Le Paquebot

Par CelCis

Le soleil d’automne, anormalement chaud pour la saison, s’épanouissait dans le ciel tel un chat sur un édredon. Aux yeux de Gaëlle cependant, l’atmosphère était lourde du poids de la discussion et d’un petit sentiment de persécution. Sortie peu après son frère, elle s’était arrêtée devant la porte du café, trop occupée à ruminer que pour décider d’une direction.

Comment avait-il osé?

Elle était piquée au vif. Son frère avait retourné la charge contre elle alors qu’elle cherchait juste à l’aider. Elle allait bien. C’était lui qui était sur le point de faire une erreur monumentale. Abandonner son travail, laisser son appartement à des inconnus, partir…

La seule idée qui lui vint en tête fut de téléphoner à Sophie. Sa meilleure amie aurait certainement les mots et les jurons nécessaires pour l’apaiser. Gaëlle fouilla dans son sac à la recherche de son téléphone, mais ne l’y trouva pas. Elle l’avait probablement oublié sur sa table de cuisine.

Et zut, se dit-elle.

Quelques instants plus tôt, à une centaine de mètres de là, un jeune - qui avait déjà pressenti que ce n’était pas sa journée mais pas encore à quel point - avait saisi une trottinette électrique qui traînait à terre. Il avait bien pensé aller à pied jusqu’au magasin, mais il était monstrueusement en retard.

Il conduisait sur le trottoir tout en pensant à la justification qu’il allait pouvoir donner à sa patronne. La veille, il avait avoué que son réveil ne s’était pas allumé. Sa mère lui avait martelé durant toute son enfance que l’honnêteté payait (et que « limaçon aventureux, le temps sera pluvieux », mais son utilité lui échappait encore). Sa mère n’avait jamais vu sa patronne, pensa-t-il. S’il répétait la même excuse aujourd’hui, il doutait que l’honnêteté remplirait son frigo. Et il ne pouvait absolument pas se permettre de perdre ce travail.

Gaëlle venait de lever le nez de son sac lorsqu’il déboula au coin de la rue. Perdu dans ses pensées, il l’aperçut trop tard pour réagir et la percuta de plein fouet. Gaëlle sembla tenir debout un instant dans le vide, l’air surpris, avant de s’affaisser sur le sol.

Après un instant de choc, le jeune homme sauta de sa trottinette et se rua vers Gaëlle. Une autre passante ayant réagi plus rapidement était déjà accroupie à ses côtés. Gaëlle gisait sur le trottoir, inanimée.

La dame se mit à lui parler doucement.

—Mademoiselle? Est-ce que vous m’entendez? Mademoiselle?

N’obtenant aucune réponse, la dame demanda au barista de téléphoner aux secours.

Dans l’esprit de Gaëlle, tout était flou. Une trottinette, lui disait une petite voix dans sa tête. Avait-elle été heurtée par une trottinette? « Tombée… » Elle avait l’impression de tomber encore et encore. Une chute douce mais sans fin dans un grand trou noir. Puis il y eut un arrêt.

Gaëlle finit par ouvrir les yeux.

Elle vit plusieurs mines qui la surplombaient. Elles paraissaient inquiètes.

—Ça va… ne vous… inquiétez pas, réussit-elle à articuler d’une voix saccadée.

—Elle ne va pas bien, fit un homme.

—Elle n’a pas bonne mine en tout cas, dit une autre voix, féminine cette fois. Mais elle ne semble avoir aucune blessure ouverte.

—Je vous jure… que ça va.

Gaëlle tenta de se relever. L’effort fut moins pire que ce qu’elle avait craint. Elle tint facilement debout une fois sur ses deux pieds. Etonnement, sa tête n’était même pas douloureuse, juste un peu cotonneuse. Pour le même prix, elle aurait pu avoir un abonnement annuel à l’hôpital universitaire.

Elle fit quelques pas. Son corps semblait en état de marche. Rassurée, elle voulut remercier les gens et partir.

—Attendons les secours, dit la dame.

—Oui, renchérit un autre. Une commotion, ca peut arriver vite. Mon grand-père, par exemple, il s’est enfargé dans la laisse d’un chien quand il prenait une marche…Faut dire qu’il a un peu les deux pieds dans la même bottine…

Gaëlle ne comprenait pas un mot de ce qui se disait autour d’elle. Elle se demanda si c’était la chute qui l’avait amochée à ce point.

—Non, je me sens bien, vraiment, fit-elle pour couper court à la discussion. Ne vous inquiétez pas. Je vais y aller doucement. Merci pour votre aide.

Ne faisant pas attention aux avis plein de bon sens qu’ils continuaient à exprimer, Gaëlle se mit doucement en route.

Sur la rue principale, quelques personnes étaient sorties se balader pour jouir des rayons du soleil. Certaines arboraient des tenues légères tandis que d’autres se prenaient même à esquisser un sourire à un autre passant, défiant ouvertement les convenances urbaines.

Gaëlle passa à côté d’une pharmacie qui indiquait dix heures dix. Cela faisait donc à peine une demi-heure qu’elle avait vu son frère? Elle en fut surprise. Sa perte de conscience n’avait probablement duré que quelques secondes.

Un peu plus loin, une petite femme menue aux yeux vifs l’aborda.

—Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer où je peux trouver le Paquebot s’il vous plaît?

—Oui bien sûr. Vous continuez tout droit et ce sera un peu plus loin sur votre droite. Vous ne pouvez pas le rater. Il a une immense façade rose.

La femme la remercia avant de se mettre en route.

Le Paquebot.

Ce n’était pas une mauvaise idée, se dit Gaëlle. Là-bas elle pourrait se poser un peu sans déranger personne, le temps de reprendre des forces avant de rentrer chez elle.

