Les Griffes de l’Hiver Noir

Ils marchaient,  sans fin depuis la clairière, poussé par leur instinct, le devoir.

Leurs pas dans la boue glacée, ils s’enfonçaient jusqu’aux chevilles dans les sentiers effondrés. Depuis qu’ils avaient quitté la prairie de Lucinda, la forêt avait changé.

L’air lui-même semblait geler au fond des poumons. Le vent portait des râles inconnus et la lumière se terrait derrière des nuées grises. La chaleur avait fui avec elle, et Myra, depuis, ne disait plus rien.

Lucinda avait tenté de les sauver. Et soudain dans les profondeurs de leur coeur, une déchirure.

Elle s’était dressée sur leur chemin, splendide et nue, dans la clarté vacillante de l’aube, les bras ouverts pour retarder l’Écorché et ses suivants. Mais ces êtres n’avaient pas été dupes. Ils ne cherchaient ni chaleur, ni beauté, ni plaisir. Ils avaient éventré le silence, piétiné les lieux sacrés, ravagé Lucinda comme on saigne une bête.

Depuis, la forêt pourrissait lentement dans une mort hivernale, aspirée dans un gouffre de givre et de ténèbres. Les feuilles tombaient sans fin, les arbres semblaient se recroqueviller sur eux-mêmes, comme si la vie refusait de persister. Les oiseaux étaient partis, et ceux qui restaient croassaient comme des âmes damnées.

Les compagnons marchaient, silencieux. Ser Caldar serrait les dents, la main plaquée sur sa cuisse douloureuse. Garric ne râlait plus. Myra, plus pâle que jamais, avançait d’un pas vif mais fragile, comme si le froid n’atteignait pas sa chair, mais perçait son âme.

Puis vinrent les murmures. Derrière eux. Un craquement dans la neige. Un souffle trop lourd. Un vent contraire.

L’Écorché et ses chevaliers étaient là.

Ils surgirent entre les troncs, silhouettes d’os, de cuir moisi et de fer noirci. Les Six hurlaient sans voix, levant des lames anciennes, rouillées par le sang et le temps. Rauk les avait envoyés pour la traquer, la réduire, la livrer à ses rituels immondes. Et eux, implacables, obéissaient.

Ser Caldar hurla à Garric de prendre Myra et de courir, mais les trois étaient déjà encerclés. Garric se battait avec l’agilité d’un chat sauvage, Ser Caldar tenait bon malgré sa blessure, tranchant, frappant, reculant, se défendant avec une rage glacée. Myra lançait des coups de poignard avides de sang et de cicatrices, appelant les forces naturelles qu’elle ne contrôlait qu’à peine.

Mais ils faiblissaient.

Et dans les ombres décharnés du sous-bois, deux silhouettes d’acier observaient. Immobiles. Muettes. Deux automates aux formes massives, dont les yeux rouges scrutaient le carnage sans intervenir. Ils étaient là, froids et implacables, témoins d’une scène dont ils pesaient chaque mouvement.

Et alors que Ser Caldar tombait à genoux, le souffle coupé, alors que Myra s’écroulait dans la neige rouge, le sol vibra.

Une ombre bondit des arbres, noire comme la nuit elle-même.

Le Seigneur Loup était revenu.

Immense, le pelage hérissé de braises, les yeux d’or brûlant d’une colère muette, il fondit sur les spectres comme une fureur ancienne. Son esprit hurlait dans les pensées de Myra : Tiens bon. Sa gueule broya une gorge, ses crocs déchirèrent les cuirasses pourries. Il frappait sans relâche, sa rage pure éclipsant toute magie. Son corps vibrait d’une puissance nouvelle. Le Don de Nashara.

Mais il était en train de se consumer. Son souffle était rauque, ses pattes tremblaient, mais il tenait. Il tua. Encore.

Deux chevaliers spectres tombèrent. Les autres reculèrent. L’Écorché hurla dans un langage oublié, mais le Seigneur Loup s’interposa entre lui et Myra, prêt à mourir pour elle.

Ce fut la brèche. Ser Caldar se releva, Garric agrippa Myra et tous trois s’élancèrent à travers un étroit passage que le Loup leur avait ouvert.

Ils coururent longtemps. Fuir. Survivre.

Au sommet d’une crête enneigée, haletants, blessés, couverts de sang et de boue gelée, ils s’arrêtèrent enfin. Ils étaient vivants. Pour combien de temps encore, nul ne le savait. Mais ils vivaient.

Derrière eux, les hurlements du Loup s’éloignaient. Et au loin, les deux automates observaient encore. Ils n’avaient pas bougé. Mais quelque chose, dans leurs regards rouges, avait changé.

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Talharr
Posté le 29/07/2025
très bon chapitre :)
du combat, de la tension et un rythme soutenu.
En espérant ne pas déjà dire au revoir au Loup. Il vient quand même de mettre à terre deux Nazguls ahaa

juste une toute petite faute :

"Et soudaint" -- "soudain".

A la suite :)
Brutus Valnuit
Posté le 29/07/2025
Merci beaucoup,
Je suis content que ça t'ait plu. :)
Le Loup est revenu d'entre les bras de sa louve. Il lui fallait une très bonne raison de quitter sa sublime compagne.
La quête avec Myra est cette raison.
As-t-il bien fait ?
Reverra-t-il Nashara ?
🙂
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