Ce matin, je me suis assise à ma fenêtre, ma tasse fumante à la main. Le givre avait déjà embué la fenêtre et fait de délicates strates dentelées à ses jointures. J'ai donné une petite impulsion à mon fauteuil à bascule et ai soufflé sur la vitre pour faire partir le nuage trouble qui entravait ma vue.
À travers le petit rond qui me permettait de voir au dehors, tout était blanc. Un hiver sans faille faisait tomber ses flocons tels de petits morceaux de coton givrés.
Comme à mon habitude, je scrutais le trottoir pensivement. Une mère poussait sa poussette, et la cour de récréation d'en face était animée d'enfants tout excités par la neige. Le vieil Alphonse revenait de la boulangerie, les pas un peu ralenti par l'épaisse couche de glace qui recouvrait la chaussée. Ah, mon Alphonse ! Si tu ne m'avais pas oubliée peut être vivrait-on ensemble, à l'heure qu'il est... Moi je ne t'ai pas oublié. Tu es depuis toutes ces années jamais parti de mes pensées. Mon pauvre coeur n'a pas su en aimer un autre... Mais toi, te souviens tu ? Te souviens tu de ces années folles de notre jeunesse où nous allions faire du patin à glace sur le lac ?
Le lac gelé, derrière la maison de mes parents... Pendant les vacances, Alphonse venait souvent chez nous. On s'aimait, et il n'y avait pas de plus heureux bonheur pour nous que de passer du temps ensemble.
- Tu viens ? Habille toi chaudement !
- Où ça ? Me demanda Alphonse.
- Faire du patin au lac, il a gelé cette nuit !
J'étais toute excitée à l'idée de lui faire découvrir cet endroit magnifique. Et puis j'adorais faire du patin, j'étais fan d'Anna Hübler depuis ma plus petite enfance. Je l'ai pris par la main en sautillant. Il a souri puis je lui ai tendu une paire de patins qu'il a chaussés. Une fois parés, nous sommes sortis et avons marché jusqu'au lac. La forêt aux alentours avait revêtu son manteau blanc, c'était sublime. Le plan d'eau était tout recouvert d'une épaisse couche de gel qui laissait à peine deviner les roseaux pris dedans. Je me suis avancée et ai posé un pied sur la glace. Je me suis retournée pour inciter Al à me suivre, il me regardait d'un air amusé. Je me suis élancée sur la glace et ai commencé à tourner, faire des figures sous le regard de braise de mon amant. Il est venu me rejoindre et a pris mes mains dans les siennes. Nous avons patiné tels des professionnels, c'était extraordinaire. On aurait dit deux êtres passionnés dansant leur fusion amoureuse. Je glissais telle une flèche délicate fendant les airs, suivie de près par Al qui faisait mine de me poursuivre. Je riais aux éclats, nous nous amusions comme des fous. Je le fuyais et il me suivait, puis je faisais volte-face pour le courser à mon tour, mais il était chaque fois trop rapide pour moi.
Je n'aurais pour rien au monde voulu que cet après midi finisse...
J'étais épuisée mais nous continuions de tournoyer, et Al était tellement doué en figures que je me voyais déjà partenaire en patinage artistique avec lui. Moi j'étais encore un peu chancelante par moments, menaçant de me casser la margoulette si il n'était pas là pour me rattraper de justesse. J'adorais faire semblant de tomber pour finir dans ses bras. Je l'aimais tellement, Alphonse !
La fin d'après midi venait, la lumière du jour commençait à décliner... Après une petite pause nous sommes retournés patiner. Alphonse m'a entraînée vers une partie du lac où nous n'avions pas encore glissé.
- Hé, attends, tu es sûr que la glace est assez épaisse là-bas ?
- Mais oui ne t'inquiète pas, je suis là de toute façon, je te protégerai ma bien-aimée, me répondit-il dans un sourire irrésistible. Je n'ai pas su lui résister, je l'ai laissé me guider vers cette partie inconnue du lac.
- Tu vois, il n'y a rien à craindre, me dit-il en glissant. Rassurée et voyant qu'il n'y avait rien à craindre, je me suis élancée. La glace à cet endroit était encore plus glissante que là où nous étions avant. C'était parfait... Jusqu'au moment où la glace a cédé. Je suis tombée dans l'eau glacée. Mes poumons ont cessé de respirer, ma poitrine oppressée par le froid, au dessus de moi, la surface lumineuse et le trou par lequel j'étais tombée.
Je m'affolais et me débattais dans l'eau pour remonter à la surface mais mes muscles s'engourdissaient. J'allais mourir si Al n'avait pas plongé pour me ramener à la surface. Il nous a remontés à la surface, mes poumons se sont emplis d'air glacé qui a diffusé une grande douleur à mon coeur. Il m'a allongée sur la glace et j'ai craché de l'eau en toussant. Son visage penché sur moi était déformé par l'inquiétude.