Le Paquebot était un lieu iconique de la ville. Mi-librairie, mi-bibliothèque, il était niché dans un ancien palais de type néo-renaissance. Ce bâtiment de caractère avait été légué par une famille désargentée à la municipalité qui s’était retrouvée avec un jouet trop ruineux pour elle. Elle avait poussé un soupir de soulagement lorsqu’un frère et une soeur originaires de la ville avaient proposé d’en faire ce lieu hybride rempli d’ouvrages accessibles à tout âge et à toutes les bourses. Une partie des livres seraient disponibles à l’achat, tandis que les éditions un peu racornies ou achetées en seconde main seraient accessibles à la location ou directement à la lecture dans le lieu. Ainsi, tout le monde y retrouverait son compte.

Bien sûr, il y avait eu des gens qui abhorraient les risques et qui pensaient que cette combinaison était vouée à l’échec sans l’existence de subsides. Des actionnaires, surtout. Ils pensaient que si les livres étaient disponibles tant à la vente qu’à la location, cette dernière prévaudrait et cet énorme paquebot à peine lancé à la conquête du marché sombrerait aussi sûrement que l’action Lehman Brothers au lendemain de la crise des subprimes. Ces craintes firent sourire les fondateurs. Par dérision, ils en avait tiré le nom de leur projet: le Paquebot était né.

Mais on le sait (ou pas, souvent à ses dépends), l’existence est une coquine qui ne se présente jamais là où on lui a donné rendez-vous. Le projet ne coula pas. Ce fut même exactement l’inverse. Les fondateurs avaient fait confiance aux gens qui, à leur tour, firent confiance au lieu. Un nombre suffisant de clients préféraient avoir leurs livres à résidence plutôt que de les louer. Puis l’éclectisme du lieu - un étrange mélange, vraiment, lorsqu’on s’y attardait - avec ses salles plus originales les unes que les autres et ses lieux de restauration à différents étages faisait son fond de commerce. En matière de sections, il y en avait pour tous les goûts : de la littérature adulte et jeunesse jusqu’à la cuisine en passant entre autres par l’histoire, les voyages et les sciences, chacune ayant son caractère. Des sections auxquelles se rajoutaient deux restaurants pour combler les appétits que les tasses de café et petits biscuits renouvelés régulièrement dans chacune des salles ne pouvaient satisfaire.

Au final, le Paquebot portait bien son nom: sa taille impressionnante pouvait accommoder des foules. D’ailleurs il désemplissait rarement. Ses fauteuils attiraient les chalands aussi sûrement que le chant des sirènes un jour où les boules Quies sont en rupture de stock.

Gaëlle atteignit la façade vieux rose du Paquebot, avec ses grandes fenêtres plein cintre et leurs colonnes écrues, chapeauté par un fronton sur lequel trônait une horloge. Depuis qu’elle la connaissait, pas une seule fois elle ne l’avait vue à l’heure. Gaëlle passa la porte et fut, comme à chaque fois, surprise par l’endroit. Elle le connaissait depuis l’année de son ouverture, mais elle était toujours frappée par son immensité et sa beauté. Ses yeux furent attirés par la majestueuse verrière d’époque au-dessus de sa tête qui déversait des flots de lumière sur les trois étages du bâtiment. Un soleil éclatant était dessiné en son centre, entouré du bleu clair du ciel et, sur le pourtour de la verrière, du vert de l’herbe tendre. C’était un peu kitsch, à vrai dire. Le verrier avait probablement été pris d’une envolée lyrique lorsqu’il l’avait conçue. Ou à court d’inspiration, il s’était rabattu sur un modèle basique mais de bon goût pour l’époque. Il fallait reconnaître qu’avec la lumière traversant également les hautes vitres situées à chacun des étages, le Paquebot semblait flotter dans les airs.

Tout autour de Gaëlle, des gens flânaient à la recherche d’une nouvelle lecture ou juste par curiosité. Les tables de l’accueil présentaient les best-sellers sélectionnés par les employés et les clients. Des petits mots écrits parfois maladroitement à la main expliquaient la raison de ces choix. De hautes étagères en bois remplies de livres recouvraient les murs du hall d’entrée jusqu’aux moulures du plafond et donnaient à la salle un aspect chaleureux, presque familial, du moins si vous aviez grandi avec une nourrice et une flopée de domestiques.

Gaëlle jeta un oeil à gauche, vers le restaurant avec ses divers buffets self-service et ses tables, mais s’y asseoir ne la tentait pas. Elle se dirigea vers l’allée principale, face à l’entrée, qui permettait d’accéder aux différentes sections et, au bout, aux étages du Paquebot. Elle avait à peine abordé l’allée centrale qu’elle s’arrêta.

Elle était arrivée à la section Droit. Celle-ci consistait en deux longues tables à la gauche même de l’allée et en plusieurs étagères situées le long du mur. Pourquoi cette section était-elle située en pleine allée centrale, sans une salle dédiée - même minuscule, sombre ou irrespirable - et quasiment à l’entrée du Paquebot, Gaëlle n’en avait aucune idée. Certains avaient émis l’hypothèse que les fondateurs l’avaient tout simplement oubliée sur les plans et avaient choisi de justesse le seul endroit encore disponible. Comme pour se faire pardonner, ils avaient mis du temps pour trouver les ouvrages les plus rébarbatifs et les tomes les plus pesants pour le plus grand bonheur des juristes et avocats comme Gaëlle. Ce lieu était devenu son sanctuaire, comme l’avait été la bibliothèque de droit à l’université et sa bibliothèque de quartier.

Lorsqu’elle approcha de la section remplies de codes et autres livres de jurisprudence, elle sentit sa tête vaciller. Elle se retint à la table.

Tout d’un coup, son esprit fut ailleurs. Elle marchait le long d’un petit chemin bordé de pelouse qui descendait avant de remonter légèrement, le tout sous un soleil encore timide. L’effet aurait pu être champêtre s’il n’y avait eu un flot de gens marchant dans l’autre sens, silencieusement, regardant devant eux sans lui porter la moindre attention. Elle remarqua alors qu’elle était seule à se diriger dans sa direction.

