— … Et que vous soyez Jaeniste ou Eljaniste, n’oubliez jamais que vous êtes égaux aux yeux du Père et de la Mère ! Quelle que soit votre orientation, Jaénir et Eljane vous aiment !
Le sermon fut accueilli par un tonnerre d’applaudissements. Il est vrai que l’archiprêtre Ulfan –le modeste serviteur de la foi comme il se plaisait à le rappeler– savait galvaniser les foules. Transcendé par sa performance, le religieux pointa le doigt vers un jeune garçon, assis au fond de la salle.
— Toi ! tonna la grosse voix, oui toi ! Approche donc jeune fils du couple divin !
Le pauvre gamin désigné tremblait de tout son corps, poussé par un homme à la bedaine proéminente et rougeaud qui semblait être le fier géniteur. Le marmot s’avança lentement vers Sa Sérénissime Seigneurie, qui lui ouvrit les bras avec toute la bienveillance dont elle était capable.
— Mon enfant ! Quel âge as-tu ?
— Huit ans monseigneur, presque…
— Huit ans ! répéta l’homme d’église. Mais tu es presque un homme ! Et dit moi, quelle est l’orientation de ton père ?
— Plutôt…plutôt modérée… Divin sur Terre. Vous savez, il est pêcheur sur le lac du Cœur, et y dit toujours qu’ça fera pas d’trop d’avoir deux amants au dessus d’la caboche pour ramener du poisson frais… Faut s’nourrir qu’il rajoute, et…
L’archiprêtre interrompit le gosse d’un geste de la main.
— Et toi, aspires-tu à suivre le chemin tracé par ton père, ou as-tu davantage d’ambition ?
Le pauvre homme visé au fond du lieu de culte gesticula sur sa chaise, visiblement mal à l’aise.
— Et bien je… je pensais… peut-être…devenir Jaéniste… Seigneur.
Nouvelle explosion d’allégresse au sein de la paroisse.
— Un adorateur du Père ! exulta l’homme saint. Peut-être un futur soldat de la Foi ! Va maintenant rejoindre ta place.
Le mioche ne se fit pas prier et disparut promptement du chœur pour rejoindre ses parents, dans l’obscurité rassurante de l’anonymat.
— Car nous ne sommes jamais de trop, vous le savez mes ouailles, pour contenir les agressions sournoises de l’Innommable, capable de revêtir bien des formes et d’user de stratagèmes insidieux afin de piéger les cœurs faibles !
Oui, c’était irrévocable, Eyanna trouvait cet Ulfan insupportable. Avait-il conscience qu’il prêchait aujourd’hui dans le sanctuaire d’Eljane, la Mère ? Non pas qu’elle accordait un intérêt particulier à la religion, mais bon, on ne savait jamais n’est ce pas ? La jeune fille avait seize ans, un petit nez retroussé, de grands yeux noisette qui lui dévoraient le visage, et des cheveux hirsutes noirs de jais qui ne poussaient pas (au grand désespoir de Dame Eline) quoi qu’elle puisse tenter. Elle avait même l’impression parfois, Eljane lui vienne en aide, qu’ils étaient plus courts que la veille. S’ajoutait à cela une poitrine qui commençait à sérieusement l’exaspérer en prenant la liberté d’enfler sans retenue. Mais franchement ? A quoi ça pouvait bien servir si ce n’était l’entraver pendant ses longues chevauchées qu’elle affectionnait tant. Bref, elle avait quand même des soucis plus importants à gérer qu’écouter l’allocution barbante d’un vieillard dégoulinant de suffisance. Pourtant, installée au troisième rang, elle avait tout le loisir de profiter pleinement de l’homélie dispensée. C’était là le privilège de la fille du Roi. Son père, le souverain Déleber Estelon était le descendant du légendaire Jyléter, qui avait instauré une paix durable à travers les terres d’Eryon en rassemblant tous les peuples, de gré ou de force, sous une même bannière. La famille Estelon gouvernait depuis des siècles ce gigantesque royaume d’une poigne de fer. Autant dire que son père n’était pas le premier venu. Il était installé au premier rang, et suivait le discours avec attention. Même si les rapports avec l’ordre religieux étaient plutôt tendus en ce moment, il mettait un point d’honneur à paraître irréprochable. Nul besoin de jeter de l’huile sur feu. Ah, la politique… songea Eyanna en levant les yeux au ciel. Juste à la gauche du souverain se tenait sa mère, une élégante femme au teint pâle. Ses longs cheveux blonds se regroupaient en un somptueux chignon, agrémentés d’orchidées et de feuilles de lierre. On pouvait sans nul doute affirmer que Dame Doline était la plus belle créature d’Eryon.
