Il était une fois un chevalier qui avait guerroyé toute sa vie dans de nombreux pays du monde. Il avait beaucoup voyagé et après toutes ces années, il était fatigué d’aller à droite et à gauche pour conquérir de nouveaux royaumes. C’est pourquoi, devenu vieux, il avait résolu de rester dans son château et de se reposer en cultivant son jardin.
Il n’avait jamais pris le temps de chercher une femme et d’avoir des enfants. Il n’avait plus de famille et vivait tout seul dans son grand palais de pierre, au milieu de la campagne verdoyante.
Au bout d’un certain temps, alors qu’il était en train de couper des roses fanées au pied de ses remparts, il s’aperçut qu’il s’ennuyait chez lui, et chaque jour davantage. Il en avait assez de voir tous les jours le même paysage en ouvrant sa fenêtre, et il rêvait d’aventures. Il avait dans sa bibliothèque de vieux ouvrages qui tombaient presque en poussière, que personne n’avait jamais lus. Il se mit à les feuilleter, cherchant l’inspiration au milieu des pages froissées et des dessins à l’encre. Et voici qu’en regardant un récit de voyage, il vit qu’il existait bien loin de là un pays au nom très mystérieux, le pays du Chocolat.
Les jours qui suivirent, il lui fut impossible de penser à autre chose qu’à cette terre lointaine. Dans sa tête tournoyaient les mots qu’il avait lus et relus dans son livre : au pays du chocolat, on peut déguster ce qu’il y a de meilleur au monde, c’est un nectar délicieux qui fond dans la bouche. C’est tellement bon qu’une fois qu’on y a goûté, on n’a plus jamais envie de manger autre chose, car toutes les autres nourritures paraissent fades et sans intérêt. Cette découverte étonnante et extraordinaire ne cessait de le tourmenter, tant elle excitait sa curiosité.
Tant et si bien qu’un matin, il décida de partir pour découvrir le pays du Chocolat. Il se mit à frotter son armure jusqu’à ce qu’elle brille, il voulait avoir belle allure dans sa carcasse de métal étincelante, puis il rassembla toutes ses pièces d’or dans une bourse en cuir. Enfin il prépara son destrier, un gros cheval gris pommelé qui s’appelait Elix. Quand tout fut prêt, le chevalier enfila son armure. Il accrocha sa bourse à son cou, ferma la porte de son château à double tour et cacha la clef sous une pierre, puis monta en selle sur le dos d’Elix. Il accrocha au pommeau une corde à laquelle était attachée la vache dont il trayait habituellement le lait pour fabriquer du fromage. Il la vendrait en route sur un marché parce qu’il ne voulait pas l’emmener au bout du monde.
Jetant un dernier regard vers son château, il poussa un soupir et prit la direction qu’il imaginait être celle du pays du Chocolat.
Cheminant le long des champs bordés de barrières et de haies fleuries, il rencontra un âne gris qui broutait dans un pré. La pauvre bête avait été abandonnée là car elle était trop vieille pour rendre service à la ferme. Elle finissait ses jours seule, mangeait quelques orties et des pissenlits et dormait dehors par tous les temps. Le chevalier l’entendit gémir sur son sort et s’approcha d’elle.
-- Que fais-tu petit baudet, tout seul dans cette prairie ? demanda-t-il
-- Je m’ennuie terriblement, j’aimerais tellement connaître autre chose que ce champ … répondit le petit âne. J’y passe toutes mes journées et mes nuits, tous les jours de l’année, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il neige ou qu’il fasse beau. J’en ai assez d’être ici.
-- Viens avec moi, proposa le chevalier, je vais au pays du Chocolat. Tu n’as qu’à me suivre, je te montrerai le chemin.
-- Le pays du Chocolat, interrogea l’âne, qu’y a-t-il de particulier là-bas ?
-- La meilleure nourriture au monde, fit le chevalier. C’est si bon que cela plaît aux hommes comme aux ânes.
-- Et ça plait aussi aux vaches ! grommela le ruminant en tapant ses sabots sur le sol.
-- Et aussi aux chevaux ! ajouta le destrier qui trouvait que le chevalier devrait s’intéresser à lui plutôt qu’à un baudet inconnu.
