Les maudits du temps

Notes de l’auteur : 2e nouvelle introductive

 

Quatre heures d’avion, deux heures de train, une heure de taxi pour atteindre la bourgade où j’ai loué, à prix fort, un minivan 4x4, puis encore trois heures de route, direction plein nord, sur des pistes à peine tracées et rendues boueuses par la fonte du pergélisol, pour atteindre ce lac perdu en territoire Inuit.

La nuit vient de tomber, mais j’ai fini de m’installer en bordure de l’eau. Je peux enfin me reposer, assis auprès de mon feu qui vibre d’une mouvante lueur sanglante sur le friselis de la rive. Le calme ambiant est seulement souligné par le vrombissement incessant des moustiques et le clapotis de l’eau. Il est parfois écorché par le cri lointain, dans la forêt d’un oiseau de proie nocturne.

 Mon rendez-vous a été prévu aux premières heures de l’aube. Enveloppé dans une chaude couverture, je m’absorbe dans la contemplation de la danse changeante des flammes.

La tranquillité des lieux, mon inaction, me laisse tout loisir de me remémorer les faits, accumulés depuis tant d’années, qui m’ont conduit à cet étrange rendez-vous.

Tout était parti de la comparaison de deux photographies de foule ; seuls les lieux et le temps les séparaient. Les deux photos avaient été prises, l’une à Paris, l’autre à Sydney, mais surtout, soixante-quatre ans les séparaient ! Or, au milieu de cette foule, un même visage apparaissait. Un visage identique à lui-même. C’était le portrait d’un homme d’une quarantaine d’années qui n’avait rien de marquant ; imberbe, le nez, et les yeux moyens, la coupe de cheveux normale. Ce genre de visage que l’on oublie rapidement. Rien en lui ne pouvait le distinguer d’un citoyen lambda. Pourquoi mon regard avait-il été attiré par ce visage perdu dans la foule d’autres visages anonymes ? Je ne saurais le dire ? Mais l’étrangeté de la similitude m’avait interpellé. Je les avais comparés, calculés, superposés.

J’étais alors professeur de maths et je savais que les probabilités de rencontrer un même visage, du même âge, dans deux lieux si éloignés l’un de l’autre et avec soixante-quatre ans d’écart de temps se trouvent quelques chiffres après la virgule, dans la queue de la probabilité.  Au cours de mes huit dernières années d’enseignement, j’avais demandé, sous prétexte d’un exercice pratique de probabilité, de collecter dans toutes les parutions de presse les photos ayant les mêmes caractéristiques : la répétition d’une même personne totalement inconnue dans des lieux différents, à des époques différentes et dans n’importe quel journal ou revue de n’importe quel pays et à n’importe quelle date, était quasi impossible. Mes étudiants venaient, en effet, de différents endroits du monde. Un bon scanner couplé à un ordinateur ayant un excellent algorithme de reconnaissance faciale nous facilita la tâche. Le résultat au bout de huit ans de travail me sidéra, et me fit regarder les probabilités d’un autre œil, celui de la méfiance …

Après avoir compilé près de quatre-vingts ans de publications prises au hasard, un visage revenait en moyenne une à deux fois par an. Certes, il s’agissait d’un nombre assez faible par rapport aux nombres de publications mondiales analysées. Mais il revenait… Le même visage au même âge, celui des deux photographies de départ.  Et surtout, le même visage, sans aucun changement, apparaissait sur ce délai de quatre-vingts années… Mon esprit cartésien se refusait à accepter ce que mes yeux voyaient. Pourtant le fait était là ! Et quand un fait se reproduit encore et encore, la logique cartésienne de la science doit se pencher sur l’improbable.  Combien “d’improbables“ sont au cours des siècles, devenus des réalités quotidiennes ?   Sans vraiment le vouloir, je prononçais à haute voix les trois mots qui allaient guider et même encombrer ma vie lors de mes quatre prochaines années : Qui ? Comment ? Pourquoi ?

Cinq pistes s’ouvrirent à moi. Ces cinq pistes étaient suffisamment déraisonnables pour que la raison s’y attaque : la découverte d’un réel élixir de longue vie ; un être venu d’un autre monde ; la faute d’un vivant suffisamment lourde pour être banni du monde des morts ; un vampire immortel. Ces cinq pistes et le questionnement qui les accompagnait m’amenèrent en des lieux où la logique, le bon sens et même le fait scientifique n’ont pas le droit de citer.