Sauf que…
Elle n’avait pas toute sa tête… La jeune fille l’avait toujours connue dans cet état végétatif, à régurgiter inlassablement le même flot de paroles incompréhensibles. On lui avait longuement vanté le délicieux caractère de sa mère, ainsi que sa délicatesse et son esprit pétillant et raffiné. Elle venait de la ville d’Abysse, le berceau des artistes et des poètes, située à l’extrême ouest. Là où, paraît-il, le monde s’arrête, ainsi que le fleuve de la Dénelle, se jetant impétueusement dans les abîmes. La vérité est que la pauvre enfant avait cruellement manqué d’une figure maternelle, et ne devait son salut qu’à la bienveillance et au dévouement de Dame Eline.
Bref… Elle était donc la fille de puissants monarques, mais fort élégamment, Jaénir et Eljane avaient eu l’heureuse idée de leur offrir deux rejetons avant de se pencher sur son cas, la libérant ainsi des affres de la cour en lui accordant un anonymat salvateur. Elle pouvait se permettre des écarts auxquels jamais ses aînés ne pourraient se livrer. Elle jouissait d’une liberté dont elle profitait pleinement, quitte à parfois faire grincer des dents son entourage. Etait-ce sa faute si le couple divin l’avait dotée d’un esprit tant aiguisé et d’une soif d’aventure si prononcée ? Si elle n’était pas aussi fade et inintéressante que… Son regard glissa jusqu’au deuxième rang où se trouvaient son frère et sa sœur. Existait-il sur cette terre une créature plus insipide que cette dernière ? Peut-être ces cochons, vautrés dans la boue, qu’elle avait aperçus sous le viaduc en se rendant au sanctuaire de la Matriarche, plus tôt dans la journée. Encore que… il était injuste de blâmer les pauvres bêtes, Dame Eline ne lui avait-elle pas un jour expliqué que ces animaux avaient besoin de réguler leur température interne ? Ou quelque chose comme ça. Il faut avouer que l’assiduité à ses cours n’était pas la première de ses qualités. Sa sœur se tenait parfaitement droite, les jambes croisées et les doigts entrelacés, elle buvait littéralement les paroles de l’archiprêtre. Exhibant de façon ostentatoire les attributs dont l’avait dotée les Amants, elle était tout simplement… et bien elle-même… Nemyssïa était juste parfaite. Soulignant sa longue chevelure soyeuse auburn qui lui tombait le long des épaules, de petites taches de rousseur lui parsemaient le visage, d’une finesse exaspérante, mettant en relief de grands yeux en amande et d’un vert profond. Elle était jolie et distinguée, tout ce qu’Eyanna ne serait jamais. Elle n’avait que trois ans de plus, mais tous les nobles s’arrachaient déjà ses faveurs. Chaque journée amenait son lot de prétendants, héritiers en tout genre venus des quatre coins du royaume afin de courtiser la jeune femme. Et elle aimait ça, il fallait la voir faire languir tous ces jouvenceaux qui venaient se pâmer devant elle. Elle allait pouvoir s’en donner à cœur joie dans quelques jours, quand commenceraient à débarquer des délégations venues de partout pour assister à la célébration de la Matriarche. La capitale allait se transformer en véritable foire pour l’occasion.