L’effet ne dura qu’un instant, et Gaëlle fut vite de retour au Paquebot.

Ouh, tout doux, se dit-elle.

Sa chute avait peut-être été plus rude qu’elle ne l’avait cru. Elle devait s’asseoir. Mais l’allée centrale était bien un des seuls endroits de tout le Paquebot à ne pas offrir de sièges. Le regard de Gaëlle se tourna vers la discrète porte en bois du salon anglais qui était nichée entre deux étagères de Droit. Calme et fermé du monde : l’endroit serait parfait. Elle tira la porte et entra.

La salle paraissait sombre au premier abord. Le plafonnier en cristal était éteint et il n’y avait que deux hautes fenêtres à meneaux encadrées par de lourdes tentures rouges pour apporter un filet de lumière dans le fond de la salle. Pour ajouter à l’obscurité ambiante, des lambris recouvraient la première moitié des murs, tandis que la seconde moitié était remplie de peintures de paysages rupestres, de portraits à la flamande et autres cartes anciennes qui se laissaient à peine deviner. Heureusement, quelques abats-jour disposés aux quatre coins de la pièce projetaient une lumière chaude sur leurs alentours: des fauteuils en cuir bruns, guéridons et tables basses qui étaient élégamment disposés sur un épais tapis persan rouge et bleu aux motifs floraux.

La salle avait son charme. Elle ressemblait à s’y méprendre à un ancien club anglais, d’où le nom que les clients lui avaient donné. La première fois qu’elle y était entrée, Gaëlle s’était attendue à voir des gentlemen à vestes à grandes basques et gilets brodés sortir du néant et discuter, les mains derrière le dos, des dernières découvertes en matière de cartographie ou s’extasier sur les nouvelles expéditions scientifiques. Tandis que d’autres seraient assis, jambes croisées, à parcourir le journal du jour. Puis elle avait réalisé que si cela avait été vrai, elle n’aurait jamais pu en être témoin. Ce type de salon était allergique à son sexe.

Aujourd’hui, il n’y avait qu’une poignée d’hommes et de femmes assis, penchés sur leur ouvrage ou les yeux dans le vague, une tasse à la main et un livre déposé sur le guéridon.

Gaëlle s’affala dans un fauteuil et se mit à observer le feu ouvert en marbre qui trônait, majestueux mais inutile, en face de l’entrée. Elle réfléchit aux images qui lui étaient venues, quelques instants plus tôt. Elle revit le petit chemin. Où avait-elle vu à la fois un petit chemin et du monde? Etait-ce sur un campus universitaire? Vers où se dirigeait-elle? Elle se creusa les méninges mais rien ne lui vint.

Elle tenta de reposer son esprit en observant à la dérobée ses voisins. En face d’elle, une dame au chignon doré-roux (Gaëlle n’aurait pu le dire avec certitude, vu l’éclairage diffus) avait le nez plongé dans son ouvrage. Elle paraissait si concentrée que Gaëlle en vint à douter qu’elle ne bouge en cas d’alarme. À côté d’elle, un monsieur d’une soixantaine d’années en costume trois pièces gris sombre dégustait sa boisson chaude avec délectation, dos contre le fauteuil et jambes allongée, tenant avec soin sa tasse et son petit doigt levé.

Un serveur ouvrit la porte de la salle et entra avec un plateau rempli de coupelles garnies de gingembres confits. Il en déposa une sur chacune des tables basses. Le voisin d’en face s’empressa de s’emparer d’un gingembre, l’enfournât avec rapidité dans sa bouche puis en prit un autre. Quelques instants plus tard, il s’aperçut avec étonnement que la coupelle était vide. La dame n’avait pas bougé d’un pouce.

Gaëlle détourna le regard.

Les paroles de son frère lui revinrent en tête.

« N’as-tu jamais voulu autre chose? »

« Il est peut-être temps que tu apprennes à vivre. »

Apprendre à vivre. Et que faisait-elle depuis tout ce temps? Elle avait appris à vivre, justement. Gaëlle pesta contre elle-même. Elle aurait dû lui répondre mieux que cela. Pourquoi réagissait-elle aussi tard? Si seulement elle avait la répartie aussi facile dans la vie qu’au tribunal… Gaëlle s’imagina en face de son frère, au café. Mais cette fois-ci, elle était en charge du dialogue.

Atmosphère tamisée, focus sur les protagonistes.

—Il est peut-être temps que tu apprennes à vivre, dirait Laurent.

—Que crois-tu que j’ai fait toutes ces années? J’ai réussi à mener ma vie là où je le voulais. Je me suis relevée quand on a tout perdu, j’ai pris les problèmes-à-bras le corps, j’ai fait des études…

Gaëlle réfléchit un court instant. Non, il fallait que ce soit plus incisif.

Elle reprit mentalement:

—J’ai réussi à mener ma vie là où je voulais. Un (Gaëlle hésita, ne devrait-elle pas dire UN de manière plus tranchante?), je ne me suis pas écroulée quand on a fait face aux difficultés dans la famille; au contraire, j’ai pris les choses en main. Deux, j’ai mené à bien mes études. Trois, j’ai trouvé un travail qui me plaît.

Ses doutes concernant sa promotion lui revirent comme une araignée trottant au plafond. Peut-être pas parler de plaisir, mais parler d’un travail qui fait sens, pensa-t-elle. Oui, c’était mieux comme ca.

Gaëlle se sentit l’esprit satisfait.

— Et toi? demanderait-elle à Laurent.

Elle le regarderait au fond des yeux, perçant toutes ses défenses.

—... (Son frère resterait muet.)

—J’aurais pu tout lâcher, abandonner face aux difficultés. Je ne l’ai pas fait. J’ai tout pris en charge, toi compris.

—… (Laurent, assommé par tant de vérités et sa petite, si petite compréhension du monde).

—C’est bien ce que je pensais, finirait-elle de dire.

