La morve au bout du nez, la merde au coin des yeux,
Ma mémoire égarée au détour d'une rue,
Je contemple badin mon passé souvenu :
Les trottoirs pour le vin sont pour le moins spongieux
Tout le monde y déverse un peu de sa liqueur ;
C'est Bordeaux en averse et ses larmes écument
Les miroirs et parvis que des parpaings d'écume
Pavoisent de débris de glace et de douleur.
Pour tous ces enfants morts d'avoir grandi soudain,
Pour qui toute promesse est un jeu anodin,
Dont l'inféconde espèce est salie par le temps,
(Mais le dirais-je encore aussi pur dans vingt ans ?)
Observez en vous-même un silence lucide
Un instant pour songer au sombre infanticide,
Impuissant meurtrier que je suis en ces vers,
Car cet enfant vous aime et fit tout pour vous plaire.
Mes os prirent du poids, ma voix des notes graves
Au plus profond de moi, qu'y a-t-il d'identique
Au drôle de morveux, au timide loustique,
Que je fus bienheureux d'incarner, ce bas zouave,
Tardillon sans ennui et poète lépreux
Dès que l'âge eut permis les excès du langage ?
Tout a changé, vraiment, il n'est plus d'enfant sage
Qu'au regard des parents, la ride au coin des yeux.
Et les rides un jour boursoufleront ma peau,
Flétriront ma jeunesse (ai-je un jour été beau ?)
Je ferai la promesse, ainsi que font les mioches
De porter mon amour aux oiseaux les plus moches,
Aux autels qu'on détruit, aux fleuves que l'on draine.
Je serai partisan des amis de la haine,
Et j'aurai des enfants au pays des merveilles
Exempt de tyrannie mais baigné de soleil.
j'aime réellement la sensibilité de ce poème
:)
xx haïku