C’est dans ces milieux que je m’aperçus, petit à petit, qu’Hamlet avait raison : « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que n’en rêve notre philosophie ». C’est alors que je choisissais la plus raisonnable des solutions irraisonnables, celle de l’existence d’un vampire ou de vampires…

Au début de ces quatre années, ma première tâche fut de mettre en place un réseau de renseignement le plus étendu possible. Le réseau très vite s’élargit en me basant sur quelques-uns de mes anciens élèves, puis des connaissances de leurs connaissances, des amis de leurs amis et en y adjoignant certaines personnes des cercles et associations que j’avais fréquentés. Le réseau, essentiellement basé sur l’utilisation de la toile, prit ainsi rapidement de l’ampleur. Le temps passant, je me suis assez vite retrouvé au centre d’une gigantesque entreprise d’investigation ayant des ramifications sur les quatre continents. L’arbre était énorme, mais il ne donna que peu de fruits. J’ai eu, par moment, l’impression de chasser l’ombre d’une proie au lieu de la proie réelle. Par exemple, le jour où enfin un nom a pu être mis sur le visage, objet de notre attention, nous avons presque tous jubilé. Enfin quelque chose de concret ! Mais là il a fallu vite déchanter ! Car au cours de la même semaine vingt-huit autres noms sont apparus, et d’autres encore la semaine suivante… Trop de noms, donc pas de nom !

Certains d’entre nous sont, aujourd’hui, découragés et pensent que cette chasse est et restera infructueuse, pourtant ils persévèrent. D’autres ont déjà quitté le navire et rangé cela dans le domaine du hasard. Très pratique le hasard, pour avoir l’esprit tranquille ! Pour ma part, au bout de quatre ans, la lassitude et le découragement s’installant, je me suis remis à l’écriture des aventures de frère Anselme, moine, mathématicien, qui aide la police pour la résolution de certains problèmes qu’elle rencontre.

C’est alors, il y a de cela cinq jours, que l’improbable est arrivé.

En ouvrant ma boite mail, j’ai trouvé un message au titre évocateur : « Rendez-vous avec un vampire ? ». Mi-amusé, mi-curieux, j’ouvrais le message. Il était extrêmement court : la photo d’un homme, notre homme tant recherché, tenant devant lui un journal ouvert à la date du jour, en dessous une longitude et une latitude et cette phrase : « Je vous trouverais ! »

Je vous trouverais ! Je vous trouverais ! Cette phrase résonne dans mon crâne alors qu’incrédule je vois la photographie s’animer, un méchant sourire déformer le visage, les deux canines supérieures sortir de sous la lèvre et grandir, grandir…une main décharnée jaillie du cadre et me serre la gorge, un souffle rauque chauffe mon visage.

Je me suis endormi ! Stupide cauchemar… ouvrir les yeux… Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Un museau ! Un museau qui boulotte mon écharpe. Mais il est en train de m’étrangler cette andouille…

Une tape et il se recule. Allongé sur le sol, mon champ de vision ne me permet de voir que deux sabots. Ce n’est déjà pas un ours ! Deux longues pattes brun-noir. OK ! On se relève doucement. On s’assied et on constate alors que ce n’est pas ce que l’on peut faire de mieux face à un orignal. Un grand mâle qui doit faire dans les deux mètres au garrot et ses 800 kg… Un vieux mâle plein de bois… Pas de mouvements brusques ! Trouver rapidement une solution pour s’en sortir, afin de ne pas finir en charpie ! Bon, il relève la tête ! il a vu quelque chose derrière moi ; il a l’air inquiet ; hume l’air ; fait volte-face et détale en courant. 800kg lancés à presque 60km/h… Ouf ! Je me relève et regarde ce qui a causé ce brusque revirement. Une silhouette humaine cette fois s’avance vers moi. Mon rendez-vous est arrivé. Le mètre quatre-vingt, un pas souple et rapide, une morphologie adéquate... Mon visiteur parait être tout à fait normal. Ce que je sais qu’il n’est point !