Gaëlle se rengorgea de ses réparties parfaites. Pas besoin d’un acte 2. Face à cela, Laurent ne pourrait rien dire, bien entendu. Il comprendrait combien elle avait raison, combien elle s’était sacrifiée - un sacrifice vivant, oui, une vraie Jeanne d’Arc, la virginité en moins. Combien il devait s’incliner devant elle.

En même temps, elle ne put s’empêcher de revoir l’air attristé de son frère. Il avait l’air déçu de son absence de soutien. La dernière chose qu’elle voulait, c’était être à l’origine de sa déception. Devait-elle vraiment le mettre en garde contre son départ? Ne pouvait-elle pas juste le laisser faire? Elle devait prendre soin de lui, mais à quel coût? Gaëlle se sentit tout à coup très inconfortable.

Un bruit sourd la sortit de ses pensées.

Elle considéra la position incongrue de son voisin. Il était penché sur le guéridon de la dame au chignon avec un air de gamin pris la main dans le sac. Il avait essayé de récupérer les gingembres confits de sa voisine et, ce faisant, avait fait tomber la coupelle sur le tapis. Autant pour le sérieux costume trois pièces, se dit Gaëlle. Le tout avait fait plus de bruit que de mal. La coupelle était entière, mais les gingembres avaient disparu sous les fauteuils et dans les ombres du tapis. Comme prédit, la dame n’avait pas levé les yeux de son livre.

De retour sur terre, Gaëlle eut un peu honte. Elle devait absolument arrêter de faire des procès imaginaires. Mais cette salle avec son atmosphère paisible ne l’aidait pas. Par chance, elle se sentait déjà mieux. Elle semblait remise de sa chute de tension. Elle décida donc de ressortir.

Gaëlle referma doucement la porte, laissant la dame et les autres dans leurs mondes. Puis elle se dirigea à nouveau vers la table des codes et des ouvrages juridiques. Elle ne connaissait rien de mieux qu’un manuel juridique ou un recueil de jurisprudence pour penser à autre chose. Le monde des cadres juridiques était ordonné, complexe mais compréhensible à qui en faisait l’effort. Ils traçaient un chemin régulier, droit, fait de règles, basé sur des valeurs morales. Quand tout devenait compliqué, c’était un endroit où il faisait bon vivre.

Son regard tomba sur une brique d’éthique médicale et de déontologie. Exactement ce qu’il lui fallait. Elle caressa cette couverture cartonnée qui donnait l’impression de rectitude, de solidité. De sérieux aussi, car elle avait toujours été persuadée qu’on pouvait juger un livre à sa couverture. Elle l’ouvrit délicatement et regarda la table des matières.

Gaëlle était plongée dans sa lecture lorsqu’elle sentit un léger coup sur son tibia.

Elle leva les yeux et ne vit personne. Ce n’était probablement rien. Elle se replongea dans son livre.

Puis elle reçut un deuxième coup.

Gaëlle baissa les yeux et aperçut un bout de pied dépasser de sous la table. Il ne paraissait pas bien grand. Gaëlle referma le livre et se pencha pour regarder. Elle vit une petite fille se balader à quatre pattes, nullement gênée.

—Que fais-tu là? demanda Gaëlle.

—Je cherche mon dragon, répondit la petite, sans même jeter un oeil à Gaëlle.

—Sais-tu que tu m’as frappée du pied?

Cette fois, la petite se retourna et la regarda.

—Oh, je suis désolée. Je cherche mon dragon. Je sais plus où il est.

L’air penaud de la petite ainsi que ses excuses provoquèrent un adoucissement chez Gaëlle qui estima que cela équivalait réparation.

—Bonne recherche, alors.

Rassérénée, Gaëlle se releva et se remit à jauger les livres qui se déployaient devant elle tel un merveilleux sept services dans un restaurant gastronomique. Son coeur se réchauffa. La pensée qu’elle ait choisi ses études pour passer son temps dans les livres lui était passé par l’esprit. Elle savait néanmoins que ce n’en était pas la raison. Pas principale en tout cas. Mais c’était un aspect on ne peut plus appréciable. Après un rapide tour de table, elle finit par retourner au livre qu’elle avait délaissé et commença à lire l’introduction.

Sur ces entrefaites, elle sentit une présence à sa droite. Elle releva les yeux et vit la petite, debout, qui regardait fixement le livre qu’elle avait en main.

L’enfant ressemblait à un diable sorti de sa boite. Petite, une masse de cheveux bruns qui témoignait d’une fuite réussie face à l’épreuve du peigne, elle portait une robe d’un bleu délavé, des collants élimés au niveau des genoux et des baskets roses à paillettes. Elle tenait, ou plutôt traînait, une peluche à la main. Elle devait avoir six-sept ans. Gaëlle n’en était pas certaine, ses talents ne s’étendaient pas à ce domaine.

—C’est quoi? demanda la fillette.

Gaëlle soupira. Elle aurait tellement voulu du calme. C’était à croire qu’il existait une chose telle qu’un malheur éclaireur. Dès qu’il avait ouvert le chemin, il faisait signe à une flopée d’autres malheurs opportunistes qui se mettaient à marcher joyeusement à la queue leu leu, tous prêts à vous pourrir la vie.

—C’est un livre d’éthique et de déontologie, répondit froidement Gaëlle, espérant que l’aridité de l’explication et de son ton suffiraient à l’éloigner.

Ce qui n’eut, évidemment, aucun effet. La fillette n’en prit absolument aucun ombrage et continua la discussion.

—Ca a l’air embêtant, trancha-t-elle.

Son regard se posa sur les autres livres. Elle indiqua une couverture du doigt.

—Celui-ci est plus beau, dit-elle en montrant une couverture illustrant un front de mer.

