Le prince

— Jimmy, penses-tu réellement qu’aller à cet entraînement me sera nécessaire ?

Jimmy souffla discrètement en entendant une énième plainte du fils héritier. Ces lamentations commençaient à faire siffler ses tympans, et l’après-midi venait à peine de commencer.

— Bien sûr, mon prince. Tout seigneur doit savoir manier l’épée.

— Apprendre à manier l’épée ? Le prince ricana avant de répondre d’une voix aigre. Ah ! De l’ironie ! C’est plutôt à vous d’apprendre à donner les coups. Je ne suis pas en sucre, un toucher ne me tuera pas.

Ces précautions lui hérissaient le poil. Chacune des personnes du Palais Royal le couvait et le protégeait, et son fichtre rang dans la hiérarchie lupine en était la cause.

Le garde aux cheveux noirs leva les yeux au ciel.

— Un toucher marquerait déjà votre corps d'un hématome important et il lui faudrait une bonne semaine avant qu'il ne disparaisse complètement. Nous ne pouvons pas nous permettre de vous blesser de la sorte. 

Le prince répondit par un soupir en balayant la remarque d’un mouvement de la main. Quel ennui ses soi-disant entraînements. Il aimait bien ça plus jeune, lorsque sa naïveté enfantine cachait ses victoires factices. Les années s’étaient écoulées et il n’était pas idiot. Il ne possédait aucun talent pour l’épée et sa technique ne venait que des longues heures d’entraînements. N’importe quel loup pourrait le vaincre avec une facilité qui ne devrait pas être permise.

— Jimmy, je crois que je suis malade, se plaignit-il.

Le garde ouvrit les immenses portes du terrain d'entraînement avec un air faussement coupable. La semaine dernière, le prince avait simulé une crampe d’estomac, et la semaine d’avant, une migraine. Les tromperies étaient maintenant terminées.

— Nous sommes déjà rendus. Et le mensonge, mon prince, ce n'est pas une bonne option. 

Le prince soupira bruyamment afin de montrer son irritation et ses jambes le menèrent dans la salle qui possédait pourtant une ambiance agréable. Les larges fenêtres offraient une luminosité qui agrandissait la pièce et rendaient le parquet brillant. Les mannequins, bottes de paille et autres cibles s'alignaient contre le mur marqué d'entailles. L'instructeur, un homme aux membres agiles malgré les quelques rides marquant son visage, s’inclina face à lui, secondé par les différents loups s’entraînant déjà. Thélio croisa les bras, attendant qu’on lui indique les exercices à réaliser, et ses bottes se traînèrent lorsqu’on les lui indiqua. Son échauffement dura bien trop longtemps à son goût mais il ne pouvait échapper au regard intransigeant de l’instructeur Jang qui serait déclaré responsable en cas de blessures du protégé. Rien ne devait être négligé.

Sa sueur collait ses cheveux blond cendré à son front, mais il sourit quand on lui apporta son épée en bois. Les choses sérieuses allaient enfin commencer et la fatigue ne l’effleurait pas encore. Il possédait une endurance plutôt élevée pour un oméga, grâce à sa mère. Très jeune, elle lui avait conseillé de pratiquer la course régulièrement afin d'accroître sa rapidité et sa résistance. En combat réel, ses chances de survie se démultiplieraient s’il s’échappait au lieu de se battre. Du moins, en théorie.

La séance d'entraînement prit fin deux heures plus tard par un ultime soupir las du prince. Il n'en pouvait plus et ne mettait plus aucune volonté dans ses coups. Ses vêtements, trop cher pour ce qu'il en faisait, étaient imbibés de sueur. Mais ce n'était pas ça qui le gênait le plus. Le regard des différents loups sur son corps le mettait mal à l’aise. Il détestait être vu ainsi fatigué et à bout de force. Pour autant, ces loups ne l'effrayaient pas. Jamais ils ne le toucheraient. Ils n'osaient déjà pas abattre une épée en bois avec suffisamment de force pour qu’il comprenne que sa vie ne tenait à rien.