« Bel animal ! Dommage qu’il en reste si peut !

 Donc c’est vous qui m’avez recherché et je vous ai trouvé. Vous avez de la chance ! Une double chance même, car j’accepte de vous rencontrer alors, qu’il y a encore quelques années, une telle démarche vous aurait conduit très certainement à un trépas précoce. Mais le monde change et peut-être est-il temps que l’un d’entre vous sache la vérité au sujet de ce monde.

- J’ai beaucoup lu sur vous, écouté les légendes. Je ne croyais qu’à demi que vous existiez et pourtant vous êtes là, devant moi… Et si c’est la mort qui m’attend qu’il en soit ainsi ! au moins je mourrai en sachant la vérité.

 - Beaucoup lu sur moi, écouté les légendes ? Fausses routes !

Que peut-on écrire sur quelqu’un qui n’existe pas ? Sinon faire des rapprochements avec des mythes, des légendes, ou même des faits réels. Et imaginer de toutes pièces un personnage. Et puisque je suis devant vous, vous pouvez constater que je ne suis pas une légende. Pour ce qui est de votre crainte présente, rassurez-vous il n’est plus question de mort.

Mais je ne sais pas encore ce que je dois vous dire, étant donné que certaines choses doivent encore demeurer cachées. Mais je vous préviens, nous n’avons que fort peu de temps, une heure, deux tout au plus.

- J’en suis bien conscient. Mais avant toute chose ! Est-il vrai que vous êtes immortel ? 

L’être expire lentement puis commente

« Immortel ? Si l’on veut !  Comme beaucoup de damnés, j’envie votre mortalité, car à jamais elle m’a été arrachée. Certes pour noble cause, mais le fait demeure. Jamais plus je ne verrais ceux que j’ai perdus tout au long du Temps. Je pense que vous voulez mon immortalité sans en connaître le prix ?

- Mon âme vous voulez dire ?

- Votre âme ! et puis quoi encore ? Je pensais quand j’ai lu les mails que vous échangiez avec vos collaborateurs que vous en saviez plus que cela sur mon compte. Je vous le répète, je ne suis pas une légende, je suis la réalité ! Et s’il est en mon pouvoir de vous rendre immortel, votre simple réflexion me pousse à penser que vous n’êtes pas prêt d’en payer le prix ! 

Je m’approchais de lui et d’une voix calme je remarquais

- Si vous pensez que je ne suis pas prêt, pourquoi êtes-vous devant moi ? 

-À cause de ce qu’il me reste de curiosité. Mais je pense que c’est la vôtre que je  devrais d’abord abreuver. Donc, écoutez mon histoire. 

Il soupira, puis comme s’il allait se lancer dans une longue litanie, il commença d’une voix morne

- Mon nom ne vous dira rien, bien qu’il fût connu en son temps. Il a malheureusement depuis longtemps disparu dans les abîmes du passé.

J’ai ouvert les yeux au commencement de votre préhistoire. En ces époques reculées, les vôtres prenaient mon peuple pour des dieux. Au vu de nos capacités technologiques et physiologiques, il est vrai que vos ancêtres ne pouvaient que nous prendre pour des déités.

Des premiers siècles de mon existence, je ne garde que peu de souvenirs, fruit d’une trop longue vie baignée dans le sang et la mort.

Mon premier vrai souvenir est celui d’avoir creusé une tombe pour un pauvre chasseur qui avait eu la malchance de me voir sous une forme que nul dans votre peuple ne devait encore connaître.

Je me souviens aussi de ce clan qui avait eu la double malchance de me rencontrer lors d’une de ces longues nuits d’hiver de l’ère glaciaire. Il portait en son sein un germe trop précoce, un enfant né beaucoup trop tôt dans l’histoire. Aucun d’entre eux ne survécut à cette funeste nuit où leur seul vrai crime fut de recueillir un chasseur qu’ils pensaient égarer dans le blizzard.

Les siècles, puis les millénaires passèrent ainsi. Petit à petit, vos sociétés devinrent plus complexes.

Des villes apparurent dans ce qui devint le berceau de votre agriculture. Mais ma vie ne changeait pas, elle se résumait à extirper de l’existence ceux qui dans votre peuple pouvait mettre en danger nos plans.  