-- Alors c’est une bonne idée, je pars avec toi, ton cheval et ta vache, dit le petit âne qui avait entendu les récriminations des compagnons du chevalier.
Avec son museau, il poussa la barrière et se retrouva sur le chemin. Le chevalier reprit son voyage, suivi par la vache et le petit baudet qui trottinaient derrière le cheval avec entrain.
Persuadée qu’elle allait également au pays du Chocolat, la vache conversait avec l’âne sur leur destination. Elle disait combien elle était impatiente d’y arriver pour goûter à cette nourriture extraordinaire qui la changerait de l’herbe des prés. Alors le chevalier n’eut pas le cœur de séparer les nouveaux amis. A partir de ce moment-là, il se ravisa et ne pensa plus à vendre sa vache, détacha la corde à laquelle elle était attachée pour qu’elle marche librement, fermement décidé à l’emmener elle aussi au bout du voyage.
Ils marchèrent plusieurs jours le long des routes, traversant des villes et des villages où tout le monde s’étonnait de voir cet équipage. Ils s’éloignèrent petit à petit des lieux habités vers des monts qui apparaissaient à l’horizon.
Ils croisèrent sur un sentier de montagne un chien de berger qui grognait après son maître.
-- Mais où est-il passé ? ne cessait-il de marmonner.
-- Que fais-tu chien de berger, tout seul dans cette montagne déserte ? demanda le chevalier.
-- Mon maître a disparu, j’aimerais tellement connaître autre chose que cette montagne … répondit le chien. J’y passe toutes mes journées et mes nuits, tous les jours de l’année, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il neige ou qu’il fasse beau. J’en ai assez de vivre ici.
-- Viens avec moi, proposa le chevalier, je vais au pays du Chocolat. Tu n’as qu’à me suivre, je te montrerai le chemin.
-- Le pays du Chocolat, interrogea le chien, qu’y a-t-il de particulier là-bas ?
-- La meilleure nourriture au monde, fit le chevalier. C’est si bon que cela plaît aux hommes, aux ânes et aux chiens.
-- Alors c’est une bonne idée, je pars avec toi, dit le chien de berger.
De derrière un rocher qui le cachait aux yeux du chevalier, surgit le troupeau de moutons que le chien gardait. Les bêtes s'approchèrent de lui en bêlant sans arrêt et le suivirent, bien décidées elles aussi à aller au pays du Chocolat. Le chien eut beau aboyer pour les chasser, les moutons marchaient derrière le chevalier sans lui obéir, alors il fut obligé de céder devant leur obstination et il leur emboîta le pas.
Il commençait à y avoir beaucoup de monde derrière le chevalier, mais il se sentait de plus en plus léger, et comme il ne s’ennuyait plus avec tous ses nouveaux amis, il rajeunissait. Il avait relevé la visière de son heaume et sa belle barbe était désormais tressée avec des fleurs qu’il ramassait le long des fossés. Parfois, il se sentait tellement en joie qu’il se mettait à siffloter.
La vache, l’âne et les moutons étaient un peu lents, ils se perdaient quelquefois dans les champs alentour en essayant de trouver de l’herbe à brouter, mais généralement tout se passait bien. Une brebis donna même naissance à un agneau un soir, qu’on accrocha dans un panier sur le dos de l’âne.
Chemin faisant, la petite troupe arriva au bord de la mer.
-- Il faut un bateau pour traverser l’océan, dit le chevalier.
Ils longèrent la côte jusqu’à un petit port où ils rencontrèrent un pirate qui n’était pas très honnête. Voyant ces braves gens, le flibustier pensa faire une bonne affaire en leur vendant sa coquille de noix avec une voile. Le chevalier vida sa bourse dans la main du pirate, il n’aurait plus besoin de pièces d’or une fois qu’il serait sur le bateau. Il embarqua avec tous ses animaux sur le pont du navire et hissa la voile.