Au côté de Nemyssïa, son frère avait également fière allure. Grand, large, à vingt-et-un ans, Ethyer était déjà un homme prêt à succéder dignement à son père. Sa vie était rythmée de devoirs tous plus barbants les uns que les autres. Le jeune homme devait jongler entre les entraînements intensifs à l’épée, les cours interminables sur la gestion d’un royaume, le protocole complexe de la cour, les doléances du peuple… Difficile de s’imaginer que le prince, si énergique, ait pu être un enfant chétif, constamment malade les cinq premières années de sa vie, et dont personne n’espérait qu’il fête un jour ses dix ans. Une secousse la tira de sa méditation, elle tourna la tête pour contempler le géant sur sa droite. Un homme massif remuait en faisant gémir le frêle banc en bois. Au moins un qui n’avait pas davantage envie d’être ici qu’elle. Le mastodonte avait une chevelure épaisse et une barbe hirsute lui dévorait le visage, ne laissant apparaître que deux petits yeux noirs perçants. Il lui lança un regard désespéré. Son oncle Althaer n’était pas fait pour les endroits clos, il était un homme d’action. Ca faisait du bien de le revoir, il était rentré depuis peu pour assister à l’intégration de sa nièce, qui aurait lieu au terme de la célébration de la Matriarche. Il avait quelques années de moins que le roi, mais contrairement à son frère, le temps ne paraissait avoir aucune emprise sur lui. Il avait été marin sur les mers du sud pendant sa jeunesse, voguant au large des iles indigènes et accostant sur les quais de la dangereuse ville des Affanites ; il s’occupait maintenant de défendre les intérêts de la couronne. Il parcourait le royaume, se déplaçait dans les contrées les plus lointaines, et revenait à chaque fois avec des histoires exotiques qui faisaient rêver Eyanna. Il avait visité Abysse, bien sûr, ou Candala, la cité sainte un peu plus au nord, mais ses voyages l’avaient également amené à longer la mystérieuse forêt Daëlienne, où à se rendre dans l’aride Kler Betöm la Fière, gardienne du Goulet.
Les paroissiens entonnèrent les chants religieux, le calvaire touchait à sa fin.
— Et maintenant, mes indéfectibles croyants ! Il est temps de clôturer l’office par les traditionnelles implorations ! récita le modeste serviteur de la Foi d’une voix enfiévrée. Levons-nous, et rendons grâce au couple divin !
Le sanctuaire de la Matriarche Eljane était aussi somptueux que celui du Patriarche était austère. Située sur une colline à l’ouest de la capitale, le bâtiment surplombait le lac du Cœur et jouissait d’un vue exceptionnelle sur l’ensemble du royaume central. Commencée sous l’impulsion de Jyléter, la construction de l’édifice s’était étendue sur plus de deux siècles. A une époque où les terres d’Eryon étaient ravagées par la guerre, les habitants avaient eu besoin d’un symbole puissant, lequel avait de surcroît considérablement affermi l’influence des ordres religieux.
L’archiprêtre Ulfan se plaça au centre du chœur en écartant les bras, et la lumière matinale l’illumina en l’auréolant, en passant par de petites fenêtres astucieusement placées sur la face est du sanctuaire. Derrière lui, les immenses rideaux s’ouvrirent lentement, laissant apparaître deux grandes ouvertures où se dessinèrent deux majestueuses montagnes. Les massifs avaient beau se trouver loin au nord, leurs tailles phénoménales leur permettaient d’être visibles à des lieues à la ronde. Les élévations divines avaient de tout temps alimenté les croyances, intelligemment orientées par l’église, et les pèlerinages vers la ville sainte de Candala, étaient très prisées. C’est ainsi que Jaénir et Eljane, le Patriarche et la Matriarche, dominaient le monde connu.
*
La famille Estelon se dirigeait vers les carrosses, sous l’étroite surveillance des gardes, lorsque l’archiprêtre les interpella.
— Un instant majesté, j’aimerais m’entretenir avec vous !
