Alors que le silence nocturne règne entre les murs de la résidence, le frappement sec de mes doigts sur le clavier vient troubler le calme parfait de cette nuit paisible. Paisible ? Elle l’est, par son silence apaisant, la chaleur de la couverture qui vient réchauffer mes épaules dénudées, exposées à la morsure glaciale du froid. Paisible. Si ce n’est la tempête qui gronde dans mon esprit. Paisible, si ce n’est l’inquiétude qui fait hurler mon âme.
Il se fait tard, mais mon corps refuse l’appel du sommeil. Je suis tourmentée par les démons qui ne dansent que la nuit. Les pensées sombres, les peurs invisibles.
Le jour, tout disparaît, noyé par les rayons or de l’astre doré. Je m’émerveille de voir la vie aussi belle et ne cesse d’apprécier la chance qu’on m’a donnée. Je découvre cet univers dont je ne connais rien dans lequel je suis arrivée par mégarde et où j’y ai trouvé ma place. Cette ville aux maisons bicolores m’a ouvert ses bras, m’accueillant comme une vielle amie. Comme si j’y habitais depuis toujours. Les ruelles, le son des fontaines, des chaussures contre les pavés et le bruit joyeux du manège sur la place de la mairie, ce tout résonne en moi comme une douce mélodie dont je comprends la partition. On y trouve des glaciers, des restaurants dans une rue étroite aux décorations esthétiques, des magasins de bijoux, de vêtements, des commerçants au regard vif et au sourire avenant. Se balader dans cette ville alors que le jour décline emplit mon cœur d’une euphorie que je n’explique pas si ce n’est douceur des soirées dont on garde un souvenir impérissable.
Car si ici chaque instant est un moment que je souhaite conserver à jamais dans ma mémoire, je cherche à effacer le plus de souvenirs qui le concernent lui. Mais à chaque fois que j’aperçois un couple de personnes follement amoureux l’un de l’autre, je me rappelle amèrement avoir espéré d’être à leur place et que tu aies ce regard qui berçait mes nuits. Chaque feuille tombant avec grâce d’un haut chêne me rappelle avoir observé les couleurs de l’automne à tes côtés et chaque matin me remémore que tu n’es plus avec moi désormais, que je demeure seule dans les draps chauds d’un lit une place. Car tu n’y as plus la tienne.
Je soupire. Voilà plusieurs mois qui se sont écoulés depuis que tu as décidé de tracer ton propre chemin tandis que je suis restée devant une impasse qui me semblait insurmontable. Pourtant, avec le temps, le mur de cette impasse s’est fait plus petit mais je demeurais meurtrie par le vide que tu avais laissé en moi. J’ai cherché à le combler aussitôt partie loin de toi en pensant que ce serait la seule solution pour aller mieux. Mais en cherchant loin, jai failli me perdre. J’en ai oublié mes principes, je me suis oubliée. Alors, et ce grâce aux rencontres que jai faites, je me suis reprise en main. Je me suis forcée à ne plus prononcer ton nom qui revenait sur mes lèvres à chaque fois que je parlais du passé, j’ai forcé mon corps ainsi que mon âme à oublier à quel point j’étais heureuse avec toi et à quel point tu ne l’étais pas avec moi.
Et j’ai réussi. J’ai réussi à ne plus souffrir le martyr quand je pensais à toi, ni à me perdre dans les tourbillons flamboyants de la colère. Derrière les couples que je vois, je n’éprouve que de la nostalgie et je souris faiblement. Je ramasse les plus belles feuilles dorées et écarlates qui tombent à mes pieds et les contemple avec admiration avant de les reposer sur l’humus. Tu es loin et je ne te reverrai plus. Alors à quoi bon poursuivre des espoirs infondés ?