Pas très approprié pour du droit, pensa Gaëlle, avant de lire le titre. Un livre de droit comparé des entreprises. Elle eut une réaction de répulsion involontaire. Un autre livre de couleur orange criarde était posé à ses côtés. Il y était mentionné ‘droit immobilier’. Gaëlle eut une grimace de dégoût. À l’époque de ses études, elle avait dû suivre ces deux cours. Mais elle avait indiqué sa désapprobation de la manière la plus flagrante pour elle: elle s’était assise au dernier rang. Elle reconnaissait qu’elle n’avait jamais été très douée dans le passage de la théorie à la pratique en matière de rébellion.

La petite fille avait déjà saisi le livre et l’ouvrit largement, faisant grincer la reliure et les dents de Gaëlle par la même occasion.

—As-tu trouvé ton dragon? tenta Gaëlle pour la distraire.

—Non, répondit-elle placidement.

—Ne devrais-tu pas le chercher?

—Oh non, il a dû partir ailleurs.

Partir ailleurs? Gaëlle fronça les sourcils mais décida de ne pas s’attarder sur le sujet. Elle ne voulait surtout pas donner une raison à la gosse de rester à ses côtés.

—Et tes parents, ne vont-ils pas être inquiets de ne pas te voir?

Gaëlle avait lancé sa phrase de manière tout à fait ingénue, tout en espérant secrètement que cela suffise à la faire disparaître. Elle savait que ce n’était pas très honorable de vouloir se débarrasser de cette môme. Peut-être s’ennuyait-elle terriblement, à devoir s’amuser seule dans le Paquebot. Mais Gaëlle n’était vraiment pas de bonne composition, surtout maintenant. Tout ce qu’elle désirait était juste un peu de calme.

—Non, répondit platement la fillette, tout affairée à maltraiter le livre. Ma maman sait que je suis ici.

Les espoirs de Gaëlle s’envolèrent. La fillette, elle, était en train de récolter d’autres ouvrages et s’approchait un peu trop près des livres repérés par Gaëlle. Cette dernière imaginait déjà la santé en péril. Elle regarda autour d’elle, mais aucun membre du personnel n’était présent pour intervenir. Si la fillette continuait comme ça, le plus grand bazar du monde ressemblerait à un arrangement feng shui en comparaison. Gaëlle rattrapa un espoir qui n’avait pas encore décollé à la suite des autres.

—Et si ta maman était déjà à la caisse?   

Le nez de la fillette commença à couler. Elle le frotta de sa main, puis reprit un livre. Gaëlle eut un haut-le-coeur.

—À la caisse? Non, elle reste ici.

Ah, sa mère travaillait donc ici. Les épaules de Gaëlle firent quelque chose qu’elles faisaient rarement: elles s’affaissèrent. Elle devait en tirer la seule conclusion possible, qui était au moins aussi rare que l’affaissement de ses larges épaules. Elle était à court d’arguments. Pour la rhétoricienne qu’elle était, ce n’était pas peu dire.

—De toute façon, je dois y aller, dit-elle avec une voix qui aurait voulu être détachée mais qui sonnait comme le gong de la défaite.

Gaëlle était dépitée. En toute honnêteté, elle ne voulait pas du tout partir. Elle désirait rester là, à toucher le velouté des livres, à lire les quatrième de couverture, à observer l’agencement des ouvrages, humer cette odeur de papier neuf un peu chloré ou ayant déjà vécu. Non, c’était décidément la dernière chose qu’elle avait envie de faire. Mais à y réfléchir, elle désirait encore moins s’opposer à la fillette et risquer une crise de larmes. La seule option était une fuite en bonne et due forme avant d’être témoin de la lente torture faite aux livres.

Elle profita donc de l’inattention de la petite fille, occupée à bâtir une tour de Babel à l’équilibre plus qu’instable, pour s’éclipser. Elle ne voulait pas entendre les livres crier une fois que la petite fille lâcherait son oeuvre.

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Adela Rune
Posté le 03/07/2023
Salut,

C'est intéressant de découvrir le Paquebot. Tes descriptions m'ont emmenée dans des lieus atypiques et baroques. Le passage de retour en arrière sur la conversation avec son frère m'a fait sourire, je suis pareille. L'échange avec la petite fille est intriguant aussi. J'ai l'impression que tu pauses des éléments importants pour la suite, comme ça, l'air de rien. J'ai mieux bien compris le passage de la chute. Déjà dès que tu changes de point de vue en écrivant : "Quelques instants plus tôt, à une centaine de mètres de là", je me suis dit : ils vont se rentrer dedans ses deux-là. Ensuite, ils ne se rencontrent pas finalement, donc je ne vois pas comment ils vont se reconnaître ensuite... où alors il s'est passé un truc à cause de ce coup à la tête ?

J'adore toujours autant certaines de tes expressions.
Enfargé, je ne connaissais pas, et pour cause : c'est canadien. Serais-tu canadienne ?
J'ai noté :
- esquisser un sourire à un autre passant (aux autres passants plutôt ? Sinon, ils choisissent tous de sourire au même...)
- Tout le monde y retrouverait son compte (pourquoi retrouverait ? trouverait ?)
-Se sentit tout à coup très inconfortable. (C'est un anglicisme, en français ça signifie que Gaëlle n'est pas très confortable... en tant que chaise par exemple. En français de France on utilise plutôt mal à l'aise, mais au Canada je parie que ça se dit)

Merci pour ce chapitre et cette lecture.
A bientôt
CelCis
Posté le 14/07/2023
Coucou Adela,

Merci de ton retour par ici et pour tes réflexions!

Je ne suis pas canadienne, mais j'adore le québécois. Ca me fait sourire rien qu'à l'entendre. J'ai donc demandé à une de mes amies québécoises de "traduire" une phrase pour mon roman. Et j'ai adoré.

