La Veille du Seigneur Loup

Notes de l’auteur : Dans ce chapitre qui nous raconte où est allé le Seigneur Loup la nuit où il a quitté la compagnie de Myra, nous en apprenons plus sur sa véritable nature de Loup.
Nous rencontrons sa compagne Nashara qui lui fait un don unique.

Le vent mordait les flancs du monde. Dans les profondeurs boisées où même la lune hésitait à poser ses reflets, le Seigneur Loup avançait d’un pas muet. Ses pattes puissantes s’enfonçaient dans le tapis de mousse humide, foulant les anciennes terres de ses ancêtres. L’air était chargé de brume et de silences. Seuls les hululements lointains d’un hibou, les cris secs des branches mortes sous le poids du gel, troublaient l’ordre ancien de la nuit.

Il ne pressait pas l’allure. Il avait laissé ses compagnons à leurs songes troublés. Bien que chacun de ses pas ait le poids d’un adieu, il le savait, ce ne serait que temporaire. Il le sentait dans ses muscles et dans sa chair : ce qu’il allait vivre au matin pourrait l’anéantir.

La clairière s’ouvrit lentement devant lui, comme un secret murmuré par les arbres. Là, au cœur de l’espace protégé par des anneaux de fougères rituelles et d’arbres noueux, l’attendait Nashara.

Elle se tenait droite, silencieuse, son regard planté dans le sien, brillant d’un éclat vert sauvage. Sa fourrure sombre frémissait doucement sous le vent nocturne. Elle ne bougea pas. Elle savait. Depuis plusieurs nuits, leurs pensées s’étaient effleurées, se cherchant comme deux flammes errantes dans l’obscurité. Ce soir, ils n’étaient plus bête et bête, mais âme et âme.

Quand il franchit le cercle invisible qui délimitait leur monde, son corps se transforma. Il ne hurla pas, ne souffrit pas. Ce changement était ancien, contenu, naturel. La magie ancestrale de leur sang, celle des premiers pactes entre l’homme et la bête, reprenait ses droits. Ses os craquèrent doucement, son pelage se rétracta. Il devint homme, grand et nu sous la lune, à la musculature ciselée par le combat, le regard encore habité de l’animal qu’il était.

Nashara devint femme. Véritable beauté Nubienne à la grâce ancestrale. Elle se changea à son tour, dans un mystére d'étoiles silencieuses. Sa peau brune luisait d’humidité nocturne, ses cheveux noirs ruisselaient sur ses épaules, et son corps souple semblait sculpté dans du verre de lave. Elle était femme de la forêt, celle qui connaissait les secrets du vent, celle qui pleurait quand les arbres tombaient. Une louve devenue amante.

Ils ne parlèrent pas. Ils n’en avaient pas besoin.

Leur étreinte fut lente, presque une prière. Dans chaque geste, une mémoire ancienne s’éveillait. Leur union avait la gravité d’un serment et la tendresse d’un adieu. Leurs corps se cherchaient dans l’herbe froide, sous le regard des étoiles. Le souffle de la terre semblait suspendu. Il la caressa avec la crainte de ne plus jamais sentir sa peau. Elle l’enlaça comme on retient une dernière chaleur avant la tempête.

Des larmes muettes roulèrent sur la joue de Nashara, non de peur, mais de douleur sans mot. Elle savait que l’homme qu’elle aimait, ce loup noir, allait au-devant d’une guerre plus terrible que tout ce que leur sang avait jamais connu.

Alors, quand il s’endormit quelques instants, le visage dans ses cheveux, elle posa la main sur son cœur, et dans un murmure, lui fit le don.

Une énergie ancienne, sauvage, douce et violente à la fois, glissa de ses paumes dans le corps du Seigneur Loup. Ce don n’avait pas de nom. Il était l’écho d’un pouvoir oublié, transmis par les louves sacrées au temps où les étoiles parlaient encore aux bêtes. Une force brûlante, qui, lorsqu’elle serait invoquée, éveillerait en lui une rage dévorante, un éclat mortel. Il deviendrait plus rapide, plus fort, plus terrifiant. Mais ce serait peut-être aussi la dernière fois qu’il combattrait. Car ce pouvoir, trop grand, pouvait aussi consumer celui qui osait le porter.

Elle le regarda longtemps. Il ne dormait pas vraiment. Il faisait semblant, comme pour retarder l’inéluctable. Et elle, elle faisait semblant de croire qu’il reviendrait.

Quand la première lumière d’un jour blême perça les ramures, il se leva, nu, noir de cendres et de silences. Ils s’étreignirent une dernière fois. Puis, sans un mot, il reprit forme. Le loup quitta la clairière.

Et derrière lui, dans l’ombre des fougères, Nashara s’agenouilla, nue et solitaire, et murmura un chant ancien pour protéger la nuit.

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Talharr
Posté le 29/07/2025
Hello,
Ah un chapitre sur le seigneur loup :)
Intéressant et intriguant. Et lui aussi a eu le droit à quelques instants de réconforts.
Ils peuvent devenir humain aussi.
j'ai bien aimé ce chapitre, à voir si le pouvoir que Nashara lui a transmis va le consumer :(
Brutus Valnuit
Posté le 29/07/2025
Le Seigneur Loup peut effectivement devenir humain mais uniquement dans le cercle rituel de son domaine, auprès de sa louve et uniquement certains soirs.
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