Par contre, il haïssait que son rang d’oméga ressorte autant. Les bêtas et alphas qui s'entraînaient avec lui n'étaient pas aussi essoufflés et transpirants. Leurs muscles ne provoquaient pas un martyre à chaque nouveau mouvement. Il grognait contre lui-même et ce faible corps qui refusait de s’endurcir. S’il désirait être un roi respecté, il devait leur prouver à tous qu’être un oméga ne signifiait pas être un faible.

— Prince Dylior Thélio ! Mettez-y plus d'effort et de volonté ! Vos coups manquent de combativité ! s'écria l'instructeur.

Un éclat de rire sans joie s'échappa de sa gorge. Lui ? Manquer de combativité ? S'étaient-ils vus face à lui !? Sa fatigue s'en irait bien vite si les affrontements étaient plus passionnants !

Il jeta son épée au loin, les muscles de son bras s’en électrisèrent mais il ravala toutes expressions faciales. Son regard hautain et son sourire moqueur balayèrent les soldats présents puis il tourna les talons. Personne ne pouvait s’opposer à lui, mais il ne pouvait rien imposer à personne. La noblesse dont il héritait contre son sang qui lui ordonnait de se soumettre et obéir. Alors il préférait partir en laissant derrière lui son odeur sucrée qui envoûtait tant de loups. Celle qui indiquait en une fraction de seconde sa nature maudite. Oméga, le pire des trois rangs.

Le prince pestait sur le chemin de la salle de bain :

— Pourquoi faut-il que ce soit si monotone ? Rah ! Je m'en lasse ! 

Jimmy le laissait parler seul. Il se plaignait pour évacuer sa colère et n’avait que pour conséquence de casser les oreilles à son garde. Ce dernier en était habitué et se contentait de le suivre en silence jusqu’à la salle de bain. 

Son corps pénétra dans l’eau chaude et le blond en lâcha un soupir de soulagement. Ses muscles se relâchaient et la sueur s’évacuait dans cet énorme bain rempli de mousse odorante. Un bain si grand que même en se tenant debout, ses orteils ne touchaient pas le fond. Il adorait s’y laisser flotter, seul avec ses pensées. L’unique lieu où il pouvait extraire ces devoirs de sa tête. Même son garde restait à la porte, et les domestiques censées le laver avaient été renvoyées depuis des années. Le prince Thélio tenait absolument à son intimité, hors de question que son corps dénudé et svelte soit à la vue de quiconque. 

L’eau lui permettait de s’envoler et d’échapper au poids du monde, de profiter d’une solitude rare. Chaque heure de la journée se partageait avec Jimmy afin que le moindre de ses désirs soit comblé. Le prince sourit malgré tout. Il l’aimait bien ce garde, devenu son confident au fil des années et il pourrait presque le considérer comme un ami. Évidemment, il ne l’était pas, ou alors l’amitié se résumait à engager sa vie pour celle d’un autre, sans aucune réciprocité.

Le Royaume entier cherchait à protéger et préserver le prince de toute blessure. Des gardes étaient même disposés devant la porte de sa chambre lorsqu’il dormait. Après tout, il était le prince, fils unique, oméga et héritier du trône. Il pourrait être tué, blessé, kidnappé ou marqué. Le fait qu’il ne soit toujours pas marié à un alpha pour le protéger relevait du miracle. Son âge, vingt-deux ans, était même avancé pour quelqu’un comme lui et de cette lignée. Les critiques sur le laisser-faire de son père fusaient mais le roi démontrait une patience remarquable. Il savait que partager sa vie avec une personne qui nous était indifférente était un supplice. Lui-même fut fiancé de force avant de se marier avec la louve qu’il désirait : la reine actuelle. Un choix très virulent puisqu’elle était l’une des couturières de la famille royale, mais leur amour gagna les cœurs. 

Le prince adorait leur histoire, et c’était sûrement pour cette raison que son père attendait pour le marier. De nombreux bals et de nombreux festins s'organisaient dans le but qu'il rencontre cette fameuse personne qui changera sa vie.