C'est quasiment pareil pour inconfortable! Je pense qu'en Belgique (d'où je suis originaire) on parle d'inconfortable dans ce sens-là. Mais c'est toujours bon de savoir comment ça se dit ailleurs. Il semblerait que le Paquebot soit rempli d'expressions françaises, belges, québécoises... Il me reste à trouver une suisse ! :P

Concernant le jeune homme à la trottinette et Gaëlle, en effet, ils ne se rencontrent pas ici. Ils se heurtent seulement l'un à l'autre. Mais je n'en dirai pas plus ;)

À tout bientôt!
maanu
Posté le 31/05/2023
Salut !
Très belle couverture, elle donne envie de cliquer :) D'autant plus qu'au premier abord on ne comprend pas bien le lien entre l'image et le titre : très intriguant !
Je trouve que tu arrives très bien à restituer les atmosphères, que ce soit celle du petit café et de la rue dans le chapitre 1, où ici celle du Paquebot (chouette nom, d’ailleurs ;) ). Les descriptions sont longues, surtout pour la bibliothèque, mais au moins comme ça on est vraiment plongé dans le décor
Tu as fait un choix de narration très intéressant, avec les points de vue des différents persos qui s’entrecroisent. Ca doit être dur à faire, mais le résultat est assez fluide pour qu’on navigue bien d’un personnage à l’autre sans s’y perdre (même si j’avoue que dans le premier chapitre, ça m’a un peu déroutée de passer alternativement du ressenti de Gaëlle à celui de son frère, ça avait l’air moins « fait exprès » qu’ici entre Gaëlle et le chauffard à trottinette, mais c’est peut-être juste que je n’étais pas encore habituée à ce type de narration ;) )
J’aime beaucoup aussi l’humour que tu mets dans tes chapitres (« et que « limaçon aventureux, le temps sera pluvieux », mais son utilité lui échappait encore », pour ne citer qu’un exemple parmi beaucoup d’autre ;) Ca rend la lecture encore plus facile et légère :)
Et la relation agacement/mignonnerie qui commence à s’installer dans ce chapitre entre Gaëlle et la petite fille (et la façon dont tu la décrit dans ton résumé) donne très envie de lire la suite ! :)
CelCis
Posté le 01/06/2023
Coucou Maanu,

Un tout grand merci pour ton passage par ici et pour ton message!

Ahh chouette pour la couverture, surtout que je venais de la changer et que je me demandais quel effet elle aurait ;) (*éponge les gouttes de sueur* :P)

Pour la narration, j'avoue que c'est une question qui me turlupine un peu. Il se pourrait que je la change, parce que ce n'est pas toujours très compréhensible, par ex pour le premier chapitre. Ca pourrait être plus clair avec une narration uniquement interne à Gaëlle.

Contente que les traits d'humour te parlent :D Je suis d'accord avec toi, ça rajoute de légèreté, parfois un brin de distance quand les sujets sont un peu plus lourds.

À tout bientôt!
Dzêtagon
Posté le 01/04/2023
Bonjour :)

Très contente de retrouver Gaëlle après sa dispute avec son frère. J’étais également impatiente à l’idée de découvrir le Paquebot. Et je dois dire que c’est une entrée en matière tout à fait délectable :). Voyons ceci avec quelques exemples.

Quelques instants plus tôt, à une centaine de mètres de là, un jeune - qui avait déjà pressenti que ce n’était pas sa journée mais pas encore à quel point
→ Assez cool d’avoir le point de vue de ce personnage bref mais important pour déclencher l’événement :). Limite tu pourrais même lui donner un nom.

Gaëlle sembla tenir debout un instant dans le vide, l’air surpris, avant de s’affaisser sur le sol.
→ L’effet fait un peu rigide, j’ai l’impression. Comme si quelqu’un la soulevait de terre, verticalement, avant de la lâcher, alors que le mouvement va plus vers le côté, est plus fluide quand on se prend un choc de ce genre. Je ne sais pas si je suis claire ^^’’.
→ Gaëlle fut un instant projetée dans les airs, l’air surpris, avant de retomber sur le sol. (c’est un exemple, je pense qu’on peut trouver mieux ahah, mais ça traduit un peu le mouvement que j’imagine plus)

—Oui, renchérit un autre. Une commotion, ca peut arriver vite. Mon grand-père, par exemple, il s’est enfargé dans la laisse d’un chien quand il prenait une marche…
→ ça
→ tu viens de m’apprendre le mot « enfarger » ^^

Certaines arboraient des tenues légères tandis que d’autres se prenaient même à esquisser un sourire à un autre passant, défiant ouvertement les convenances urbaines.
→ J’aime beaucoup ahah, sourire, quelle outrecuidance

—Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer où je peux trouver le Paquebot s’il vous plait?
→ s’il vous plaît

Puis l’éclectisme du lieu - un étrange mélange, vraiment, lorsqu’on s’y attardait - avec ses salles plus originales les unes que les autres et ses lieux de restauration à différents étages faisait son fond de commerce.
→ Des livres et du manger, que demander de plus?

Ses fauteuils attiraient les chalands aussi sûrement que le chant des sirènes un jour où les boules Quiès sont en rupture de stock.
→ Quies

Il fallait reconnaître qu’avec la lumière traversant également les hautes vitres situées à chacun des étages, le Paquebot semblait flotter dans les airs.
→ L’entière description du Paquebot est vraiment très belle. Le bâtiment, comme tu le dis, semble flotter dans les airs, donne cette impression d’être irréel, de voguer à travers la ville. On s’y sent tout de suite bien. On s’imagine parfaitement trouver ce que l’on cherche, que ce soit du calme, de l’aventure, de l’évasion, des rencontres… Un havre de paix (enfin, pas pour tout le monde, on le verra ^^).

