Il était presque huit heures et deux personnes attendaient déjà dans l’allée pour me descendre à la radiologie. L’un d’eux détacha la télécommande du montant de mon lit et en augmenta la hauteur. Puis les deux se positionnèrent de chaque coté du sommier, et, d’un geste mécanique, firent pivoter les ridelles de protection vers le haut et les fixèrent. “Claclac." Ils commencèrent à manoeuvrer le lit pour le désencastrer de son emplacement. Je leur fis signe d’attendre tandis que je retirais la bague de mon annulaire et la rangeais avec mon téléphone dans la poche avant de mon sac à dos.
Mon lit était devenu un vaisseau et très vite je naviguais dans un labyrinthe de couloirs et d’ascenseurs. Je réalisai alors à quel point il est aliénant d’être transporté en position allongée dans un univers où le reste des hommes se meuvent debout. Je sentis immédiatement que j’avais changé de statut. On m’évitait du regard. Les rares qui s’aventuraient à poser les yeux sur moi le faisaient avec une sympathie teintée de pitié.
A la tête du lit, une ancienne stagiaire de chez Air Ambulance entama une conversation avec le garçon qui manoeuvrait l’avant du lit. Les deux n’avaient pas plus de trente ans, cependant ils avaient l’air ternes et désabusés. La monotonie des tâches. Le maigre salaire à la fin du mois. Elle lui fit part de son regret de ne plus travailler pour air ambulance, il y avait un côté dramatique qui lui manquait dans ce nouveau travail. Mais elle leur faisait encore des donations mensuelles, assura-t-elle. Lui l’écoutait en silence. Ils ne se connaissaient pas mais ils se comprenaient.
Au service de radiologie, d’ordinaire surchargé, je fus étonnée de découvrir qu’on m’attendait déjà. Les premiers patients du matin, assis sur une rangée de chaises en face des salles d’IRM, me regardèrent passer devant eux. Pendant quelque instants, on s’affaira au dessus de moi à trouver un moyen de me transporter jusqu’à la machine. Blessée dans ma dignité, je rassemblai mes efforts et sautai hors de ma couche sous leurs yeux éberlués. Je réalisai alors trop tard que j’étais pieds nus, et surtout, que mon arrière train était complètement exposé.
Une fois sur le lit d’examen, je coulissai à l’intérieur du tube, emmitouflée dans des couvertures. Alors que percèrent les premiers claquements et grincements des bobines qui produisent le champ magnétique, l’air frais qui fouettait mon visage me raviva. Durant un instant, je pensai à ce que ces nouvelles images allaient montrer. Mais, très vite, cette préoccupation m’apparut comme futile, et je la chassai sans peine. La sensation rassurante de l’extrême confinement, et les bruits répétitifs du scanner - sorte de concerto pour pic-verts et vieilles imprimantes à jet d’encre - provoquèrent chez moi un intense sentiment de relaxation et de paix intérieure. D’instinct je commençai à réciter en boucle mes mantras préférés, et progressivement, les mots se mirent à entrer en résonance avec le rythme de la machine.
oṃ bhūr bhuvaḥ suvaḥ
tatsaviturvareṇyaṃ
bhargo devasyadhīmahi
dhiyo yo naḥ prachodayāt
J’employai mes derniers efforts de concentration à me souvenir autant que je le pouvais de chacune de ces syllabes et à placer ma langue comme elle se doit en accord avec la phonologie du sanskrit. Mes lèvres remuaient à peine, ma langue ne faisait qu’esquisser les mouvements, mais une voix merveilleuse résonnait dans ma tête. Ce n’était pas ma voix. C’était la belle voix de Padma, puissante et pénétrante, avec ses longues vibrations entre les tons, au cours desquelles chaque note se fond presque imperceptiblement dans la suivante. Et je souhaitai que ce moment se fonde ainsi dans l’éternité.
Trente minutes plus tard, je sortis de la machine et remontai dans mon lit. Le brancardier, maintenant seul, m’eut l’air encore plus malheureux qu’à l’aller. Rapidement, je regagnai mon ward. En passant devant la réception, une infirmière m’interpella :
- Votre mari vous attend dans la salle d’attente. On va le prévenir que vous êtes rentrée.
