Les éléments du décor

Les planètes peuplées de la galaxie sont unies au sein d’une Confédération Intergalactique des Républiques Socialistes, menées par la planète-mère, Pantagus. Dans cet univers, on ne possède rien, tout se partage. Les travailleurs obéissent au Comité suprême, composé de vingt membres élus selon un suffrage byzantin.

Parmi les réalisations du Comité les plus célèbres, on compte l’abolition du crime, des inégalités, la fin de l’argent et du débit de boisson illimité au KFC – comment ont-ils pu… monstres !

Manque à ce palmarès, et ce projet considérable concentre à lui seul tous les efforts de l’Empire, la construction par l’Homme d’une planète absolument parfaite, un paradis socialiste. Cette planète encore et toujours en construction, porte le nom sonore de Mirifax.

Dans les faits – ceux-ci sont bien évidemment cachés – ce projet, si louable puisse-t-il être, avale plus du tiers des ressources de la Confédération. Il a par ailleurs coûté environ vingt mille vies et l’épuisement complet des ressources du système solaire voisin. On le devine, il s’agit là d’une folie nécessaire à la survie du régime. 

Les empires totalitaires se fixent de fait des objectifs inatteignables. Pourquoi ? Parce qu'aussi longtemps que les populations continuent à y croire, elles sont prêtes à endurer toutes sortes de privations, ce qui est excessivement pratique pour un dictateur.  

Un beau jour, alors personne ne s’y attendait plus, Mirifax est achevée. Pourtant, la population demeure obstinément apathique. Un pétard mouillé n’aurait pas fait plus d’effet. Quelle déception ! Quel fiasco ! alors même que la Comité s’imaginait d’indescriptibles scènes d’allégresse... La campagne de colonisation de Mirifax est lancée, comme prévu. Les photographies de la divine planète, pour une fois sans aucune retouche – Mirifax, c'est la beauté à l’état brut – sont distribuées dans la rue.

Les images sont affichées sur les gratte-ciels, dirigeables, dans les écoles, dans les toilettes et les cuisines…partout ! C’est une propagande honnête, la première de l’histoire de la Confédération Intergalactique des Républiques Socialistes.

Des vaisseaux sont construits en masse et bientôt prêts à décoller. Mirifax est deux fois plus vastes que Pantagus. Et pour cause ! Elle doit pouvoir absorber l’ensemble des surplus démographiques de la Confédération et de ses quarante milliards d’êtres humains. Chacun peut partir, sans distinction de situation ni de richesse.

Or, il advient que la campagne de colonisation se solde par un cuisant échec. Tout juste un millier de personnes embarque. Des rapports confidentiels affirment que la plupart des nouveaux arrivants étaient souls en débarquant. C’est à se demander s’ils ne pas montés dans les vaisseaux par inadvertance…en conclusion d’une soirée un peu trop arrosée…Le Comité suprême n’y comprend plus rien. Très vite, il se réunit pour trouver une solution.