Il fallut quelques jours à Juliette et Marie pour se remettre de leur course folle autour des arbres « V ».
Un matin, elles partirent avec des pistolets à eau pour jouer dans la mare des arbres G. Elles les avaient déjà remplis pour pouvoir s’en servir en marchant.
Comme à leur habitude, elles passèrent par un chemin inconnu, dans l’espoir de découvrir de nouveaux arbres. Après une bonne marche, elles arrivèrent dans une large clairière. Elles ne savaient pas pourquoi mais une certaine tension semblait régner dans cet endroit.
Elles firent quelques pas vers le centre de la clairière quand, soudain, un jet d’eau atteignit Juliette au beau milieu du front. Celle-ci dégaina aussitôt son arme et visa son amie quand elle s’aperçut que Marie n’avait pas sorti son pistolet. Son regard se porta aux alentours et elle repéra alors une branche d’où sortit un puissant jet d’eau qui toucha Marie au ventre.
« A couvert Marie, on est attaqué ! » hurla Juliette.
Les deux fillettes coururent se mettre à l’abri dans des fourrés. Elles observèrent les arbres qui se trouvaient en face d’elles, de l’autre côté de la clairière. C’étaient des « W ». Les plus petits avaient un drôle d’aspect d’insecte retourné, comme ceci :
w
Les plus grands se dressaient comme d’infranchissables barricades :
W
« Qu’est-ce que c’est que ces coyotes qui nous tirent dessus sans sommation ? s’interrogea Marie à haute voix.
– Je ne sais pas, mais ils vont comprendre à qui ils ont affaire. Armes à la ceinture Marie, dit Juliette en glissant la pointe de son revolver dans son short. »
[Note pour le lecteur adulte : faire écouter la musique, composée par Ennio Morricone, du duel du film de Sergio Leone, Le Bon, La Brute et Le Truand, jusqu'aux premiers échanges de tirs]
Elles sortirent alors des fourrés, une main prête à dégainer. De la musique s’éleva dans le silence, faite d’abord de percussions, puis d’une flûte et de voix humaines. Les yeux perçants de Juliette et de Marie scrutaient les branches des arbres W pour dégainer les premières au moment où le combat commencerait. Le moindre souffle de vent, le plus petit bruissement de feuille, rien n’échappait à leur sagacité.
Elles avançaient lentement, comme au ralenti, vers le centre de la clairière quand, soudain, Marie vit à la périphérie de sa vision le mouvement d’une branche qui pointait son extrémité vers elle.
Aussitôt, elle mit un genou à terre en dégainant et le jet d’eau que son arme projeta vint contrer celui de l’arbre W. A peine avait-elle tiré qu’elle roula en avant pendant que Juliette, restée debout, les pieds enfoncés dans le sol, tenant la crosse de son revolver à deux mains, tiraient sur les jets des arbres W pour couvrir son amie.
Puis, comme par un accord tacite, elles se mirent à courir en avant tout en tirant sur les jets qui tentaient de les toucher. Au moment où elles atteignirent les racines des arbres W, toutes les branches de ces derniers s’affaissèrent et se vidèrent de leur eau : elles avaient gagné !
« Tu as saisi Juliette ? dit Marie en soufflant sur la fumée imaginaire qui sortait du canon de son arme, ils se sont crus dans un western. Ils ne savaient pas qu’ils avaient affaire aux deux plus grandes gâchettes de l’ouest.
– Ces rascals ont compris maintenant, répondit Juliette en faisant adroitement tournoyé son colt dans sa main avant de rengainer. »
Et les deux jeunes filles éclatèrent d’un grand rire qui s’envola vers les contrées de l’aventure et des songes où le soleil a l’habitude de s’endormir en rêvant.