Mon lit retrouva son emplacement au fond à droite du dortoir, et Siddharth ne tarda pas à me rejoindre. Il m’embrassa et s’assit sur le siège bleu à côté du lit. L’opération était programmée pour neuf heures. Ce n’était plus qu’une question de minutes avant qu’on vienne me chercher pour monter au bloc.
Entre Siddharth et moi, tout ce qu’il y avait d’important à se dire avait déjà été dit. Notre complicité ne pouvait être mieux servie que par le silence, elle s’en trouvait même renforcée. Et dès lors, le silence s’imposa entre nous comme une évidence.
J’envoyai un dernier message à mes parents :
- Je pars au théâtre!
J’espérais naïvement que ça les fasse sourire.
À 9h15, comme nous n’avions toujours reçu aucun signe de ma montée au bloc, je demandai finalement à Siddharth :
- Ton père est là ?
- Oui. Il attend dans la salle d’attente au fond du couloir.
- Tu peux lui dire de passer me voir si il veut.
Siddharth sortit prévenir son père.
Peu de temps après, son père vint me saluer, mais par soucis de discrétion, il retourna rapidement s’assoir au fond du couloir.
Je commençai alors à m’inquiéter ouvertement du retard que prenait l’opération. C’était sûrement à cause de cet IRM de dernière minute. Il fallait que le radiologue soit là, qu’il fasse parvenir ses commentaires à Mr. C., et puis si les choses avaient beaucoup évoluées, il aurait sans doute fallu prévoir des modifications dans la procédure. Peut-être Mr. C. était-il à ce moment-même en train de plancher sur un nouveau plan d’attaque ? Mais le 5-ALA faisait-il de l’effet suffisamment longtemps pour permettre ce retard ? Je décidai de me renseigner sur internet à l’aide de mon téléphone. Le rôle du 5-ALA était de faire fluorer en rose les cellules appartenant aux tumeurs malignes dans le cerveau. Cela permettait ainsi au chirurgien de savoir plus facilement quelles parties il fallait enlever et à l’inverse quelles parties il valait mieux grader. Après une dizaine de minutes de recherche, j’appris enfin que la substance était active entre 10 et 15 heures. Tout allait bien, il y avait encore pas mal de temps.
La plupart des personnages ont un nom ou prénom défini, sauf Mr C. Est-ce volontaire pour la suite de l’histoire ? N’est-il pas possible de le nommer comme les autres ?
Dans le premier paragraphe, il y a 3 fois le mot « lit », puis ce mot revient dans presque tous les paragraphes, y compris pour parler de l’IRM. Vous devriez essayer de trouver des synonymes en fonction de la fonction du lit dans les différents paragraphes : charriot, plumard, brancard, civière, table d’examen, etc.
L’opération était programmée pour 9h. : je pense qu’il faut l’écrire en lettre, ou en tout cas choisir l’un des deux pour l’ensemble du texte. Le début du chapitre commence justement par « Il était presque huit heures »
Quelques fautes :
ma langue ne faisait s’esquisser les mouvements--> qu’esquisser
On va le prévenir que vous être rentrée --> que vous êtes rentrée
qu’on vienne me chercher pour monter on bloc--> au bloc
Siddharth sorti--> sortit
J’aurais mis des majuscules à Air Ambulance, pour qu’on comprenne tout de suite qu’il s’agit d’une compagnie (nom propre) et qu’on ne cherche pas à intégrer les mots dans la phrase.
Mais le 5-ALA faisait-il de l’effet suffisamment longtemps pour permettre ce retard ?: phrase un peu maladroite, peut-être à reformuler.
Pour le personnage de Mr. C., c'est un personnage assez important dans le roman, et j'ai envie de lui donner un côté anonyme en ne mentionnant que son titre et une initiale. Mais ce n'est pas encore définitif.
J'ai pas mal hésité à incorporer le texte du Gayatri mantra en entier. Qu'est-ce-que vous en avez pensé?