- Adèle ! Adèle tu m'entends ?! Réponds moi je t'en supplie ! Me criait-il, complètement affolé.
- Ou, oui frrrrrr je... ça va, fit-je en claquant des dents. J'avais mal partout, je tremblais de tout mon être.
- Oooh je suis vraiment désolé, c'est ma faute je n'aurais pas dû t'emmener plus loin sur le lac c'était trop dangereux... Si tu savais combien je m'en veux, j'ai eu si peur de te perdre mon Adèle ! Les cheveux bruns d'Al plaqués sur son front dégoulinaient, il était trempé jusqu'aux os et chacun des mots qu'il prononçait laissaient un nuage de vapeur s'échapper de ses lèvres bleuies. Il claquait lui aussi des dents. Ne t'en fais pas, reprit-il, je vais te réchauffer, viens près de moi.
Nous sous sommes blottis l'un contre l'autre, frigorifiés. Malgré le fait que nous nous aimions, le seul geste le plus osé que nous ayons fait ensemble était de se prendre dans les bras ou de se tenir la main. Il a plongé son regard gris dans le mien et nous sommes restés là à nous regarder.
- J'ai eu si peur de te perdre, me répéta t-il en chuchotant.
Il m'a serrée fort et a approché ses lèvres des miennes, puis, sans prévenir, m'a embrassée tendrement. Mes joues ont rougi, se réchauffant soudainement. J'ai répondu à son baiser.
J'avais si froid, mais la douleur n'était rien, à côté de la chaleur que m'apportait ce baiser. Je ne regrettais pas d'être tombée à l'eau.
Notre étreinte a duré une éternité. J'étais si bien avec lui, la chaleur de son corps contre le mien me réchauffait. La nuit tombait, nous sommes rentrés à la maison pour nous sécher. Ma mère nous a préparé un chocolat chaud que nous avons bu sans un mot, un peu gênés par notre soudain rapprochement. Le lendemain, nous avons dû rester la journée au lit car nous avions attrapé froid. Je me souviens encore de nos mains entrelacées entre nos deux lits, et de nos regards passionnés rivés l'un sur l'autre. Alphonse, mon Alphonse, comment pourrais-je t'oublier ?
C'est vraiment très doux ce que tu nous proposes là, vraiment. C'est une vieille dame à laquelle on s'attache et que l'on a envie de mieux connaître. Juste un petit détail : dans le chapitre avec la valise de son frère, il y a des soucis de concordance des temps à des endroits ;) si bien que je me retrouvais un petit peu perdu
J'espère quand même qu'Alphonse finira par se souvenir d'elle, ça me fait de la peine de lire un souvenir aussi romantique qui aboutit à ça haha
C'est très probable en effet, qu'il y ait de erreurs de concordance de temps dans le chapitre des valises, j'ai vraiment galéré et même avec quelques corrections c'est pas encore tout à fait ça, mais merci pour ta remarque je vais voir ce que je peux faire ^^
Je t'avoue que je n'ai pas encore la suite en tête avec Constance-Adèle et Alphonse, donc... Je verrai bien ce que l'inspiration nous réserve ;)
Merci à toi pour ton passage et ton com !
Au plaisir de te lire,
Fy
J'adoooore la fin, le début qui est très poétique... En fait te lire est très reposant.
(Bon, je suis un peu insistante avec ça, excuse-moi, mais j'aurais inversé les rôles pour une fois. Haha, c'est toujours l'amant qui va repêcher son amante ; pourquoi ne pas tenter... le contraire ?)
En tout cas, j'ai hâte de lire une nouveau chapitre de Constance-Adèle (j'ai remarqué qu'Alphonse a une petite préférence pour Adèle, au passage ;-) !
PS : Veux-tu que je pointe les répétitions que j'ai trouvées (ça ne m'a moins dérangée dans ce texte, mais je peux te les retrouver quand même) ?
Rhalala va falloir que je fasse quelque chose pour ces tirets, décidément on a pas encore fait la paix x)
C'est vrai qu'inverser les roles aurait été pas mal, mais qu'aurait fait Constance-Adèle ? Je voulais, en la faisant tomber, faire en sorte de bien montrer qu'Alphonse est son sauveur et qu'elle le chérit profondément ; pour la suite ;p
Tu as l’œil ! Il l'appelle Adèle tout simplement car prononcer tout le prénom est un chouilla trop long =)
Comme elle elle l'appelle Al :)
Je suis preneuse pour le repérage de répétitions, parque même en tentant de prendre du recul, elle m'échappent les fripouilles xD
Merci beaucoup pour ton com'
À très bientôt ;)
Fy