L’homme de foi se dirigea vers le roi, mais fut vite arrêté par son escorte. D’un signe de main, Déleber ordonna à ses hommes de dégager le passage.
— Votre Sainteté ? s’enquit le monarque.
— Hmmm… votre Grâce… j’espère que le sermon d’aujourd’hui aura été à la hauteur de vos attentes ?
— Tout était parfait mon Père, comme à votre habitude.
— Bien, bien, répondit Ulfan, l’air préoccupé. En fait, J’aurais souhaité vous parler d’un sujet quelque peu…délicat.
Allons donc, allez vieux bouc, crache ton venin, songea Déleber.
— Je vous en prie, vous savez que la couronne fait toujours tout ce qui est en son pouvoir pour consolider ses rapports avec Candala.
— Je suis bien aise de l’entendre Seigneur, car voyez-vous, on m’a rapporté qu’une expédition était partie en direction du nord ; et vous n’ignorez pas que les déploiements de soldats sont strictement interdits à proximité de la cité sainte, comme le stipule très clairement les écrits sacrés. A part nos vaillants gardiens de la foi évidemment.
Il fallut un temps au Roi pour assimiler l’information. Althaer, bon sang, qu’as-tu encore fait ? Dans quelle position bancale vais-je encore me retrouver par ta faute ?
— Evidemment. Vous pouvez être assuré qu’il s’agit d’un malentendu, tenta de le rassurer le souverain. Si une troupe s’est approchée un peu trop du nord pendant un exercice, ne doutez point qu’elle sera rappelée, et que son capitaine sera vivement réprimandé.
— Parfait, parfait, je vous remercie pour votre sollicitude Sire, et je n’ai aucun doute sur le fait que vous sachiez exactement où s’arrête l’influence du pouvoir royal sans en abuser, susurra l’archiprêtre.
Déleber encaissa la menace à peine voilée sans broncher.
— Vous pouvez aussi bien vous faire torcher le derrière avec vos écrits sacrés par vos jouvencelles qui vous servent de soldats, vieux libidineux ! rugit soudain le frère du roi.
L’insulte fusa comme un coup de poignard, sans prévenir ; Dame Eline et Nemyssïa ouvrirent de grands yeux horrifiés, Ethyer resta impassible, tandis qu’ Eyanna gloussa discrètement. Le représentant des dieux sur terre manqua de faire une attaque.
— Comment... comment osez-vous… ? s’étrangla l’homme saint, livide, une vilaine veine menaçant sérieusement d’éclater sur sa tempe. Hérétique ! Soyez certain que Candala sera informée de vos propos blasphématoires ! Je vais de ce pas…
Le mastodonte barbu s’approcha dangereusement de lui et Déleber se demanda si son frère n’allait pas déclencher une guerre sainte à lui tout seul.
— Qu’est-ce que vous allez faire ?! meugla le géant en postillonnant au visage du protecteur de la foi, si proche, que celui-ci dût se demander si ses fonctions religieuses n’allaient pas prématurément prendre fin. Nos cultures sont en mauvais état à cause des tempêtes hivernales, les habitants d’Elhyst ont du mal à subvenir à leurs besoins, et nous avons des dettes titanesques envers les Affanites qui nous tiennent par les bourses avec leur monopole des matières premières ! Et que fait la ville pieuse ? Rien ! Nous continuons à nourrir un ramassis de vieilles barbes ventripotentes, sous prétexte que les écrits sacrés l’ordonnent ! Tout ça sous le regard bienveillant du couple divin ? La vérité est que nous avons besoin d’explorer les montagnes, et d’en extraire les richesses si nous voulons survivre ; ainsi que d’ouvrir des voies vers l’extrême nord, par delà les massifs septentrionaux, afin de découvrir de nouvelles terres fertiles et exploitables !
