça l'humanise à un point fou, et j'ai eu envie de le prendre sous mon aile.
Peut-être que c'est ce que vont faire Mo et son compagnon.
On va voir ce que va donner cette recherche de Karburan. Je doute que ça se passe tranquillement.
A bientôt pour la suite !
Mo, Scorbut, j'entends parler de ses personnages depuis un moment. Ca fait tout bizarre de les découvrir en vrai. Ta Mo est bien mieux que mon Mo, y a pas photo ! ;) Et Scorbut… comment dire… il m'a fait forte impression ? Oui, on va dire ça. Il m'a fait forte impression. Il y aurait des HO en cours, je crois que je le soumettrai dans la catégorie de meilleur personnage. Oui, rien qu'avec ce premier chapitre/épisodes.
D'ailleurs, c'est découpé en chapitres ou en épisodes ? En chapitrons, peut-être ? Bref, je me posais la question en passant.
L'alternance aussi dynamique de points de vue sur un écrit aussi court, ça me fascine. Parce qu'on ne reste pas sur sa faim. Les deux points de vue se complètement, par-dessus le marché.
Ta patte absurde, donc… Mon Dieu, cette patte !! :3 Entre la pointe d'ironie, Scorbut qui se moque de lui-même bien malgré lui, le côté relativisme de certains passages comme "bon au moins, ils sont civilisés" m'ont tué.
Enfin, je sens que Scorbut va faire tourner Mo et son collègue en bourrique en les baladant à droite, à gauche. Ca va être fun, je sens. Pour peu qu'il les entraine dans des coins moyennement sympathiques pour les touristes. Quelque chose me dit qu'ils ne sont pas prêts de le trouver ce karburan… !
A très vite pour la suite, grenouille ! :D
Les dialogues sont toujours aussi savoureux et j'ai l'impression d'entendre Brad Pitt dans Fight Club quand les bestioles parlent :p
Hahaha, je m'attendais pas à cette comparaison xD Faudra que tu m'expliques, je crois :P
Une vidéo vaut mieux qu'une explication :D
https://www.youtube.com/watch?v=usa9v2z8jzE
J'ai beaucoup aimé ce premier chapitre, il y a d'excellentes idées et les changements de points de vue sont très bien amenés. C'est intéressant d'avoir les différentes variations. J'aime aussi énormément la façon de parler de tes personnages, ils sont très sympa et il y a énormément de bonnes idées.
Je suis aussi très fan de ton style d'écriture qui est très, très fluide et se lit comme de la brioche (comparaisons bizarres du soir, bonsoir).
Bref, c'est un très bon début et j'ai hâte de découvrir la suite maintenant, je vais voir ça tout de suite !
Cool si t'as accroché à ce chapitre ! J'essaie tout doucement de me remettre dans l'absurde avec cette histoire, on va voir si je tiens sur la longueur :)
Ah non mais je prends la comparaison avec la brioche, eh !
Je crois que c'est ma première histoire burlesque, mais je ne suis pas déçue. Ça s'enchaîne bien, c'est drôle, et ça sent plein de bonnes choses. La seule chose que j'aurais à regretter pour ce premier chapitre c'est un manque de description, notamment pour le paysage. Je ne sais pas si c'est volontaire ou pas.
Je file commenter le second chapitre !
(Ah et tiens donc, mon correcteur a remplacé "fic" par "dictature"...)
Bref. De l'absurde sauce grenouille <3 et avec ce premier chapitre, j'ai été à la fois amusée et légèrement inquiète. Sans doute le fait d'être propulsée dans un univers de bestioles apparemment intergalactiques, l'air de rien, comme si je faisais partie de leur bande alors que pas du tout. Du coup j'ai l'impression de pouvoir me faire démasquer par ces trucs bizarres qui cherchent de la terre verre qui pue. Je ne sais pas si c'est voulu de ta part, mais ça fonctionne !
A très vite pour le 2e chapitre !
Liné
C'est tout à fait normal, le remplacement de fic par dictature. Je vois vraiment pas ce qui t'étonne...
Allons, t'aurais largement ta place parmi eux. Faut pas se dévaloriser comme ça, tu sais ♥ Je pense que t'es tout à fait apte à aller fouiller pour trouver un gaz vert qui schlingue :*
A bientôt !
Y a pas, ça fonctionne, alors c'est parti vers l'montagnes !
Chouette si t'as accroché, je tente un peu un retours à mes amours premières avec un peu de burlesque x)
Merci d'avoir lu !
Un vrai plaisir à lire, tout s'enchaîne parfaitement tout en conservant énormément de mystères, j'ai hâte de découvrir la suite ^^