Lorsque nous avons déménagé du deuxième au cinquième étage de l’immeuble, nous avons reçu une clef du nouveau bureau et rendu celle du précédent. J’avais perdu le porte-clef de la première, mais j’ai fini par remettre la main dessus. Il ne s’agissait plus que de le rapporter à l’accueil de l’immeuble.
À l’heure du déjeuner j’y ai pensé. Le porte-clef était dans ma poche, je descendais les escaliers avec mes collègues, et n’étais pas encore passé devant le guichet de l’accueil. À ce dernier j’apercevais deux membres du personnel. L’un d’eux était récemment arrivé à WeWork, il était de taille moyenne, blond aux cheveux courts, et il portait une barbe soigneusement négligée de la même couleur. Quand il ne souriait pas il avait l’air d’un caïd repenti, et quand il souriait il avait l’air d’un caïd repenti qui fait de la lumière. Beaucoup de lumière. De la lumière qui allume. Qui allume les slips.
J’aurais pu leur rendre le porte-clef à tous les deux, mais mon génial cerveau me soumit alors cette géniale idée : pourquoi ne pas attendre que mon caïd soit seul ? ainsi j’aurai un prétexte pour lui parler, et me consumer à son sourire.
— « Luc c’est génial : tu fais feu de tout bois !
— Je sais, je suis assez futé comme garçon. »
Au retour du déjeuner l’opportunité ne s’est pas présentée. À la pause de quatre-heures je ne suis pas passé par l’accueil. J’ai pensé tant pis : ce sera pour demain. Sauf que dans l’après-midi, surprise ! Mon caïd est passé au cinquième étage, il a glissé sa tête dans l’entrebâillement de la porte pour dire un mot à mes collègues. J’écoutais de la musique et je n’ai remarqué sa présence qu’au moment où il partait, quittant l’étage par le couloir que je surveille depuis mon mirador. Il s’est arrêté devant les ascenseurs, les a appelés d’une pression du doigt, et a patienté seul devant les deux cages fermées.
Immédiatement je me suis dit « Luc, c’est ton moment ! ». J’ai bondi hors de mon bureau, j’ai avalé le couloir désormais sans surveillance, attrapé le porte-clef au fond de ma poche, et franchi la porte vitrée qui me séparait des ascenseurs.
M’adressant à mon caïd qui me regardait soudain j’ai tout de suite expliqué la situation dans laquelle je me trouvais. Le choix des mots était impeccable, le rythme des phrases harmonieux, mon idée directrice très claire, bref, je me suis expliqué dans un français redoutable d’efficacité. Il a immédiatement compris le problème, s’est saisi du porte-clef que je lui tendais, m’a remercié dans un grand sourire tout pendant qu’il maintenait ouvertes les portes d’un ascenseur qui arrivait à notre étage. Regrettant subitement ma concision je cherchais quelque chose à dire mais ne trouvais rien à ajouter. Je le laissais entrer dans l’ascenseur.
J’ai bien fait d’attendre qu’il soit seul.
Dans tous les cas, pas une lecture transcendante mais pour le soir, avanf dd se coucher, c'est vachement sympa et je me demande s'il va y avoir une suite et, si oui, ce que tu vas nous réserver pour ladite suite !