Comme pour se faire pardonner, ils avaient mis du temps pour trouver les ouvrages les plus rébarbatifs et les tomes les plus pesants pour le plus grand bonheur des juristes et avocats comme Gaëlle. Ce lieu était devenu son sanctuaire, comme l’avait été la bibliothèque de droit à l’université et sa bibliothèque de quartier.
→ on a tous ce petit coin préféré de la librairie qui nous tient à cœur :) (même s’il peut sembler bizarre à d’autres, chacun ses préférences de lecture ^^)

Elle remarqua alors qu’elle était seule à se diriger dans sa direction.
→ Tiens, la réalité laisse place à autre chose de plus mystérieux ! Hallucination ? Magie ? Le Paquebot recèle bien plus que des livres. A moins que l’accumulation de livres produise une certaine magie ;)

La salle avait son charme. Elle ressemblait à s’y méprendre à un ancien club anglais, d’où le nom que les clients lui avaient donné.
→ J’adore ce salon <3

Quelques instants plus tard, il s’aperçut avec étonnement que la coupelle était vide. La dame n’avait pas bougé d’un pouce.
→ Ce sont les personnages de ce genre et leur diversité qui donnent du corps à l’ambiance :). Ils ponctuent les instants et renforcent le contexte.

Gaëlle s’imagina en face de son frère, au café. Mais cette fois-ci, elle était en charge du dialogue.
→ Ah, on a tous rêvé de pouvoir faire ça ahah, oui pourquoi on n’a jamais la bonne réplique au bon moment ?

Elle devait prendre soin de lui, mais à quel coût? Gaëlle se sentit tout à coup très inconfortable.
→ Pas facile de faire le tri entre ce qu’on pense être bien pour les autres et ce que ceux-ci veulent vraiment.

Elle ne connaissait rien de mieux qu’un manuel juridique ou un recueil de jurisprudence pour penser à autre chose.
→ Comme quoi, on est tous différents ahah

Gaëlle soupira. Elle aurait tellement voulu du calme. C’était à croire qu’il existait une chose telle qu’un malheur éclaireur. Dès qu’il avait ouvert le chemin, il faisait signe à une flopée d’autres malheurs opportunistes qui se mettaient à marcher joyeusement à la queue leu leu, tous prêts à vous pourrir la vie. → Je suis fan. J’imagine ces petits malheurs échangeant des sourires satisfaits et faire « gniark gniark, une nouvelle victime ! ». Mais ils ont aussi un petit côté mignon, à marcher joyeusement de concert.

Mais elle avait indiqué sa désapprobation de la manière la plus flagrante pour elle: elle s’était assise au dernier rang. Elle reconnaissait qu’elle n’avait jamais été très douée dans le passage de la théorie à la pratique en matière de rébellion.
→ Je trouve ça attendrissant, quelque part, ce genre de réaction. Est-ce qu’elle est du genre à essayer de se mettre en colère mais ça fait rire les autres parce que ce n’est pas effrayant pour deux sous ?

Le nez de la fillette commença à couler. Elle le frotta de sa main, puis reprit un livre. Gaëlle eut un haut-le-coeur.
→ Le « charme » brut des enfants ahah

—De toute façon, je dois y aller, dit-elle avec une voix qui aurait voulu être détachée mais qui sonnait comme le gong de la défaite.
→ Les enfants, le pire ennemi pour qui veut triompher d’une conversation par la logique. Gaëlle n’est malheureusement pas armée contre une telle adversaire ^^

Elle profita donc de l’inattention de la petite fille, occupée à bâtir une tour de Babel à l’équilibre plus qu’instable, pour s’éclipser. Elle ne voulait pas entendre les livres crier une fois que la petite fille lâcherait son œuvre.
→ Je compatis pour Gaëlle, si empathique à la détresse des livres @@

Ce chapitre est une belle introduction à la diversité du Paquebot, que ce soit en terme de lectures et de personnages. On sent que c’est un endroit très important pour Gaëlle, pas étonnant qu’elle s’y soit réfugiée après sa dispute. Mais une petite interruption vient gâcher sa quête de quiétude. Quel est donc ce dragon qu’elle recherche ? Qui est donc la maman ? Qui est cette fillette ? Est-ce que Gaëlle est la seule à la voir ? On sent qu’elle sera d’une importance capitale pour la suite du récit. Et j’ai l’impression que la logique et la rectitude de Gaëlle seront mises à rude épreuve. Pourra-t-elle s’en servir comme armes ? Ou, au contraire, devra-t-elle les mettre de côté pour se libérer de son carcan rigide ? Les bouleversements pointent le bout de leur nez. La petite fille serait-elle le bouleversement éclaireur, prête à appeler les autres ?

J’ai hâte de lire la suite :)
A très bientôt ^^
CelCis
Posté le 07/04/2023
Coucou Dzêtagon,

En retard, en retard, je suis en retard! La maladie m'a sauté dessus (je suis sûre que c'est ce qu'elle fait: elle attend patiemment sa proie, puis hop, elle la prend d'assaut), et je n'avance plus sur rien. Mais me revoilà.

Merci pour ta patience et pour tout ton retour!
Je prends note de tes propositions, suggestions. Quoi, tu n'es pas passionnée par les recueils juridiques?? (spoiler, moi non plus :D)

Enfarger, c'est québécois ;) C'est une amie québécoise qui m'a traduit cette phrase. J'adoooore le québécois (l'ai-je déjà dit?)

Gaëlle a du mal à se mettre en colère, en effet. Elle est tellement dans le contrôle, tout le temps... Mais évidemment, on ne peut essayer de mettre la vie dans une ptite bouteille. Son contrôle, elle va en voir les limites. Comme tu le notes, la rectitude de Gaëlle sera ébranlée.

Je suis heureuse que tu apprécies le Paquebot, et la salle anglaise. Je l'aime beaucoup, moi aussi. J'aimerais parfois m'y blottir - un monde à l'abri du monde.