— Et comment comptez vous faire ? siffla Ulfan. En mettant de côté que l’ascension de nos divinités soient déjà un sacrilège majeur en soi, jamais vous ne parviendriez à traverser Eljane . Retrouver son chemin à travers ses nombreux défilés, ses crêtes rocheuses, ses sommets escarpés n’est pas imaginable. Quant à Jaénir… Le prêtre ricana doucement. Le Père est tout simplement inaccessible aux mortels. Ses pentes abruptes sont impraticables, il n’existe aucun sentier, rien sinon du vide.
— Ne confondez pas nos soldats aguerris avec vos moinillons bedonnants, rétorqua le colosse. Un peu de neige ne les arrêtera pas.
Les deux hommes se jaugèrent un instant, les regards enracinés l’un dans l’autre, jusqu’à ce que l’élu finisse finalement par baisser les yeux. Il recula d’un pas et se détourna, drapé dans sa fierté ecclésiastique.
— Peut-être pas un peu de neige, non…, lança t-il en s’éloignant.
Merci pour cette déclaration de guerre ouverte à Candala mon frère, songea Déleber avec amertume.
*
Le retour fût monotone. Le Roi monta dans le premier carrosse, accompagné de son frère et de son fils, tandis que Nemyssïa prenait le second avec sa mère et sa sœur. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre… et c’était aussi bien : elle n’avait aucune envie de se retrouver entre son père et son oncle à cet instant précis, le trajet risquait d’être agité. Elle soupira en s’installa confortablement sur son siège, à côté de Dame Eline, tandis que le véhicule s’ébranlait. Sa sœur était assise en face d’elle, serrant vivement la main de leur mère. La pauvre femme semblait fortement perturbée.
— Nooon,…tyéalt…chmoi…nooon… bégayait-elle d’une voix tremblante.
Parfois lucide au point de reconnaître ses enfants, la Reine était plongée dans un intense désarroi à la moindre démonstration de colère. Comment un homme peut-il être si indélicat, si rustre ? songea Nemyssïa avec âpreté. Elle en voulait profondément à son oncle ; l’individu était une brute épaisse. Comment son frère pouvait-il être si proche de ce barbare ? Et sa sœur, cette petite écervelée qui lui vouait quasiment un culte… Elle soupira et se concentra sur le paysage. Le palais se trouvait à l’autre bout de la ville, à l’est, et il leur faudrait un certain temps pour la traverser. Le sanctuaire de la Matriarche était situé sur une colline de l’ouest, et un gigantesque viaduc en permettait l’accès, enjambant les quartiers les plus pauvres de la cité. Alors que le carrosse avançait mollement, elle pouvait apercevoir sur sa gauche l’imposant lac du Cœur. Il était alimenté par la Rurque qui prenait sa source dans les montagnes, traversait Candala plus au nord, pour venir se jeter furieusement dans l’étendue d’eau sous forme de cascade. Deux fleuves découlaient ensuite du lac. La Dénelle qui partait vers l’ouest jusqu’à la patrie de sa mère : Abysse, où elle disparaissait tumultueusement dans les profondeurs des confins du monde. Le Nyx lui, glissait paresseusement vers le sud, longeant Kler Betöm la Fière jusqu’à l’estuaire des Affanites pour terminer son périple dans les mers méridionales. La jeune femme jeta un coup d’œil rapide à sa sœur ; pour une fois, le petit scorpion se taisait. Parfait. Elle se replongea dans la contemplation de la capitale.
Au bord du lac se trouvait le port, gargantuesque fourmilière, où s’activait une multitude de personnes. De nombreux bateaux de pêche effectuaient des allers-retours vers le large, sans toutefois s’approcher de la grande île qui émergeait au centre. De nombreuses légendes circulaient sur elle, et mieux valait ne pas s’y aventurer. Le port donnait sur une cuvette, où se situaient les bas-fonds de la ville. Véritable lieu de misère et de dépravation s’étendant au pied de la colline de la Matriarche, à l’ombre du viaduc, le Cloaque n’était pas un endroit où il faisait bon vivre. Les soldats ne s’y aventuraient que très rarement, et ils étaient régulièrement accueillis par les chimères, un ramassis de coupe-jarrets qui défiait l’autorité. La loi du Roi ne s’appliquait pas vraiment ici, et les rixes y étaient monnaie courante. Déleber avait depuis longtemps cessé de s’y intéresser, laissant la plèbe gérer ses affaires comme elle l’entendait. Après tout, c’était un moyen comme un autre de réguler la population. La ville avait ici grandi de manière anarchique, comme une tumeur obscène, comblant le moindre vide sans aucune logique. Nemyssïa pouvait apercevoir les bâtiments crasseux et les allées boueuses où circulaient péniblement des carrioles, bousculant des femmes et leurs enfants sans ménagement. Des catins se tenaient devant les bordels, aguichant les passants sous le regard malveillant des maquereaux.