 

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Princesse Devil
Posté le 02/08/2024
J’adore le style de ton écriture qui est fluide et précis. ☺️
Dans un sens, je comprends le prince, il est comme qui dirait surprotéger, mais c’est pour son bien.
Ça ne doit pas être facile tous les jours pour lui et surtout pour le garde. 😅😂
C’est bien que le roi lui laisse du temps encore pour le mariage. ☺️
Emma
Posté le 12/05/2024
Bonjour, je suis passée voir tes écrits, et je m'arrête sur une phrase :

1)Il croisa les bras, attendant qu’on lui indique les exercices à réaliser, et ses bottes se traînèrent lorsqu’on les lui indiqua.
Il y a 2 fois le verbe "indiquer" et 1 fois "qu'on" et "lorsqu'on"
ex: il croisa les bras, attendant qu'on lui désigne les exercices à réaliser, et ses pieds se trainèrent vers l'endroit indiqué.

2)Son échauffement dura bien trop longtemps à son goût mais il ne pouvait échapper au regard intransigeant de l’instructeur Jang qui serait déclaré responsable en cas de blessures du protégé
tu pourrais le dire ainsi :
Son échauffement dura bien trop longtemps à son goût mais il ne pouvait échapper au regard intransigeant de l’instructeur Jang, responsable de son état de santé.

3)Leurs muscles ne provoquaient pas un martyr à chaque nouveau mouvement.
ex : leurs muscles ne souffraient pas le martyr à chaque nouveau mouvement.
souffrir le martyr est le terme que tu sembles chercher :)

4)La noblesse dont il héritait contre son sang qui lui ordonnait de se soumettre et obéir.
désolée, mais je ne comprends pas cette phrase ?!
voulais-tu dire ceci : l'héritage de son sang royal, le plaçait au dessus des autres, pour autant il devait, lui aussi se soumettre et obéir.
merci d'avance pour tes explications :)
Et voilà, j'ai fini de t'embêter, dès que je vois un texte, c'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de corriger, désolée d'avance si cela t'as contrarié, je lirais la suite de ton roman, n'hésite pas me dire si mes commentaires sont les bienvenue.
A bientôt
Ember Akki
Posté le 12/05/2024
Bonjour et bienvenue !
Merci pour tes remarques qui sont évidemment les bienvenues. J'ai envie de m'améliorer et les commentaires constructifs vont m'aider :)
Concernant le 3, je pense juste avoir oublié un e à martyr parce qu’ici il est au sens de souffrir.
Pour la 4 , c'est exactement ce sens là, mais il doit me manquer une virgule, ou quelque chose, dans la phrase pour marquer la séparation entre les la noblesse et le sang.

Au revoir, à bientôt !
Lady Book
Posté le 26/04/2024
Bonjour,
Je suis nouvelle sur Plume d'Argent, et ainsi je débute, alors peut-être que mon commentaire ne vous aidera pas beaucoup dans la réalisation de votre livre...
J'ai beaucoup aimé votre premier chapitre ; la lecture est fluide, on cerne bien le cadre de l'histoire, qui sont les personnages, et je n'ai eu aucun mal à rentrer dans l'histoire. Les sentiments des personnages sont très bien décrits, bravo ! De plus, le vocabulaire utilisé est bien, vous rentrez vous-même dans l'histoire afin de faire des dialogues adaptés au milieu (je ne sais pas trop comment formuler).
Si je peux juste donner un conseil, ça serait la description des lieux ; j'ai pour l'instant du mal à m'imaginer la salle entraînement.
Au revoir :)
Ember Akki
Posté le 26/04/2024
Bonjour et bienvenue sur Plume d'Argent !
Merci pour ton commentaire et j'avoue ne m'être jamais arrêté sur la description de cette salle, et avec réflexion je crois que je ne fais pas beaucoup de description de lieu en général. C'est défaut que je vais devoir travailler et corriger 🤔
Merci et au revoir^^
Ember Akki
Posté le 14/05/2024
Bonjour !
J'ai ajouté cela, c'est pas encore très détaillé mais c'est un peu mieux j'imagine.
"... la salle qui possédait pourtant une ambiance agréable. Les larges fenêtres offraient une luminosité qui agrandissaient la pièce et rendaient le parquet brillant. Les mannequins, bottes de pailles et autres cibles s'alignaient contre le mur marqué d'entailles. L'instructeur, un homme aux membres agiles malgré les quelques rides marquant son visage.."
Au revoir :)
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