À tout bientôt!
Edouard PArle
Posté le 13/03/2023
Coucou Celcis !
Super chapitre, où on découvre mieux le personnage de Gaëlle, j'imagine que tu vas entremêler son pdv et celui de son frère d'un chapitre sur l'autre. Tu glisses plein d'éléments qui permettent de mieux la connaître et la comprendre : le fait que se mettre au dernier rang soit pour elle un acte de rébellion, son malaise face à une petite fille, son besoin de s'isoler...
Mais ce que j'ai le plus aimé dans ce chapitre est... (roulement de tambour) le paquebot ! Une vraie réussite ce lieu, j'ai adoré son ambiance ! J'ai l'impression que tu as matérialisé dans ton histoire un fantasme de tous les auteurs / lecteurs xD J'aime beaucoup le fait que ce projet fonctionne en dépit des prédictions qu'il va s'effondrer, ça fait du bien à lire, de voir l'audace payer. Super bien trouvé le nom Paquebot (= Les descriptions des salles sont très réussies, j'ai beaucoup aimer y suivre Gaëlle. Le jour où tu construis un Paquebot, dis-moi où que je déménage à côté xD
Mes remarques :
"(et que « limaçon aventureux, le temps sera pluvieux »," j'adore cette expression ahah
"dans ses pensées, il l’aperçut trop tard que pour réagir" "que" en trop .
"Je vais y aller à l’aise. Merci pour votre aide." je n'ai pas trop compris le "à l'aise"
"Le projet ne coula pas. Ce fut même exactement l’inverse. Les fondateurs avaient fait confiance aux gens qui, à leur tour, firent confiance au lieu." sympa ce passage, très joliment écrit.
"Gaëlle s’était attendue à voir des gentlemen anglais à vestes" tu peux couper anglais ici, vu qu'il est précisé juste avant
"qu’une poignée d’hommes et de femmes assises," assis (sauf si seulement les femmes sont assises) ?
"Il comprendrait combien elle avait raison, combien elle s’était sacrifiée - un sacrifice vivant, oui, une vraie Jeanne d’Arc, la virginité en moins." ahah super passage
"Elle considéra la position incongrue de son voisin. Il était penché sur le guéridon de la dame au chignon avec un air de gamin pris la main dans le sac. Il avait essayé de récupérer les gingembres confits de sa voisine et, ce faisant, avait fait tomber la coupelle sur le tapis." ahah excellent, j'ai imaginé la scène c'était très drôle (j'avoue j'aurais pu faire pareil^^)
Un plaisir,
A bientôt !
CelCis
Posté le 24/03/2023
Coucou Edouard,

Merci pour ta patience! L'escargot a encore frappé (ou traîné) ;)

Heureuse de voir que tu as aimé le Paquebot! Je me demande à chaque fois si je ne le présente pas de trop... Tu me diras. Mais j'aime cet endroit. Je t'envoie l'adresse dès qu'il est en construction :P

À l'aise: je parie que c'est une expression belchhhh :D
Merci pour les remarques, je vais changer cela.

À tout bientôt!
Bleiz
Posté le 20/02/2023
Salut @Celcis !

Après plusieurs mésaventures informatiques, je reviens écumer PA sur ma coquille de noix. J'ai fait des commentaires au fil de ma lecture, c'est pas très organisé mais c'est chronologique !

« limaçon aventureux, le temps sera pluvieux »,--> je suis fan x)

L'articulation du pdv de Gaëlle à celui de ce pauvre jeune homme est faite très naturellement, c'est bien fait.

"Faut dire qu’il a un peu les deux pieds dans la même bottine…" --> tu as une collection d'expressions absolument hilarantes !!

Le Paquebot est un lieu déjà iconique. Je vais le répéter tout au long des chapitres, et je m'excuse d'avance pour mes commentaires répétitifs : seulement, je suis plongée dans ton histoire ! Je veux visiter le Paquebot ! Sa description est plutôt complète (même si j'espère qu'il y aura des passages secrets et autres bizarreries non révélées) et aérée, ce qui rend la lecture facile.

"le Paquebot semblait flotter dans les airs." --> plot twist : c'est le Hollandais Volant

Okay elle a définitivement une concussion. J'espère qu'elle va pouvoir se soigner -ou au moins tomber sur une âme charitable et suffisamment têtue pour la convaincre de se reposer…

Je l'ai dit et je le répète : je veux visiter le Paquebot. Un plafonnier en cristal et des teintures rouges ? Navrée Celcis, mais tu as désormais la responsabilité de construire ce lieu. C'est ainsi.

Tellement réaliste cette reprise du dialogue dans sa tête, et drôle aussi ! Pourtant ça ne cache pas le fait que, dans la vraie vie, elle a perdu cette bataille. Je crois qu'elle en a conscience aussi, et que c'est pour ça qu'elle ne rabâche pas trop cette scène, même si c'est juste dans sa tête.

"—Je cherche mon dragon, répondit la petite," une saine occupation. Responsable la gamine, laisser un dragon sans surveillance dans une bibliothèque, c'est la catastrophe assurée !

"—Oh non, il a dû partir ailleurs." Ok pas si responsable en fait.

Aaaaaah cette rencontre annonce plus, c'est sûr ! Je vois déjà le duo improbable et attachant qu'elles vont former. Je reviendrai pour lire la suite !

À bientôt :)
CelCis
Posté le 22/02/2023
Coucou Bleiz,

Merciii pour tous tes commentaires!

Alors pour les deux pieds dans la même bottine, j'adore aussi mais je n'ai pas l'honneur de la maternité. J'ai demandé à une amie québécoise de me traduire cette phrase. J'adore le québécois: je trouve cette langue super expressive. J'ai passé un mois à Montréal à sourire à chaque fois que quelqu'un m'adressait la parole. J'aime ces gens.

Pour le Paquebot, rhooo si j'avais les sous... J'ai les plans hein. Tout tout, me faut juste un rien, que dis-je, une bagatelle... Quelques millions tout au plus? Tiens la Pythie, elle peut pas m'obtenir ça à la loterie?

Le Hollandais volant X) Spoileeeer

Je suis aux petits oiseaux que ça continue à te plaire! Je l'aime bien aussi, ce ptit duo. Et tu verras, la petite et ses peluches, c'est toute une histoire.

À tout bientôt!
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