Lettre 5

Chère comtesse,

Cette lettre sera brève, parce que mon cœur ne peut supporter cette terrible nouvelle. Je m’en retourne, l’âme effacée, dévastée par une sirène. De son chant envoutant, elle m’a détroussée de mon esprit. Je suis vide et ne songe qu’à cette vanité qui m’a poussée à la ravir. Immodeste, je m’imaginais pouvoir séduire cette délicieuse créature, mais je fus pris à mon propre embuche. J’ai possédé Lucile. Elle s’est donnée à moi corps et âme. Jouissance et passion. Je me suis repait de sa chaire de son innocence ainsi que de sa maladresse. Son amour, pur, alors que je ne cessais de le ravi, se joua de moi. Tel est pris celui qui croyait prendre. La Fontaine nous instruit tous les jours, et je m’étonne que ma personne ne fasse pas partie de ces fables. Ma vie en est une. Et alors qu’un premier amour éphémère, le votre, poursuit un enfant-roi, poursuit le sommet, avec ambition et audace, le second, moins foudroyant, plus tendre s’est accaparée toutes mes pensées amoureuses. Chère Agnès, votre cœur de glace vous détruira et c’est avec l’amitié la plus profonde que je vous conseille de cesser ces subterfuges dont vous finirez seule perdante. Le bonheur. Cherchez-le. Quant à moi il s’est présenté sous la forme d’une jeune femme, Lucile. Je ne sais si je me montrerais digne de cet amour. Il m’effraie, il est effroyable parce que puissant. J’ai découvert avec Lucile ce dont les plaisirs de la chaire, avant, m’éloignaient: une amitié complice. Notre affaire n’a plus lieux d’être, car je veux rester constant. Le Libertinage, Manon Lescaut, Don Juan, je n’ai que faire. Je songe au mariage. Lucile est repartie ce matin à Paris, rejoindre son cher père, depuis je me morfonds. Le ciel est sombre, mon âme aussi. Pareil à Oreste, je crains que mon amour ne soit plus réciproque. Hybris. Ce mot me vient à l’esprit alors que la démesure fait rage dans mon être. Je me meurs loin de ma Lucile. Loin de moi. Je ne puis survivre ici-bas. Dès que le lever du jour, je reviendrais. Afin de ne plus ternir ma réputation déjà entachée, je vous prierais de ne plus avoir affaire à ma personne. Votre aura vous dit demi-mondaine et la mienne licencieux. Ma douce amie, j’espère que vos machinations cesseront. Nous ne sommes pas au théâtre et le deus ex machina n’est pas de mise. Aimez le dauphin et que votre esprit calculateur laisse place à une douceur, à une bonté incommensurable. Adieu Comtesse. Adieu amour.

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Missounette
Posté le 01/12/2008
Agnès et Thomas, un couple qui aime se faire souffrir en jouant les jeux délicieux mais dangereux des amours mondaines pour l'une et licencieuses pour l'autre.
Quelle bande de manipulateurs, d'assassins et de tristes stratèges, semant la zizanie et l'opprobre sur leur chemin !
Mais le piège de l'amour tendu par Thomas vient de s'ouvrir sous ses propres pieds, sauvant son âme et son coeur des griffes perverses d'Agnès.
Moins on en dit à cette femme, mieux on se porte car elle utilise toutes les confidences pour se faire une place au soleil.
Tout ce que j'espère c'est que la vipère de la jetset ne va pas se retourner contre Thomas, dévorant au passage la jolie colombe Lucile venue rejoindre son papounet à Paris...
Agnès doit déjà par jalousie, réelle cette fois ci, après avoir lu la dernière lettre, fomenter une vengeance selon sa recette : mots venimeux et poisons mortels...
Mais cela c'est une autre histoire ;-)...
Superbe écriture, on s'y croit vraiment !
La Ptite Clo
Posté le 30/11/2008
Alors. (J'ai presque trois heures de retard sur ma tournée de reviews donc bon...). Je commence par vous deux les filles, pour répondre au plus vite aux questions de notre chère Juju.
J'ai reconnu instantanément vos deux plumes respectives, et je dois vous avouer que pas un instant j'ai décroché de votre correspondance.
Déjà, j'ai toujours été très fascinée par l'ambiance de la Cour durant la monarchie absolue. Je m'imagine même très bien que ce genre de lettres ont été probablement échangées à cette époque. Franchement, ça m'étonnerait d'une femme comme Madame de Montespan ! 
À mes yeux, ce sont deux intriguants, rassemblés par la même envie de régner sur les autres, mais de façon radicalement différente. L'un veut consolider sa réputation de libertin, détruire (c'est un bon mot) l'innocence d'une jeune fille, et l'une, au contraire, frappe haut et fort du côté du Dauphin, mais de façon bien plus hypocrite, bien plus calculée.
Néamoins...oye...j'ai un trou, comment il s'appelle déjà le monsieur ? Euh, bon, on va dire "Le personnage d'Arabella" reste celui qui est le plus humain, et qui reconnait ses erreurs grâce celle qu'il cherche justement à détruire.
Quand à toi Juju, ton Agnès est un personnage vraiment très captivant, surtout par la ruse et l'intelligence machiavélique (okay, ça ne se dit pas, c'est vrai) dont elle fait preuve.
Je peux dire que vos plumes se sont bien trouvées, comme cela a été le cas pour toutes les correspondances présentées. J'ai vraiment adoré. Je ne taris point d'éloges sur vos écritures, mais je souhaite dire à Arabella qui se décourage parfois, qu'elle est vraiment exceptionnelle.
Et je dis la même chose à Juju, dont la plume m'avait manquée. Ma galette, tu as frappé un grand coup comme Agnès en participant à ce concours. C'était écrit que tu y participes, c'était écrit qu'Agnès t'emporte avec elle dans son histoire, et c'était écrit que tu retrouves l'inspiration grâce à ce concours. Je trouve bien dommage qu'une plume comme la tienne eut été gâchée par l'absence des Muses...mais je suis sûre d'une chose : il arrive parfois et même souvent qu'en changeant d'histoire, qu'en prenant une pause d'une semaine ou d'un mois, la plume s'améliore, change, cherche à tester d'autres horizons. C'est pourquoi j'encourage ton projet de fiction originale, car si tu nous épatais jadis, tu nous a bluffés aujourd'hui et demain...ça sera absolument explosif.
 
Nascana
Posté le 06/07/2010
J'ai bien aimé la formulation des lettres, on sait tout de suite où l'on se situe. Cela me rappel les liaisons dangereuse.
L'homme est prit à son propre piège par une jeune fille et la femme reste la manipulatrice détestée.
Cricri Administratrice
Posté le 30/11/2008
Magnifique oO C'est le premier mot qui me vient à l'esprit. On se croirait dans les Liaisons Dangereuses... en différent ! Il m'a semblé reconnaître sous la plume de Thomas des petites touches propres à cette chère Arabella et sous celle d'Agnès la pâte de Juju, mais vous avez en commun toutes deux une grande qualité de l'écriture !
Je me suis régalée de bout en bout, j'étais stupéfiée par vos subtilités, j'ai même appris des mots ! Vos deux plumes se marient vraiment bien ! Bref, un délice *_* (j'ai l'impression d'écrire du boudin maintenant, moi, mdr !)
Félicitations ^^
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