Le pirate regarda l’embarcation s’éloigner sur les flots en ricanant dans sa barbe. Il avait sorti la bourse pour tâter les pièces d’or du bout de ses doigts, et s’amusait d’avoir bien attrapé le chevalier en lui vendant si cher un vieux bateau tout pourri. Il ne fit pas attention à l’ombre qui fondit sur lui et lui arracha la précieuse aumônière avec son bec. Le pirate furieux vit s’envoler la mouette rieuse qui se moquait de lui, la bourse pleine dansant dans le vide au-dessous d’elle. Elle survola les flots et alla se percher sur le mât du bateau qui voguait joyeusement sur les crêtes blanches des vagues.
-- Holà ! Mais que fais-tu belle mouette, avec ma bourse dans ton bec ? demanda le chevalier.
-- Je te la rends, le pirate était un voleur. Ah ! J’aimerais tellement connaître autre chose que ce port sinistre … répondit l’oiseau en laissant tomber l'aumônière aux pieds du chevalier. J’y passe toutes mes journées et mes nuits, tous les jours de l’année, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il neige ou qu’il fasse beau. J’en ai assez de vivre ici.
-- Viens avec moi, proposa le chevalier, je vais au pays du Chocolat. Tu n’as qu’à me suivre, je te montrerai le chemin.
-- Le pays du Chocolat, interrogea la mouette, qu’y a-t-il de particulier là-bas ?
-- La meilleure nourriture au monde, fit le chevalier. C’est si bon que cela plaît aux hommes, aux ânes, aux chiens, aux moutons et forcément aux mouettes.
-- Alors c’est une bonne idée, je pars avec toi, dit la mouette.
Le chevalier oubliait systématiquement de préciser que le chocolat plaisait aussi aux ruminants et aux destriers. Pour ne pas le contrarier, la vache et le cheval ne disaient rien, mais n’en pensaient pas moins.
Les vents favorables poussèrent le petit bateau sur l’océan jusqu’à la prochaine terre. Tous les animaux à bord regardaient la grande étendue aux reflets changeants, humaient le vent et l’odeur du large, émerveillés par les nuées de dauphins qui les suivaient en bondissant sur les flots. Parfois la nageoire d’une baleine apparaissait au loin quand elle plongeait sous la surface et ils poussaient des cris d’admiration.
Enfin, ils abordèrent sur la plage de leur destination, sautèrent à terre, amarrèrent le navire et reprirent la route. Ils devaient maintenant traverser une forêt tropicale où les arbres étaient gigantesques et protégeaient de leur ombre fraîche les voyageurs. Il faisait très chaud, les moutons grognaient un peu sous leur laine épaisse mais ils aimaient brouter les fleurs colorées qu’ils trouvaient presque à chacun de leurs pas.
Ils parvinrent sous un énorme fromager d’où pendaient des lianes, et sur une basse branche se trouvait un singe assis qui épluchait une banane.
-- Que faites-vous dans ma forêt ? demanda le singe en faisant des grimaces et en laissant tomber la peau de la banane par terre.
-- Nous allons au pays du Chocolat, répondit le chevalier.
-- Tous ensemble ? répondit le singe en dévorant sa banane. Vous êtes sur la bonne voie, mais encore bien loin du but.
-- Oui, dit le chevalier. Nous avons traversé l'océan pour venir jusqu’ici.
-- Je vous envie, vous êtes des aventuriers, soupira le singe. Je suis ici tout le temps, je n’ai pas d’autre horizon que ces arbres géants et les hautes fougères. J’y passe toutes mes journées et mes nuits, tous les jours de l’année, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il fasse du brouillard ou qu’il fasse beau. J’en ai assez de vivre ici.
-- Viens avec moi, proposa le chevalier, je vais au pays du Chocolat. Tu n’as qu’à me suivre, je te montrerai le chemin.
-- Le pays du Chocolat, interrogea le singe en faisant la moue, oui je le connais de nom, mais qu’y a-t-il de particulier là-bas ?
-- La meilleure nourriture au monde, fit le chevalier. C’est si bon que cela plaît aux hommes, aux ânes, aux chiens, aux moutons, aux mouettes et aussi aux singes.
-- J’ai entendu parler du chocolat, il parait que c’est délicieux. Alors c’est une bonne idée, je pars avec toi, dit le singe. Cela me changera des bananes.
