Le point de vu de Félix :

Mon beau, mon gentil, mon cher colin...

Comment peut-il me faire ça ? Je le trouve à présent si cruel, lui qui se montrait tellement doux.

J'ai envie de pleurer comme une fille. Si seulement j'en étais capable aurait-il au moins pitié de moi ?

J'en suis là, oui moi, pourtant si fier !

Finalement, j'ignore si j'oserais verser une larme. À quoi bon et de quel droit après tout ? Il ne m'appartient pas, tout comme moi, il est libre. Nous ne sommes pas mariés. J'imaginais juste qu'il n'aimerait que moi. Quel naïf j'ai pu être. Je suis jaloux.

Jaloux de cet arriviste aux mauvaises manières qui le touche et partage notre intimité sans que j'ai eu mon mot à dire. Jaloux de ne plus être la seule oreille attentive à ses plaintes en demi-teinte, mon Colin si réservé jusque là ne se confit plus à moi.

Je me souviens de ses tendres caresses, de nos jeux sous les draps, de ses paroles rassurantes, de nos câlins du dimanche matin. Ses mains glissant le long de mon corps et nos regards de velours échangés si souvent, me manquent tant. Il fait encore parfois des efforts mais ce n'est plus pareil. Aujourd'hui tout est différent, je n'arrive plus qu'à le fusiller des yeux. Ses belles paroles m'indiffèrent quand elles ne me blessent pas. Ses choix m'horripilent  et m'exaspèrent même quand ils ne me regardent en rien. Je doute de lui comme de moi-même, j'ai perdu confiance.

 

 

Pourtant, je n'ai pas le droit de le haïr. Je profite encore de son hospitalité. Je n'ai jamais été vraiment chez moi si on y réfléchit  bien, personne ne m'oblige à rester et subir ça. C'est que, pauvre de moi, je l'aime cet homme là ! Et il a tant fait pour moi jusqu'ici. Nous nous sommes rencontré par hasard, lui en plein spleen, moi affamé, tout deux solitaires. J'étais à la rue, crevant de froid, de faim, les seules choses qui me sauvaient encore se trouvaient être mon air avenant et ma séduction innée. Je vous avoue avoir bien souvent squatté ici ou là, chez bien d'autres gars avant lui. Aucun n'a pourtant autant apprécié ma présence que Colin et pas un seul ne s'est montré assez chaleureux pour que je décide d'être sérieux, d'abandonner liberté et vie de débauche pour rester.

Colin ne m'a pas seulement tendu la main, il m'a ouvert la porte de son appartement en même temps que celle de son cœur et je me suis glisser dans sa vie comme sous ses draps, aussi naturellement que si j'y avais toujours vécu. Il m'a entouré d'attentions et de chaleur et nous avons formé un duo calme et respectueux de l'autre, du moins jusqu'ici...

J'aurais dû m'y attendre, réaliser que si moi j'ai pu m'inviter dans sa couche aussi facilement, d'autres auraient rapidement la même idée. J'ai été candide ou imbécile, au choix.

 

Ce que je ne pige pas, ce que je n'aurais jamais imaginé découvrir chez Colin, c'est ce comportement pervers à la limite du sadisme. Et même si je le constate aujourd'hui de mes propres yeux et ce n'est pas peu dire, je ne l'aurais pas deviné et probablement refusé de le croire, si on me l'avait raconté.

Tous les jours, je m'éveille en ayant l'impression qu'il s'agit d'un mauvais rêve mais chaque fois le cauchemar est là, bien présent, dans MON lit, dans SON lit dans Notre lit !

Il faut bien que vous compreniez une chose, c'est que Colin, pour moi, était l'image même de l'homme bienveillant, bon, timide et manipulable à souhait. Comment aurais-je pu me douter qu'il cachait un esprit tordu, cruel et vicieux ? Parce j'estime qu'il faut l'être pour agir ainsi sans état d'âme devant moi. C'est vrai qu'il a toujours fait preuve de simplicité et d'oserais-je le dire ? D'une certaine légèreté de mœurs, si impudique parfois mais j'ai pris ça pour de la naïveté. Je suis idiot, j'aurais dû deviner sa véritable nature exhibitionniste plus tôt. Cette facilité qu'il eut depuis le début de paraître nu devant moi à toutes heures et tous moments de la journée, avant même que nous ne vivions ensemble véritablement. J'avoue jusque là, je ne m'en étais jamais plaint, il est beau. De plus, mon corps d'ébène luisant se mariait si bien à sa peau d'albâtre, que l'admirer si souvent c'était un peu comme un rêve. Je me rappelle de nos longues siestes. Ses cheveux blonds éparpillés en une couronne sur l'oreiller, me donnaient l'impression que je partageais la couche d'un prince. Cette image idyllique est bien loin maintenant. La chaleur de ses bras m'échappe, c'est un jeune voyou à la brosse hérissée et aux muscles bodybuildés qui en profite pour l'heure. Lui, cet étranger mal embouché, qui laisse à chacun de ses passages son odeur désagréable dans les draps. Et moi, je suis là, je les observe impuissant pendant leurs ébats, tel un voyeur que j'aurais aimé ne pas être. Je me rends compte à quel point Colin a finalement réussi à faire de moi son esclave, au sens propre comme au figuré. Il faudrait que je le laisse, que je quitte au moins la pièce, que je l'abandonne à cet autre mais j'enrage trop, c'est mon homme merde, mon lit, mon chez moi ! Il me l'a dit lorsque j'ai accepté de m'installer avec lui : « Tu es chez toi, mon chaton. » Étais-ce des mensonges ? Et toutes les nuits où étendu contre ses flancs, j'ai rêvé que ces instants ne se terminent jamais, me berçais-je d'illusions ? Et ces après midi où la tête sur ses genoux, j'ai cru oublier que la vie m'a fait éternel solitaire perdu, étais-je aveuglé ? Sans doute oui, me voilà rendu à l'évidence, l'amour exclusif ne dure pas.

La scène qui se déroule encore et encore sous mes yeux me met invariablement mal à l'aise, leurs nez qui se frôlent, leurs corps qui s'emboitent... Il vous faut réaliser que leurs bouches qui se rejoignent, leurs langues qui s'entremêlent m'offrent chaque nuit un curieux ballet que je ne comprends pas.

Mon cher Colin, lui que je considère comme mon « maître » dont j'ai tant de fois admiré le velouté des fesses nues, la fermeté de ses cuisses au duvet léger, se compromet désormais sans manière aucunes. Et je l'observe, simple spectateur déçu, dans des positions plus que compromettantes. Le voici là, le corps tendu de désir, devenant le jouet de se sauvage à la poigne de fer et au regard lubrique. Je ne compte plus, en quelques semaines, le nombre de fois où il s'est laissé corrompre, dominer, hurlant telle une chatte en chaleur, les yeux embrumés, la bouche baveuse entre-ouverte, les doigts crispés sur la couette et le cul offert. J'ai honte pour lui !

Et moi, pourquoi je reste là, seul témoin de cette déca « danse » ? Et comment peut-on appeler ça de l'amour, lorsque l'on s'enjambe ainsi dans la violence et les cries ? Cela ressemble bien plus à un combat, c'est brutal !

Nos nuits étaient si tendres, si j'avais su, peut-être étais-je trop doux ? Moi aussi, j'aurais dû le mordre et le griffer ! Je n'avais pas imaginé qu'il aimerait ça, erreur de jugement si typique. Je n'ai jamais été doué pour le relationnel.

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