-Mettre en danger vos plans ? Vous venez d’employer un pluriel, vous n’êtes donc pas unique ?

Mais sans répondre à ma question, il soupira le regard perdu dans un rêve intérieur et continua…

- Une poignée d’homo sapiens au départ ; des milliards actuellement…autant d’idées, de rêves pour le futur… Bon nombre de ces rêves sont devenus réalité. Le meilleur exemple est celui du vol. Des millénaires à envier la liberté des oiseaux… Puis quelqu’un a trouvé un début de réponse au problème ; puis tout est allé très vite : 1783, pour la première fois l’homme quitte le sol dans un ballon ; un siècle et demi plus tard, il vole dans la stratosphère ; vingt-neuf ans plus tard, un humain orbite autour de la terre, huit ans plus tard il pose le pied sur la lune. Entre le premier vol motorisé et un homme sur la lune, il n’y a que soixante-six ans d’écart ! Moins que la durée d’une vie humaine !  Nous ne sommes pas intervenus dans cette évolution, ou alors très peu.

Je vous laisse seul juge de votre réflexion sur ce sujet. À vous d’en tirer les conclusions que vous voulez ! Je reprends mon récit :

Le premier grand changement qui apparut dans ma vie de maudit fut l’apparition de l’écriture. En effet, nous ne pouvions plus vous tuer impunément comme nous l’avions toujours fait. Il était toujours possible que des idées ou des témoignages demeurent gravés dans la pierre ou dans l’argile, et ce, pour l’éternité. Alors nous avons changé nos méthodes. Nous ne tuions plus des groupes entiers, nous étions devenus les chirurgiens de vos sociétés. Nous nous assimilions à celle-ci et œuvrions dans l’ombre pour créer l’avenir que nous voulions.

Je me souviens encore de ce moment d’existence, où pendant 5 années, je vécus parmi vous, dans une de vos armées, sous l’apparence d’un simple soldat, et ce, juste afin d’éliminer l’un de vos plus grand penseur et ingénieur. Tant de souffrances, pour supprimer l’homme qui avait compris, bien trop tôt, comment fabriquer une arme à partir du soleil.

Pas à pas, intrusion après intrusion, j’ai compris comment danser dans vos vies, en n’y laissant que le vague souvenir de mes meurtres ou de mes interventions. Je devenais une ombre fugace, mais implacable.

Certes, toutes nos interventions ne se sont pas toujours terminées comme nous l’aurions désiré. Mais qu’est-ce qu’un échec, lorsqu’on possède l’éternité ? Et nous avons appris à être patients et à jouer contre vous avec un coup d’avance.

Par exemple : ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi Yin Zheng avait brulé toutes les archives de son peuple ? La réponse est simple : il y avait en elles, des traces de nos interventions. »

- Qui est Yin Zheng ? » demandai-je

- C’est le vrai nom du premier empereur de Chine. Il faut dire à sa décharge que sa cour comportait deux de nos membres dont le but était de créer ce Premier empire chinois. Mais reprenons sur ma propre expérience de l’immortalité, car sinon nous n’aurons jamais le temps d’en finir avec mon histoire !

Donc après l’Empire romain vint le temps de l’âge sombre en Europe. Je ne vous cacherais pas que nous avons, que j’ai joué, un rôle étrange pendant cette période. Protégeant certaines œuvres antiques, alors que dans le même temps nous en détruisions d’autres. Et ce, sans compter la disparition de certains des penseurs trop en avance pour leur époque.

J’ai entre autres, durant cette période, détruit personnellement lors d’un raid barbare, les derniers volumes d’une partie des œuvres de Tite-Live. Celles-ci auraient pu poser des questions à propos de thèmes que nous ne voulions pas que l’homme aborde encore.

Pendant toutes ces vies que j’ai passées parmi vous, j’ai lié de multiples amitiés et amours. Pourtant, je les ai tous perdus dans les abîmes du temps. Car je me suis toujours interdit d’offrir notre vie de damnés à une personne qui ne comprendrait pas le but ultime de celle-ci.

- Et quel est ce but ? Pourquoi vivez-vous dans nos vies ? Pourquoi dansez-vous dans nos existences ?