Mais comment ces gens peuvent-ils vivre dans une telle indécence ? N’ont-ils donc aucun amour propre ? Aucune fierté ? s’interrogea-t-elle en plissant le nez de dégoût.
Tout cela dépassait l’entendement de la jeune fille, habituée au luxe et à la vie de cour. Le convoi royal entamait à présent la descente en pente douce jusqu'au pont des Amants, permettant de franchir le Nyx et marquant officiellement l’entrée des quartiers bourgeois. Enfin se rassura-t-elle intérieurement. Elle avait décidément vraiment horreur du Cloaque qui s’étendait comme une pieuvre répugnante à travers la capitale, amenant son lot de maladies et de malheur aux bonnes gens. On entrait ici dans un monde totalement différent ; un lieu ou la civilisation et la bienséance reprenaient leurs droits. Heureusement, le plateau surélevé sur lequel se trouvait la partie riche de la ville formait une barrière naturelle, empêchant un quelconque rustaud mal intentionné de venir commettre un larcin ici. Seuls quelques passages scrupuleusement surveillés permettaient l’accès à leur univers. Il y avait bien sûr eu, ces siècles derniers, quelques révoltes et quelques guerres civiles, mais les justes avaient toujours su remettre la populace dans le droit chemin.
L’architecture était ici très différente, carrée, parfaite, organisée en cercles concentriques autour de la place principale où on trouvait les boutiques les plus prisées du royaume. Loin derrière se profilait la silhouette sévère, mais rassurante, du sanctuaire de Jaénir, le Père. Finalement apparut le palais royal, splendide édifice à la mémoire de Jyléter le conquérant. Enfin à la maison.
Oui, je suis assez friand des histoires mêlant beaucoup de personnages alors forcément... Mais ça vient petit à petit, on se familiarise avec eux^^
Content que les dialogues te plaisent! merci de ton retour!
A bientôt^^
J'ai plein de choses à dire ! Tout d'abord, ce chapitre est vraiment accrocheur, on est tout de suite captivé et pris dans le rythme. Le décor est bien posé, on sent un univers complexe et pourtant clair (même si je doute avoir retenu tous les éléments présentés ici). Le concept de la religion et du couple divin est vraiment intéressante également. Ton style rend le tout très agréable à lire.
En revanche, je dois avouer que pour l'instant, je ne trouve pas tes personnages très sympathiques ! Mais dans le bon sens du terme : les deux soeurs ont l'air toutes les deux d'avoir des opinions tranchées et leurs propres préjugés. J'espère qu'on aura l'occasion de les voir évoluer.
Cela dit, je dois avouer que je me méfie beaucoup de la rivalité entre Eyanna et Nemyssïa. Le cliché des deux soeurs, l'une garçon manqué l'autre hyper féminine qui ne peuvent pas se supporter... Disons que c'est difficile à traiter, de peur de tomber dans la caricature. J'espère vraiment voir une évolution de leurs personnages, qu'elles se rapprochent (ou pas d'ailleurs, à condition que ce soit pour de "vraies" raisons).
Aussi, la description physique d'Eyanna tombe un peu de nulle part, une petite phrase juste avant pourrait rendre ça plus naturel. Je n'ai pas très bien compris aussi pourquoi la description de la taille de sa poitrine apparaissait dans ce chapitre, ça ne me parait pas essentiel, même si c'est pour insister juste après qu'elle monte souvent à cheval etc (une fois encore, le piège de la caricature du garçon manqué).
