Le village des gourmandises

Par Nascana

 

– Pourquoi je n’ai pas le droit de venir avec vous ?

Bras croisé sur son torse, Olac boudait.

– Parce que tu es un ogre, expliqua Milinis en agitant ses ailes transparentes.

– Et alors ?

– Les ogres passent leur temps à tout manger, renchérit Falno.

Le regard d’Olac se posa sur la fée et le lutin. Ils se disaient ses amis, mais refusaient qu’il les accompagne dans leur aventure. Ce n’était vraiment pas gentil de leur part.

– En plus, tu es trop grand, soupira la jeune fille en s’envolant.

Il haussa les épaules comme si l’argument n’était pas recevable.

– Tu n’as qu’à me donner de ta poudre !

Elle secoua la tête.

– Ce n’est pas un jeu, la poudre de fée.

– Alors je fais quoi ?

– Tu nous attends ici, et on te rapportera un morceau.

Olac soupira avant de se laisser tomber contre un arbre. Celui-ci vibra sous la force du corps qui venait de le frapper.

– Elles sont nulles vos aventures ! prit-il quand même le temps de préciser.

Mais ses compagnons ne l’écoutaient déjà plus. La fée avait déployé ses ailes pour filer à travers le vent alors que le lutin utilisait la magie de ses bottes pour courir à une vitesse folle. Sûr que l’ogre les aurait ralentis.

Après une petite course dans les feuilles mortes qui habillaient la saison de teinte d’ocre, d’orange, de bordeaux ainsi que de jaune, ils arrivèrent devant un petit coin de paradis. En ce lieu, la végétation avait gardé le vert, preuve de sa vitalité. Plus rien ne craquait sous leur pas, ils s’avancèrent sur l’herbe douce.

Comment un pareil endroit pouvait-il exister ? Ils n’en avaient aucune idée, mais voulaient le visiter. Alors dans un silence respectueux, ils partirent à la découverte des délices qui peuplaient le lieu. Autour d’eux, des gâteaux d’une taille exceptionnelle s’alignaient, dégoulinants de crèmes ou de glaçage éclatant. Au sommet de certains brillait une cerise laquée avec soin. De copeaux de chocolat habillaient d’autres les rendant encore plus appétissants. La chantilly comblait les creux alors qu’elle apportait une mousse aérienne de laquelle s’envolaient des notes sucrées de vanille.

D’un commun accord, les amis décidèrent de chercher le dessert le plus délicieux du lieu. Ce serait celui qu’ils goûteraient en premier. A mesure qu’ils s’avançaient, le chemin du retour se restreignait. Les gourmandises qu’ils avaient admirés avec tant de soin se rapprochaient. Aucun d’eux n’en avait conscience tant leurs yeux étaient attirés par les délices de toutes les couleurs.

– Tu as vu celui-ci !

– Non, regarde celui-là !

Du doigt, ils se désignaient les mets les plus savoureux.

Leurs sourires étaient éclatants. Nul doute que lorsqu’ils goûteraient enfin au dessert ce serait le plus merveilleux du monde.

Lorsqu’ils aperçurent un gâteau colossal sur lequel des tours de chantilly s’élevaient vers le ciel, coiffé d’une cerise d’un rouge éclatant, ils furent certain d’avoir trouvé la perle rare. Les amis s’approchèrent. La génoise leur paraissait des plus moelleuses alors que le chocolat noir embaumait les environs d’un arôme de cacao.

Milinis s’envola pour aller chercher le fruit qu’elle imaginait croquant et juteux à la fois. Dans le même moment, le lutin approcha sa main de la crème pour la goûter. La surprise se lut sur leur visage lorsqu’ils ne parvinrent pas à se saisir du moindre morceau du gâteau. Celui-ci n’avait pas la consistance qu’il paraissait avoir. Il était flasque voir presque visqueux.

Sous leurs yeux le dessert se mit en mouvement. Effrayés, les deux amis partirent en courant. Malheureusement pour eux, leur chance de fuite s’amenuisait alors que les gourmandises se retournaient contre eux. Acculés contre le tronc d’un arbre, ils se regardèrent terrifiés. Leur dernière heure était arrivée. Jamais ils ne reverraient leur proche. Ils allaient mourir dévorés par des gâteaux. L’horreur de la situation ne parvenait même pas à les faire sourire.

Un cri résonna brusquement.

– Attention ! Ce sont des Sulmocs !

Olac déboula à toute allure. En comprenant ce qui se passait, la rage le prit. Il se jeta sur les pseudo-desserts. Dès qu’il en saisissait un, il le portait à sa bouche pour l’avaler. Une terreur sourde habita les Sulmocs qui rebroussèrent chemin. Du plus vite qu’ils pouvaient, ils tentaient d’échapper à ce monstre dévoreur. L’ogre était redoutable. Ce fut lorsqu’il n’y eut plus personne dans la clairière qu’il s’arrêta.

Son regard se tourna vers ses amis. Ceux-ci le fixaient, hypnotisés par le spectacle qu’il leur avait été donné de voir.

– Ce sont des sortes de champignons ! Ils attirent des gens pour coloniser leur corps avec leurs spores !

– Tu les as mangés, murmura la fée.

– Ce n’est rien. Un estomac d’ogre résiste à tout. Cela dit, vous feriez bien de vous laver et changer de vêtements en rentrant pour plus de sécurité.

– Comment as-tu su ? demanda le lutin.

– Contrairement à vous, j’écoute à l’école.

Les deux autres le contemplèrent bouche bée.

– Vous venez ? On rentre ?

Ils hochèrent bêtement la tête avant de le suivre. Il était vraiment trop fort. C’était chouette d’avoir un ami pareil.

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