La petite troupe se remit en route, ils savaient tous qu’ils approchaient désormais du but. En tête sur son destrier, le chevalier caracolait. Il se réjouissait à l’avance de bientôt goûter au chocolat dont il rêvait depuis si longtemps. Mais tout à coup, ils entendirent une énorme cavalcade et virent surgir devant eux un éléphant tout essoufflé.
-- Ah ! s’écria le pachyderme en reprenant sa respiration normale. J’avais peur que vous ne soyez déjà partis ! On m’a parlé de votre périple, je veux me joindre à vous ! J’ai très envie de voir le monde, je m’ennuie dans la jungle.
-- D’accord, viens avec nous, proposa le chevalier, nous allons au pays du Chocolat. Tu n’as qu’à nous suivre, nous te montrerons le chemin.
-- Le pays du Chocolat, interrogea l’éléphant en balançant sa trompe à droite et à gauche, c’est ça votre destination ? Qu’y a-t-il de particulier là-bas ?
-- La meilleure nourriture au monde, fit le chevalier. C’est si bon que cela plaît aux hommes, aux ânes, aux chiens, aux moutons, aux mouettes, aux singes et bien sûr aux éléphants !
- Je n’ai jamais entendu parler du chocolat, mais tu dois mieux savoir que moi. Alors c’est une bonne idée, je pars avec vous, dit l’éléphant. Je suis content de changer d’air.
Suivis par l’éléphant, le chevalier et les animaux repartirent. La forêt était dense et marécageuse, il n’était pas aisé de marcher au milieu des arbustes exubérants. Le cheval avançait en tête et pataugeait dans la boue, les insectes bourdonnaient autour d’eux et le voyage ne leur semblait plus agréable du tout. Soudain le sol se déroba sous les pas du destrier qui s’arrêta brusquement, faisant tomber lourdement son cavalier par terre. Empêtré dans son armure, le chevalier glissa dans un trou profond qui s’ouvrait devant lui, et chuta jusqu’au fond. Il se trouvait dans un piège creusé dans le sol dont les pentes étaient tapissées d’arbustes et de branches épineuses, tombé dans une flaque au milieu des pierres et des cailloux.
Tous les animaux qui étaient restés au bord du trou s’alignèrent et regardèrent le chevalier assis par terre tout en bas. Ils étaient totalement perplexes, ne sachant comment réagir dans une pareille situation. Ils ne comprenaient qu’une chose, il leur fallait sauver le chevalier car lui seul était capable de les emmener au pays du Chocolat.
Le singe se grattait la tête avec sa patte, la mouette poussait de petits cris et les moutons bêlaient sans vraiment proposer de solution. Le petit âne levait la tête et réfléchissait tant qu’il pouvait, tandis que l’éléphant soufflait et balançait sa trompe, sentant la colère monter en lui. La vache agitait sa queue dans tous les sens. Le cheval baissait la tête, il comprenait que c’était lui qui avait précipité le chevalier dans le piège et mis la troupe en danger. Quant au chien, il aboyait comme un fou pour se détendre car il était très énervé. Le baudet se mit soudain à braire.
-- On pourrait le remonter avec une liane, s’il s’y accroche, dit-il.
-- Il a perdu la corde à laquelle j’étais attachée, précisa la vache, alors oui, une liane peut faire l’affaire.
-- Très bonne idée, répondit le singe. Je peux aller en chercher une dans les arbres, si la mouette m’aide.
-- Et moi je pourrais le tirer, proposa l’éléphant, car je suis très fort.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le singe grimpa sur le plus haut des arbres, et la mouette voleta autour de lui. Ils réussirent à arracher une liane longue et épaisse et la laissèrent tomber à terre. Le singe redescendit le long du tronc aussi vite qu’il était monté et ramassa la corde végétale, dont il se mit à entourer le ventre du pachyderme. Il la bloqua sous les pieds de l’éléphant et la mouette, prenant l’autre extrémité dans son bec l’apporta au chevalier.
-- Retire ton armure, dit la mouette, tu seras moins lourd et ce sera plus facile pour remonter.
