Le salaire des auteurs

« Glapir quelque bon vers sur une mandoline
Est-ce un choix de carrière ? »
Demandent tour à tour mon futur et ma mère.
Te paiera-t-on en rire lorsqu'à la cantine
Tu mendieras du pain
En faisant une rime où soulager ta faim ?
Vraiment, la poésie ce n'est pas la cuisine.

Ce n'est pas un travail de rendre beau la vie.
Au mieux dans un sérail -
Lorsqu'on est payé pour, ou par un soupirail,
Si l'on a rien de mieux à rendre à ses amis,
Juste pour divertir :
J'accepte jusque là de t'entendre gémir
Mais si c'est pour toujours, c'est trop de poésie.

Le monde est plein de plaies bien oisives qui coûtent
À notre société
Trop cher pour ce que c'est : qu'un air de cabaret,
Qu'une ardeur inutile, qu'égotisme, que croûtes !
C'est mal fait d'être artiste
Si l'on est pas bourgeois, c'est une voie bien triste
Où trop d'enfants se perdent sur de longue routes.

Il y a dans un bureau l'occasion d'être heureux,
Le plaisir d'être au chaud,
Sans pour autant rêver et croire au fard, au faux,
Aux fables de bohème : ce n'est pas sérieux.
Il faut rêver d'étude,
Être notaire, un jour ministre, métiers rudes,
La banque et son labeur, même prof s'il le faut.

Vous voulez ma pensée ? Il faudrait bien les pendre
Ces corrupteurs trop gais.
Qui sont ces gens de rien mettant par leurs méfaits
Quelque conte de fée dans les cerveaux à prendre ?
Même mieux brûlons-les !
On mettra dans le feu leurs tableaux, leurs sonnets,
Leurs chansons si on peut ! Et nous aurons des cendres.