- Allô ? Ouais ? Jpeux pas jsuis occupé là. Vasy. OK. Yaura qui ? Chais pas. J’essaierais de passer. Vasy.
Jordan repris le tournevis posé sur le bureau et essaya d’ouvrir un petit téléphone noir. Le bureau était éclairé par une lampe qu’il avait trouvé dans un carton du grenier. Il s’acharna quelques minutes et cassa un bout de la coque.
- Fais chier.
Il reposa le tournevis et se balança sur son siège. 19h. Dehors il faisait déjà nuit. Il n’avait pas faim. Il avait passé la journée à fumer et essayer d’ouvrir le téléphone posé sur le bureau.
- Ce putain de téléphone.
Il n’avait pas envie de rejoindre Nicolas et le reste du groupe. Il voulait être seul. Tout seul. Sa mère était sûrement en train de manger sur le canapé. Cette pensée le fit frémir. Il ne pouvait pas passer une seconde de plus dans cette maison.
Il prit son blouson, sa sacoche et ses clefs et descendit dans l’entrée.
- Tu pars encore ? T’as vu l’heure ?
- C’est bon lâche moi.
- T’as fais quoi aujourd’hui ? Il y a monsieur Rénaud qui attend ton appel.
- C’est bon je vais le faire.
- Quand ? Ça fait déjà deux jours que tu...
- J’ai dit que je vais le faire.
Jordan prit ses chaussures et sorti, furieux, de la maison sous le regard de sa mère. Il mit les mains dans les poches de son blouson et marcha.
- N’importe où mais marcher. Merde. Famille de merde.
La nuit était fraîche et le vent qui soufflait sur son visage l’apaisa. Il trouva un banc et s’assit. Un avion passa dans le ciel. Jordan lui tendit son majeur et s’amusa de ce geste. Il resta assis à ruminer et regarder le vent agiter les arbres. Il finit par ressentir le froid l’assaillir. Il se leva et regarda en direction de la maison : cette pensée le dégoûta. Il reparti en longeant le trottoir.
Les lampadaires éclairaient la rue avec des variations de jaune et de blanc. À cette heure la ville était déserte. Il entendit le bruit d’un train qui passait à quelques rues de lui. Un chat sauta sur un muret et entra dans un jardin. Le vent commençait à lui glacer les oreilles. Il mit sa capuche et enfonça plus profondément les mains dans ses poches.
Il senti son téléphone vibrer et lu le message.
- Viens il y a Jess et Laura!
Il remit le téléphone dans sa poche et accélera. Il ne savait pas où il allait et à quelle heure il rentrerai. Il longea la rue des acaccias et se retrouva devant le parc. La grille était fermée. Il l’escalada et sauta de l’autre côté. Il avança vers la forêt. Le vent soufflait fort et les cailloux crissaient sous ses chaussures. Il atteint la frondaison et resta quelques secondes à observer l’obscurité puis traversa les buissons. Le vent s’arrêta d’un coup, apaisé par les arbres. Jordan observa les cîmes se balancer et les quelques étoiles qu’il parvenait à distinguer au-delà.
Une lumière éblouissante rompit le silence.