Une araignée était tombée dans un bocal. Elle essayait de grimper le long des parois pour ressortir, mais le verre était trop glissant. A chaque tentative, elle repartait en arrière et se retrouvait dans le fond du récipient. Malgré tous ses efforts, elle ne réussissait pas à progresser et désespérait de finir sa vie dans cet aquarium.
Une mouche qui passait par là se posa sur le rebord du bol et vit l’araignée qui levait les yeux vers elle. Elles discutèrent.
-- J’ai été trop curieuse, avoua l’araignée à sa comparse. Je suis descendue au bout de mon fil et me suis penchée pour voir s’il y avait quelque chose dans le bocal. Et patatras, j’ai perdu l’équilibre, j’ai chuté et me voilà coincée dans cette prison de verre sans aucune solution pour m’échapper. Et en plus le bocal était vide.
-- En effet, dit la mouche, tu es dans une situation inextricable. Tu as voulu jouer à l’exploratrice et te voilà prisonnière.
La mouche réfléchit et proposa de trouver un long cheveu pour aider l’araignée à remonter.
-- Mais, répondit l’araignée qui essayait d’être honnête et de prévenir la mouche, si tu me sauves je vais être obligée de t’attraper et de te dévorer. Il en va ainsi, les araignées capturent les mouches et les mangent, c’est la nature qui veut ça.
La mouche était naïve, elle pensait qu’elle pourrait s’envoler avant que l’araignée ne l’attrape. Elle était très rapide et comptait sur ses réflexes pour réussir cet exploit.
-- Avant que tu me captures, je serai partie, affirma-t-elle.
Sitôt dit, elle prit son essor et s’en fut chercher un cheveu. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour revenir avec un fil d’or. Elle le tenait entre ses pattes, qu’elle frottait l’une contre l’autre sans lâcher son précieux butin. Elle se percha sur le bord et laissa descendre l’extrémité du filin doucement dans le bocal.
Dès qu’elle put, l’araignée grimpa le long du cheveu à toute vitesse. Elle s’accrocha d’une patte au rebord sans perdre l’équilibre, allongea un tentacule expert pour attraper la mouche qui lâcha le fil, et la goba aussitôt. Puis elle se hissa sur le bord, se laissa glisser sur les parois extérieures, tomba au pied du bocal et se mit à marcher. Elle avait déjà oublié la mouche, mais elle se sentait un peu pesante après avoir tant mangé. Elle escalada le mur assez lentement, traversa le plafond tête en bas en proie à une légère nausée et revint se placer dans sa toile, juste au-dessus du bocal.
Avant de se positionner pour guetter une nouvelle proie, elle inspecta son réseau de fils arachnéens pour vérifier si des réparations étaient nécessaires à la suite de sa chute. Elle aperçut un trou un peu plus bas. Elle se pendit à un fil et se laissa descendre au niveau de l’accroc pour le repriser. Mais elle était si lourde après avoir gobé la mouche que le fil cassa, et elle tomba une seconde fois au fond du bocal, juste en dessous de sa toile.
Cette fois, elle n’essaya même pas de s’épuiser à sortir, elle savait que c’était impossible. Elle attendit.
Une mouche vint à passer et se posa sur le rebord.
L’araignée, forte de sa première expérience, vit là une porte de sortie et tenta de négocier. Mais la fine mouche lui répliqua gentiment qu’elle avait compris son stratagème. D’ailleurs, elle était sur la fenêtre, et avait assisté à la mésaventure qui était arrivée à l’autre mouche. Elle tenait à sa vie et s’en alla.
L’araignée resta seule au fond de l’aquarium pendant un moment. Ayant mangé la mouche, elle n’avait pas du tout faim. Son ventre était tout rebondi et elle avait même du mal à remuer. Mais son désespoir revenait, elle commençait à penser avec tristesse que le bocal serait peut-être son tombeau. Des pensées contradictoires se bousculaient dans sa tête, mais aucun changement ne survenait. Levant la tête, elle vit avec stupéfaction une autre araignée venir s’installer là où elle avait précédemment tissé sa toile. Elle regarda l’intruse fabriquer sa propre dentelle et prendre sa place.
