Assis sur une branche, il regardait les rares personnes passer. A cette heure-ci seul les insomniaques et ceux qui travaillent la nuit se baladaient dans les rues. Il croisait des jeunes parents épuisés par les pleurs de leur nouveau-né, des fêtards que plus rien n'arrêtaient, des insomniaques qui erraient comme des fantômes dans la ville.
Ces derniers il les aimait particulièrement. Il les comprenait, eux qui préféraient errer plutôt qu'attendre le sommeil qui ne viendrait que bien trop tard. Ils étaient une source d'inspiration intemporelle.
Des années qu'il regardait les gens passer, évoluer, mais eux, les insomniaques, ils ne changeaient pas. Entre les générations survivaient cette manie de ne pas dormir la nuit, donnant lieu à des heures de promenades imprévues dans la ville, en pyjama.
C'est ce qu'ils sont, des fantômes en pyjamas rayés.
Personne ne les remarque sauf lui qui observe le monde. Il les suivait parfois pour s'immiscer dans leurs petites vies mais il se laissait vite et retournait dans son arbre.
Là, le feuillage le protégeait du monde extérieur et lui permettait d'observer tout en restant invisible. Ainsi, il remplissait des carnets de croquis, de notes désordonnées sur les gens qu'il voyait. Il inventait leurs vies, leurs relations, créant ainsi une toile complexe où chacun connaissait quelqu'un qui connaissait lui-même quelqu'un, reliant ainsi chaque personne à une autre indirectement.
Il s'inspirait du monde qui l'entoure pour créer le sien. Un monde plus doux et plus calme que celui qu'il voyait. Où la violence et les guerres n'existaient pas, où il accepterait enfin de vivre parmi ses semblables.