Cela dit, j'ai très envie de lire la suite car comme je le disais, je suis vraiment prise dans ton histoire. Il y a beaucoup de choses positives dans ton histoire, je crains juste qu'avec ce que tu nous présentes là, certains personnages tournent dans des "figures" plutôt que des personnages à part entière. Je vais lire les chapitres suivants pour me faire une idée plus solide.
À bientôt :)
Très heureux de te retrouver par ici^^
Et Merci pour les compliments.
Tu as raison pour les sœurs, on peut vite tomber dans la caricature. Mais mon histoire ne va pas forcément s'appuyer sur ces différences. Et je trouve qu'il n'y a rien de plus triste que des personnages qui n'évoluent pas dans une histoire. C'est un aspect que je travaille. Je sais où je veux aller^^
En ce qui concerne la poitrine d'Eyanna...
Je sais que ça peut paraitre surprenant, mais il y a une raison à cette description. (Rien de glauque hein!)
Mais je pense modifier ce passage car finalement, j'ai trouver un autre moyen de faire passer ce que je veux.
A bientôt!
Très heureux de te retrouver par ici^^
Et Merci pour les compliments.
Tu as raison pour les sœurs, on peut vite tomber dans la caricature. Mais mon histoire ne va pas forcément s'appuyer sur ces différences. Et je trouve qu'il n'y a rien de plus triste que des personnages qui n'évoluent pas dans une histoire. C'est un aspect que je travaille. Je sais où je veux aller^^
En ce qui concerne la poitrine d'Eyanna...
Je sais que ça peut paraitre surprenant, mais il y a une raison à cette description. (Rien de glauque hein!)
Mais je pense modifier ce passage car finalement, j'ai trouver un autre moyen de faire passer ce que je veux.
A bientôt!
Ce premier chapitre me fait bien accrocher l'histoire. L'alternance de point de vue est un procédé que j'apprécie beaucoup. C'était une bonne idée de lancer cette histoire par un chapitre qui touche à la religion, ça change et on a directement un des enjeux de l'histoire clairement exposé.
Le couple des soeurs est intéressant, il me fait un penser au duo des soeurs stark dans le trône de fer au niveau des caractères. Hâte d'en apprendre plus sur elles.
"Encore que… il était injuste de blâmer les pauvres bêtes," Ce passage m'a bien fait rire ^^
Si je peux me permettre, je trouve que ce serait bien que tu passes un peu plus souvent à la ligne. En lecture numérique, je trouve que c'est plus agréable.
Un plaisir,
A bientôt !
Ravi que tu apprécies le début, j'ai toujours aimé les livres alternant les points de vue. Je trouve toujours ça un peu ennuyeux de ne suivre qu'un seul personnage. (même si des livres comme "gagner la guerre" font exception).
Tu pointes l'un de mes défauts: je ne reviens pas assez souvent à la ligne, c'est quelque chose que je compte bien corriger lors de la relecture.
Merci pour ton commentaire,
A bientôt!
il y a plein de personnages intéressants même si on sent que les deux soeur risquent de devenir les héroïnes. J'ai un faible pour l'oncle bourru, brut de décoffrage mais défendant son peuple. C'est super bien écrit je trouve. On suppose une histoire mêlant aventure et intrigues politiques.
Je n'ai qu'une remarque. Dans la phrase"Et sa sœur, cette petite décervelée qui lui vouait quasiment un culte.." ne doit-on pas dire plutôt "écervelée"?
Merci pour ton compliment, ça me fait plaisir!
Effectivement, les deux sœurs vont être au centre de mon histoire. J'ai toujours beaucoup aimé les histoires suivant plusieurs personnages à la fois. Et je prévois en effet d'avoir plusieurs intrigues en parallèle, qui se recouperont forcément à un moment.
Tu as bien entendu raison pour le terme "écervelée", je vais le corriger.