Finalement, peu après dix heures, une femme en tenue de bloc apparut dans l’allée, emboîtant le pas à l’infirmière en chef. Cette dernière lui indiqua mon lit d’un signe de la main.
Son arrivée mit fin à nos spéculations. J’embrassai Siddharth et lui confiai mon téléphone. En sortant du dortoir, je jetai un dernier coup d’oeil vers Anastasia, qui dans son coma n’avait toujours pas bougé depuis mon mon arrivée la veille au soir. Il me sembla alors qu’il existait plusieurs espace-temps.
Rapidement, les choses s’accélérèrent de nouveau. L’instant suivant, nous étions déjà dans l’ascenseur. Mon lit en occupait presque toute la surface tandis qu’à ma gauche, trois femmes se tenaient debout, serrées contre la paroi de l’ascenseur. Une de ces femmes, tout sourire, me dit dans un accent philippin:
- Vous montez aussi aux théâtres ?
Je ne répondis pas. Je ne l’entendis qu’à peine. Le monde autour de moi m’apparut soudainement extrêmement lointain. Mon esprit était comme dans un tunnel, avec pour étroit champ de vision cette opération tout au bout. Tout ce que n’y avait pas trait directement n’y pénétrait plus.
Lorsque la porte de l’ascenseur s’ouvrit de nouveau, je me trouvai face à un immense couloir blanc, éblouissant de luminosité. Je plissai les yeux, aveuglée par l’intensité de la lumière. Nous filâmes dans le long couloir blanc, et à partir de ce moment-là, je ne perçus plus qu’une série d’images distinctes, qui se succédaient rapidement les unes aux autres. Celle de la première porte que nous dépassâmes, une large porte grise avec écriteau en lettres noires sur fond blanc, THEATRE 1. La deuxième, presque identique, THEATRE 2. Une image de ce tunnel sans fin, inondé de lumière, dans lequel les ombres n’avaient pas la place d’exister. Puis celle de cette porte grande ouverte, derrière laquelle les premiers signes de vie apparurent.
Nous pénétrâmes alors dans un espace stérile, que je crus être le théâtre, mais qui comme je le réalisais plus tard n’en était que le sas. L’atmosphère était confuse. Je perçus de la précipitation dans la rumeur des ustensiles qui s’entrechoquent, du matériel qu’on déplace, qu’on roule, qu’on empile.
Les images continuèrent de défiler. Le visage de l’anesthésiste, en tenue de bloc, qui se tourna vers moi à mon arrivée. Le sourire distrait de Mr. C. lorsque je passai devant lui. Un groupe de femmes affairées à préparer du matériel médical. De grande poubelles jaunes. Au milieu de la salle, une perfusion, prête à être branchée.
La femme de l’ascenseur me tendit un coussin à glisser sous mon dos. Puis remarquant les bretelles de mon soutien-gorge elle me demanda de l’enlever.
- Vous avez aussi gardé la culotte ? Il faut la retirer pour qu’on puisse vous poser le cathéter urinaire. Non, ne ré-enfilez pas la robe, on a besoin d’accéder à vos épaules pour poser les sondes.
J’étais maintenant totalement nue sous cette fine pièce de tissu, simplement posée sur mon ventre et ma poitrine. Mais l’intensité dramatique du moment avait supprimé la pudeur. J’étais prête à tout accepter.
Puis l’agitation s’atténua peu à peu. Désormais tout était prêt et les membres de l’équipe n’attendaient plus que le feu vert de Mr. C. pour commencer. Seule la femme de l’ascenseur s’évertuait encore à meubler le silence qui régnait dans la salle. Se penchant vers moi elle me dit sur un ton de grande confidence :
- Il s’implique beaucoup auprès de ses patients Mr. C., vous êtes entre de bonnes mains.
Sa remarque m’incita à le chercher du regard tandis qu’elle reprenait d’une voix enjouée :
- Vous savez que j’étais aussi dans l’ascenseur avec vous plus tôt ce matin ? Quelle amusante coïncidence, n’est-ce pas ?
Agacée par la banalité du commentaire, et sans vraiment prêter attention à ce qu’elle me disait je lui répondis distraitement :
- Non, non. Moi ce n’est pas Helen, c’est Suze.
Pendant ce temps je localisais Mr. C., à la gauche de mon champ de vision. Il se tenait un peu à l’écart, silencieux, la tête légèrement penchée, une main enroulée autour de son menton, l’index recourbé appuyé contre sa lèvre supérieure. Il regardait fixement dans la direction du sol, les sourcils légèrement froncés, absorbé dans ses pensées.
À cet instant, ce spectacle me laissa indifférente, et ce n’est que plus tard que je compris qu’il m’avait été donné là, pour la première fois, de voir le visage du Destin.
La femme de l’ascenseur continua :
- Vous avez des enfants ?
- Euh… oui. Deux.
- Quel âge ont-ils ?
- La grande a cinq mois, euh… je veux dire cinq ans et la petite, euh… elle vient juste d’avoir un an.
Ces quelques minutes de répit, qui me parurent durer une éternité, étaient sur le point de se finir. Mr. C. se redressa, son visage se détendit, et il retrouva ce sourire discret qui d’ordinaire ne le quittait jamais. Il avait prit une décision. La femme de l’ascenseur se tût finalement. Tout le monde se tourna vers lui, suspendu à ses lèvres, prêt à recevoir ses instructions. Il fit alors quelques pas dans ma direction, et s’arrêta au pied du lit, devant la grande porte qui menait au théâtre. Et d’une voix calme et posée il déclara :
- We are not going in.
Il marqua une pose, reprit sa respiration, et ajouta:
- Je pense qu’il faut annuler l’opération.
Puis se tournant vers le reste de l’équipe médicale, il expliqua:
- La lésion a rétréci sous l’effet des corticoïdes. Je viens d’avoir le radiologue au téléphone. Il n’est pas raisonnable d’opérer maintenant. Je pense qu’il faut refaire un diagnostic différentiel.
De manière générale, ce passage est une succession de lieux, de portes, de lumières etc., chacun allant très bien avec les émotions de l’héroïne. C’est haletant et agréable, on veut savoir la suite. Du coup, les phrases qui commencent par « puis » ralentissent un peu ce rythme : Puis celle de cette porte grande ouverte, Puis remarquant les breteles, Puis l’agitation s’atténua…
Je trouve que ces « puis » ne sont pas nécessaires, ils alourdissent, alors que le texte est vraiment prenant.
Le monde autour de moi m’apparu--> m’apparut
simplement posée su mon ventre --> sur mon ventre
Puis remarquant les breteles--> bretelles
Je pense que vous avez raison pour les 'puis', je les ai presque tous enlevés.
Sinon, avez-vous été surpris par la fin du chapitre?
Plutôt une bonne nouvelle, l'espoir qu'un traitement aux corticoides (?) pourrait remplacer l'opération (??).
Là, maintenant, j'ai comme un doute...
Pour info, ce que j'ai publié jusqu'à maintenant fait parti du cinquième et dernier chapitre de la première partie de mon roman (en 3 parties). Il en reste une petite partie à publier que j'espère avoir le temps de paufiner avant la fin de la semaine.
Je pensais que ce chapitre pouvais se lire sans avoir lu les précédents (les personnages de Padma et Siddharth sont déjà connus à ce stade de l'histoire).
A priori cela ne vous a pas posé de problème ?