Le chevalier se releva et en grognant se débarrassa de sa carapace de métal. Depuis le temps qu’il voyageait, elle ne brillait plus autant qu’avant, et elle était cabossée de partout après la chute. Alors malgré sa tristesse, il l’abandonna sans trop de regrets et tirant sur la liane, remonta la pente en s’égratignant sur tous les buissons qu’il rencontra. Il avait gardé ses bottes, il en avait bien besoin pour marcher dans la jungle. Sa chemise blanche était désormais grise et déchirée, sa barbe ébouriffée et sa culotte bouffante toute chiffonnée. Ainsi vêtu, il n’avait plus aussi belle allure que dans son armure et il se sentait gêné de se montrer en aussi vilaine posture devant tous les animaux. Il avait tout de même gardé sa grande épée à la ceinture, dont le fourreau battait contre son flanc à chaque pas.
-- Merci mes amis pour votre ingéniosité, vous m’avez tiré de ce fort mauvais pas, dit-il. Oublions vite cet incident et repartons vers le pays du Chocolat, nous avons déjà perdu trop de temps.
Grimpant prestement sur Elix, il éperonna son cheval et les animaux le suivirent. Ils marchèrent encore quelques jours avant de parvenir devant une pyramide de pierre construite dans une clairière en pleine forêt.
-- Qui habite ici ? demanda le chevalier, très surpris de trouver une construction si étrange dans un pays si lointain.
-- La légende dit qu’une princesse est captive en haut de cette pyramide, depuis la nuit des temps, expliqua le singe. C’est une histoire que tous les habitants de la forêt connaissent.
-- Pas moi, grogna l’éléphant, on ne me raconte jamais rien.
-- Qui la retient prisonnière ? questionna le chien.
-- On dit que c’est une sorcière jalouse de sa beauté, qui a écarté la princesse en l’enfermant dans cette cachette secrète. Elle voulait à tout prix épouser son père veuf, le roi du pays du Chocolat, pour qu’il la comble de richesses et de chocolat.
-- Le pays du Chocolat ? Mais c’est là où nous allons ! fit le chien.
-- Je vais aller voir, dit la mouette en s’envolant vers le sommet de la structure de pierre.
Courageux et téméraire, le chevalier approcha de la pyramide et vit qu’un escalier taillé dans les blocs de rochers montait jusqu’à la petite cabane qui en coiffait la cime. Il n’hésita pas une seconde. Il dégaina son épée et se mit à grimper les marches en courant, suivi par le singe et le chien. Déjà arrivée au sommet, la mouette poussait de grands cris en les attendant.
Lorsque le chevalier parvint en haut de la pyramide, il vit que la porte de la cabane était fermée par un cadenas rouillé. Il prit son épée et frappa un grand coup, faisant voler le verrou en éclat. La porte s’ouvrit et une belle jeune femme en sortit. Ses longs cheveux noirs étaient torsadés en tresses épaisses qui tombaient jusqu’au sol, sa longue robe était toute usée mais ses yeux brillaient de joie.
-- Merci, chevalier de m’avoir délivrée, dit-elle, cela fait si longtemps que je suis prisonnière dans cette cabane que je ne sais plus depuis quand je suis là. Je m’ennuyais tant à coiffer mes cheveux, et je n’avais pas de laine pour faire marcher mon rouet. Le temps m’a paru si long !
-- Viens avec nous, proposa le chevalier, nous allons au pays du Chocolat. Tu n’as qu’à nous suivre, nous te montrerons le chemin.
-- Le pays du Chocolat, s’écria la princesse, mais c’est là d’où je viens, mon père est le roi de ce pays !
-- Nous le savons, répondit le chevalier, c’est le singe qui nous l’a expliqué.
-- Alors c’est une bonne idée, répliqua la princesse, je pars avec vous. J’ai hâte d’arriver pour revoir ma famille !
Ils descendirent les marches jusqu’au pied de la pyramide où les attendaient l’âne, le chien, le troupeau de mouton et l’éléphant, impatients de faire la connaissance de la princesse. Ils la trouvèrent très belle et s’étonnèrent en voyant le rouet.
-- Ça sert à filer la laine, dit la princesse. C’est très utile pour faire des habits.
Elle monta sur le dos de l’âne et la petite troupe qui ne cessait de grandir reprit la route.