- Car cela doit être fait ! Si nous ne le faisions pas, un jour ou l’autre votre espèce et la nôtre s’éteindront. Comprenez-vous maintenant la réalité de notre existence et donc de celle que vous désirez ?

-Mais pourquoi avez-vous fait ça dans notre histoire ? Que recherchez-vous ? »

- La paix ! …ou du moins, s’en rapprocher le plus possible. Ce qui, j’en conviens, n’est pas chose aisée avec vous les humains. La violence est inscrite dans vos gènes depuis l’aube des temps, du moins de celui de votre temps. En soi, cela n’est pas un mal tant que vous l’utilisez à bon escient, de manière modérée et pour des raisons nobles. Le moins que l’on puisse dire c’est que vous vous êtes bien éloigné de ce schéma.  Nos interventions sont codifiées et il nous est absolument interdit de modifier ce qui fait d’un être humain, un humain. Mais le temps long est notre allié.

Le temps que je peux vous accorder arrive à son terme. Simple curiosité : voulez-vous toujours devenir immortel ?

-Non ! Je pense que je ne pourrais entrer dans cette danse de mort, sans en comprendre le but réel. Mais je sais que ce n’est pas uniquement pour répondre à ma curiosité que vous m’avez raconté tout cela ! alors pourquoi ? 

L’être, le regard perdu dans le vide, murmura d’un ton triste

 - Dans quelque temps, je devrais expliquer cela, et plus encore, à quelqu’un qui ne l’aura pas cherché et ce sera peut-être ma damnation la plus extrême...

L’être commença à avancer vers le bois alors qu’une dernière question me brûlait les lèvres. Inspirant un grand coup, je lui criais.

-Pourquoi n’avez-vous pas bu mon sang ?

- Mais ce n’est pas vrai ! Encore ? Je suis bien réel ! je ne suis pas votre fantasme !

 L’entendis-je me répondre en riant

Quelques secondes plus tard, une lueur déchira les pénombres encore accrochées aux sous-bois et un souffle chaud me renversa presque. Je me retrouvais seul au bord de ce lac avec plus de questions que j’en avais avant cet entretien.

Je savais seulement que j’avais rencontré un être qui n’était ni un dieu, ni un démon, ni un ange, ni même un homme.

Il ne me restait plus qu’à plier bagage et à faire le chemin à l’envers. Je regrettais déjà ce bout de terre perdu dans le Grand Nord. Mais premier atteint par les problèmes liés à notre civilisation.

Aujourd’hui, faisant le bilan de cette rencontre, je me rends compte qu’au lieu des réponses que j’attendais, deux nouvelles questions se posent : qui ou quoi m’avait parlé lors de cette sombre nuit au bord de ce lac perdu ?

Cet être œuvre avec d’autres, depuis des dizaines de millénaires, pour un but ultime qui en soi leur semble fort louable. Mais leurs moyens le sont nettement moins. La fin justifie-t-elle toujours les moyens ? La question semble se poser pour lui comme pour chaque être humain. Ainsi, avec le temps, au moins l’un de ces êtres, celui que j’ai rencontré, subit la mission à laquelle il a voué sa vie comme une damnation. Ainsi, ces êtres peuvent avoir une conscience proche de la nôtre. Enfin dernières constatations, ils sont capables de partager l’amitié et l’amour avec des êtres humains, ce qui implique qu’ils ont des sentiments qui peuvent être proches des nôtres.

 La seconde question est pourquoi est-il sorti de son anonymat cette nuit-là ? J’ai le sentiment que loin de n’être qu’une répétition d’un autre discours, l’être m’a confié une tâche. Pour une raison que j’ignore totalement, il me semble qu’il m’a confié le soin de révéler au Monde leur existence. Tâche ardue, car personne ne me croira. Hormis les photographies accumulées, je n’ai aucun fait matériel à apporter. Dois-je devenir le gourou d’une nouvelle secte ? Ce destin ne plait guère au scientifique que je demeure. À moins qu’il ne s’agisse seulement de raconter mon histoire et de planter une graine, un questionnement, un doute qui avec le temps se développera, la moisson appartenant aux générations futures.

 

Extrait du journal de Louis Dujardin

Daté du 26 Juin 2092

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