-- Quel sans-gêne ! disait-elle avec fureur, quel manque de politesse ! Jamais je n’aurais osé faire une chose pareille !
Tandis que l’araignée captive observait le manège de l’araignée en liberté, la mouche qui n’avait pas voulu l’aider voletait au-dessus du bocal. Trop occupée à narguer la prisonnière, la mouche ne vit pas la nouvelle toile qui venait d’être tissée et se précipita dans le piège. L’araignée indélicate s’approcha et dévora la mouche intrépide. Puis elle se pencha et regarda l’arachnide au fond du bocal, qui se morfondait.
Poussée par la curiosité et pas du tout consciente de la colère de sa congénère captive, la deuxième araignée descendit au bout d’un fil et resta suspendue à distance. Elles s’observaient l’une l’autre sans parler.
Une mouche qui voletait en vrombissant tournait autour du bocal. Elle frôla le fil et ses ailes vibrantes le coupèrent d’un coup net. L’araignée en apesanteur tomba à son tour dans le bocal.
La mouche se posa sur le bord et regarda les deux arachnides. L’insecte aimait donner des conseils et philosopher.
-- Voilà ce qui arrive à ceux qui ne tiennent pas leurs promesses, dit-elle.
-- J’avais prévenu la mouche, grommela la première araignée.
-- Tu n’as pas pu t’en empêcher, reprocha le diptère avec mépris.
-- Je le reconnais, répondit la coupable, je suis bien punie maintenant.
-- Ce n’est pas moi qui vais vous aider, reprit la mouche, Profitez bien de la vue au fond du bocal, vous pouvez observer tout ce qui se passe autour de vous.
Les deux araignées se regardaient sans pitié, elles se haïssaient. Elles ne voulaient pas combattre au corps à corps car il n’y avait pas d’enjeu et un seul spectateur, la mouche. Mais elles se disputèrent. Elles s’invectivèrent tant que la mouche ne supporta plus leurs injures et s’envola.
Un long moment passa, les araignées finirent par se taire et restèrent immobiles.
Enfin, le gros chat de la maison surgit de nulle part, sauta sur la table et approcha de l’aquarium. Il vit les deux araignées au fond qui essayaient de se faire toutes petites. Il tenta de les attraper avec sa patte maladroite, mais ne réussit qu’à déplacer le bocal jusqu’à l’extrémité de la table. Finalement il tomba par terre et se brisa en mille morceaux. Les araignées, soudain délivrées par miracle, se sauvèrent de toute la vitesse de leurs pattes. Elles coururent se mettre à l’abri en zigzaguant au milieu des morceaux de verre éparpillés.
En deux bonds, le chat avait disparu loin de la catastrophe.
Perchée sur une étagère, la mouche riait à gorge déployée en voyant la panique des deux prédatrices. Mais bientôt elle se ravisa.
-- Il n’y a pas de justice en ce bas monde, dit-elle avec aigreur. Ces deux là ignorent leur déconvenue, elles s’en sortent encore indemnes.
Cela ressemble à un conte mais comme dans le précédent, je ne pige pas bien la morale. "Il n'y a pas de justice en ce bas monde" ? C'est ça, la morale. Pourquoi pas. Ça change des morales habituelles mais le conte manque de force, de puissance et de contenu.
Qu'a fait de mal la seconde araignée ? S'emparer de la toile cassée d'une autre ? Est-ce vraiment un crime ?
La troisième mouche qui coupe le fil de la seconde araignée est gentille ?
Tout cela me laisse pantoise, j'avoue.
Merci pour ton commentaire.
Il n'y a pas réellement de morale. Les deux premières mouches sont naïves/écervelées/stupides et se font dévorer. Les araignées ne sont pas beaucoup plus intelligentes, même si elles le pensent et finissent au fond du bocal.
La 3ème mouche est plus maligne que les 2 premières et ne se fait par manipuler par les araignées. C'est le chat qui débloque la situation. La 3ème mouche trouve que c'est injuste que les 2 araignées s'en sortent indemnes car à ses yeux elles ne le méritent pas.