Enfin ils franchirent la frontière du pays du Chocolat et arrivèrent dans un village où les habitants les accueillirent avec surprise et joie. Ils s’étaient à peine installés sur la terrasse de l’auberge qu’on leur apporta des gâteaux, des crèmes, des truffes, des tasses de liquide parfumé et brûlant. C’était si merveilleusement bon que le cœur du chevalier fondit en les dégustant.
Il leva les yeux vers la princesse qui buvait à petite gorgée le breuvage délicat. Elle était si jolie avec ses longs cheveux noirs et ses yeux brillants qu’il perdit le dernier morceau de carapace qui lui restait, accroché autour du cœur. Il comprit enfin qu’il était tombé amoureux d’elle, qu’elle était la belle demoiselle qu’il était venu chercher si loin au bout du monde, après avoir parcouru tout ce chemin depuis son château de pierre.
A peine eut-il reposé son bol de cacao vide sur la table que des trompettes retentirent dans tout le village. La rue se remplit de cris et d’agitation.
-- Le roi ! C’est le roi ! criaient les villageois en liesse.
Le chevalier et la princesse se levèrent et s’approchèrent du bord de la terrasse.
-- Ah ! dit le roi du pays du Chocolat qui approchait sur son cheval blanc. Voici le courageux chevalier qui a délivré ma fille des griffes de la vilaine sorcière ! Vous avez goûté à notre merveilleux nectar ?
-- Qui vous a averti de notre arrivée ? demanda le chevalier interloqué.
-- C’est moi, dit la mouette, j’ai prévenu les oiseaux du pays pour qu’ils portent toute de suite la bonne nouvelle du retour de la fille du roi.
-- Et me voici ! répliqua le roi. Je suis venu dès que j’ai su.
Le chevalier tout ému hocha la tête. La princesse descendit les marches de la terrasse en courant et se précipita vers son père.
-- Mais où est la sorcière qui m’a enlevée ? demanda la princesse. L’as-tu épousée ?
-- Elle a essayé de m’embobiner, mais j’ai fini par comprendre qu’elle était malfaisante, répondit le roi. Malheureusement elle avait eu le temps de t’enlever et de t’enfermer dans un endroit perdu dans la jungle. Depuis tout ce temps, je t’ai cherchée partout sans jamais te trouver.
-- Qu’est-elle devenue ? questionna encore la princesse.
-- Elle était si furieuse qu’elle a mangé trop de chocolat pour calmer sa colère, expliqua le roi. Elle n’a pas fait attention qu’elle l’avait mélangé avec un poison fulgurant de sa composition, et elle est morte sur le coup.
-- Elle a donc disparu depuis longtemps, dit la princesse.
-- Des jours et des années, répondit le roi.
-- Ah ! Nous sommes débarrassés d’elle pour toujours ! s’écria la princesse en poussant un soupir de soulagement.
-- Et maintenant j’ai une question à poser à ton ami, fit le roi.
Et se tournant vers le chevalier, il le regarda bien droit dans les yeux.
-- Et toi, chevalier, que veux-tu pour ta récompense ?
-- La main de votre fille, si elle veut bien de moi, répondit le chevalier amoureux.
Elle accepta bien sûr car le chevalier l’avait charmée au premier regard.
-- Alors tu peux l’épouser, dit le roi, ainsi tu pourras rester toute ta vie dans notre beau pays du Chocolat avec tous tes compagnons.
Les moutons proposèrent de fournir la laine pour fabriquer la robe de mariée et la chemise du futur époux. L’éléphant pour montrer sa joie, emplit sa trompe avec l’eau de la rivière et arrosa tout le monde, l’âne se mit à braire, le chien à aboyer, la mouette à rire et les moutons bêlèrent.
La vache suggéra de mélanger du bon lait avec le chocolat pour créer de nouveaux desserts et de nouvelles boissons. Tout le monde trouva que c’était une très bonne idée à expérimenter au plus vite, et la vache meugla de plaisir.
Perché sur une branche, le singe tendit l’oreille et il lui sembla que tous disaient : on veut encore du chocolat, encore du chocolat … alors il mit dans sa bouche un petit carré fondant qu’il avait mit de côté. Il le dégusta avec un sourire et beaucoup de grimaces. La mouette vint se poser à côté de lui en se moquant de sa gourmandise, et elle riait tant qu’elle pouvait.
-- Nous construirons une maison en bois car nous n’avons pas envie de vivre dans un château en pierre, dirent le chevalier et la princesse. Nous ferons des quantités de desserts au chocolat pour le roi et pour tous nos amis. Nous aurons beaucoup d’enfants qui apprendront à préparer le cacao et nous vivrons heureux au pays du Chocolat jusqu’à la fin des temps.
J’aime beaucoup ton texte ! On y retrouve bien les éléments du conte, avec tous les animaux, les répétitions dans le récit (les animaux qui se joignent un à un à la troupe avec toujours la même mécanique à peu de chose près), la simplicité des péripéties et la facilité de lecture
Ça roule tout seul et c’est un plaisir à la lecture ! Et puis c’est très inventif et très joyeux :) Ça met de bonne humeur de voir la petite bande grossir peu à peu avec autant tant d’individus différents, et de traverser tous ces paysages successifs avec eux ^^
Le style est en effet celui d'un conte, avec l'énumération des personnages qui se rajoutent. En revanche, je trouve la fin fade et sans morale (ce qui est normalement le but d'un conte). Quelle conclusion en tirer ? Il faut persévérer pour obtenir le bonheur ?
A quoi sert la péripétie du trou ? Si j'ai bien compris ta réponse au commentaire précédent, c'est une image pour montrer qu'il brise son armure en devenant plus ouvert, plus égoïste. Honnêtement, son egoïsme ne se voit pas du tout, au contraire. Il est directement d'accord pour qu'un pauvre âne se joigne à lui. Il est très altruiste et ouvert au monde dès le départ. S'il était égoïste, il aurait refusé et une intervention de la vache ou du cheval aurait été nécessaire pour le persuader d'accepter (ce qui permettrait une autre répétition, celle des autres animaux, peut-être de moins en moins longue au fur et à mesure que le coeur du héros s'attendrit).
Dommage qu'il n'y ait pas un combat contre la sorcière, ennemi imaginaire finalement.
Ce héros n'a pas d'obstacle à franchir. Un seul verrou brisé en un clin d'oeil. La belle l'aime immédiatement (juste parce qu'il a cassé un verrou ?).
Le roi ignore où se trouve sa fille alors que tout le monde le sait (même un singe !). C'est vraiment étrange.
Bref, beaucoup de petites incohérences et pas assez de profondeur, je trouve. Cette histoire mérite d'être retravaillée pour exploiter tout son potentiel, mais ce n'est que mon avis.
Merci pour ton long commentaire.
Cette histoire raconte en effet une quête du bonheur et oui il faut persévérer pour l'obtenir. Surtout, plus que persévérer, il faut aller le chercher là où on peut le trouver. Le chevalier a trouvé un prétexte à sortir de sa coquille confortable mais ennuyeuse (aujourd'hui on parle de zone de confort) où il vivait en égoïste pour donner du sens à sa vie. Mais il a tout un cheminement pour y parvenir, et les rencontres vont l'aider à laisser tomber petit à petit tous ses blocages / carapace / armure. Au début, il ne prête pas attention à la vache et au cheval car ils font partie de son quotidien. Tous les autres animaux correspondent à des découvertes. Dans l'épisode du trou, c'est parce que tous les animaux mettent leurs savoirs ou leurs idées en commun que le chevalier peut être sauvé.
A la fin de l'histoire, le chevalier a trouvé ce qu'il cherchait et qu'il ne soupçonnait même pas. Et tous les animaux aussi. En effet, il pourrait y avoir un combat contre la sorcière, mais ce n'était pas la partie que j'avais envie de développer. Désolée si cela t'a paru fade.
Cependant, j'avoue que j'étais déçue de voir que tu n'avais pas exploité ce passage :
"Le chevalier oubliait systématiquement de préciser que le chocolat plaisait aussi aux ruminants et aux destriers. Pour ne pas le contrarier, la vache et le cheval ne disaient rien, mais n’en pensaient pas moins."
Ce passage, ainsi que la répétition de cette énumération qui grossit à chaque rencontre ("La meilleure nourriture au monde, fit le chevalier. C’est si bon que cela plaît aux hommes, aux ânes, aux chiens, aux moutons, aux mouettes, aux singes et bien sûr aux éléphants !") laissaient supposer que cet élément serait le centre de ce conte, son point névralgique.
Pourquoi le chevalier les oublie-t-il ? Quelle serait la morale d'une histoire où un chevalier oublie ses premiers partenaires d'aventure ? Quel est le message que cela pourrait faire passer ?
J'ai eu l'impression que tu préparais un plot twist tout le long, pour que ton texte se termine finalement par une fin plutôt basique pour un conte (le trésor était en réalité l'amour). Je pense qu'exploiter cet élément de ton histoire permettrait de basculer vers une fin avec une morale plus originale qui frapperait ton lecteur.
Je ne sais pas ce que tu en penses, donc j'aimerais bien en discuter avec toi ^^. Je te laisse quelques notes de ma lecture, si cela peut t'aider :
Attention aux participes présents cumulés dans une seule phrase, cela peu alourdir ton texte :
"elle finissait ses jours seule EN mangeANT quelques orties et des pissenlits et EN dormANT dehors par tous les temps" ⇒ il y a aussi l'accumulation de “et” qui est un peu lourde à mon sens.
"et ne parla plus de vendre sa vache" ⇒ plutôt "ne pensa plus à vendre sa vache" ? (sachant que la vache n’était pas au courant de son sort, le chevalier n'a donc jamais formulé cette idée à haute voix).
"traversant des villes et des villages où tout le monde s’étonnait de voir cet équipage" ⇒ j’aime beaucoup le jeu de sonorité en "age" !
"Il commençait à y avoir beaucoup de monde derrière le chevalier, lui se sentait de plus en plus léger et comme il ne s’ennuyait plus avec tous ses nouveaux amis, il rajeunissait" ⇒ Il commençait à y avoir beaucoup de monde derrière le chevalier, MAIS il se sentait de plus en plus léger, et comme il ne s’ennuyait plus avec tous ses nouveaux amis, il rajeunissait" : permettrait de marquer le contraste entre les deux phrases (il y a du monde, mais cela ne l'embête pas, au contraire).
Chemin faisant ⇒ répété 3 fois, il faudrait peut-être varié cette expression pour qu'elle ne soit pas redondante.
Bonne soirée à toi !
Un grand merci pour ton long commentaire !
Pour répondre à ton interrogation sur le cheval et la vache, le chevalier au début du conte est égoïste, il est habitué à vivre tout seul sans se préoccuper de ceux qui l'entourent, comme s'il ne les voyait pas. Quand il part, il a même envie de vendre la vache car elle ne lui servirait à rien pendant le voyage. Ensuite, petit à petit il se débarrasse de son 'armure'. Les premières rencontres commencent à émousser ses vieilles habitudes, peut-être ne l'ai-je pas fait ressortir suffisamment : il change d'avis en ne voulant plus vendre la vache, il ouvre son cœur aux autres en acceptant des compagnons. il lève sa visière, tresse sa barbe ...
Ta vision d'un twist de l'histoire est super mais je n'ai pas du tout eu cette idée, je suis donc prise au dépourvu pour te répondre, mais c'est très intéressant. Du coup, je veux bien en parler avec toi si tu as une idée, je vais essayer d'y réfléchir mais je suis prête à modifier.
Je voyais le chevalier partir d'un monde assez conventionnel (son château), et aller de plus en plus vers un univers différent (ayant aussi ses propres codes), passant progressivement de l'égoïsme au partage. C'est déconcertant pour lui, mais il s'adapte finalement très bien grâce à sa bonne nature qui ne demande qu'à s'épanouir, et à ses nouveaux amis qui ont comme lui envie de changement.
Je vais essayer de corriger tes remarques sur les participes présents et les 'et'. Le rythme de relecture que j'ai dans la tête (enchaînement des actions) n'est pas forcément partagé par d'autres personnes, et il faut sûrement alléger. Je vais intégrer la phrase que tu proposes.
Enfin concernant le 'chemin faisant', l'expression me plaisait à répéter au même titre que les phrases typiques du conte, pour la même raison qu'au dessus par rapport à un rythme, et aussi parce que cela traduit le cheminement, l'avancement de l'histoire.
Merci encore ! Je vais de ce pas faire quelques modifications !