Le sable bruisse sous mes chaussures,
on s’installe sous un arbre maigre,
le rouge du sable, le bleu du ciel,
le chaleur fait faner nos poumons.
Il faut boire.
Eau filtrée, repas, fruit, tout est disposé sur la natte en fils tissés.
Victuailles indécentes dans cette aridité,
contraste obscène.
Le père, la mère, on s’installe, entre nous, entre soit.
Il parle, on écoute. Il râle, on se tait.
La chaleur nous englobe, les insectes nous trouvent,
les gestes s’agacent pour les éloigner.
Eux et nous,
loin de tout.
Paysage hostile.
Arbrisseaux tordus et lisses d’avoir été trop léchés par l’haleine brûlante des vents.
Épineux tortueux, graminées qui se courbent, ocre et lumière.
Je regarde, j’absorbe, cette beauté douloureuse.
On se tait.
Il arrive.
Il se plante devant nous.
Il a dix ans, j’ai dix ans.
On se regarde.
C’est un berger.
Vêtu de rien, les jambes maigres, la peau salie, loin de cette eau si rare,
il nous observe.
A quelques pas il reste là. Debout.
Il nous regarde, nous analyse.
Casquettes, lunettes de soleil, short et chaussures de toile beige...
Lumière intense de ce regard qui reste pourtant doux. Il me fait mal.
Parce qu’il est doux, il me fait mal.
Il s’assoit et nous fixe toujours,
le dos droit.
Le père se lève s’agace, se dirige vers lui,
gestes répétés, de ceux que l’on faisait à destination des mouches,
il l’écrase de son ombre.
L’enfant lève la tête vers lui, si près et si loin à la fois.
Il ne sourcille pas.
Je ne bouge plus.
Le père revient puis repart vers lui avec du pain, lui donne.
Il est debout, l’enfant assis.
D’un geste de la main, brusque, lui fait signe de partir.
L’enfant s’en va.
Je respire mal.
Le père s’assoit, cynique, plein de rancœur face à cet insolent.
Le repas se poursuit.
J’ai mal.
Je ne mange plus, comme souvent.
Le vent.
J’écoute le vent.
L’enfant revient,
réapparu.
Il a les mains chargées de petits fruits ronds,
qu'il tend vers nous.
merci pour ton commentaire... Je suis touchée que tu aies perçu également la détresse de la narratrice (en plus de l'abjecte de la situation...). Le terme d'esquisse que tu as utilisé résonne pour moi... C'est ce que je ressens de ce texte, alors même que je n'en avais pas pris conscience...
Merci,
Lyse
J'aime beaucoup ton histoire poétique ! Le mélange pauvre/riche est très agréable à lire car très actuel. Malgré tout, à certains moments tu es trop éparpillé et on se perd un peu. Une bonne relecture suffira je pense.
Continue comme ça !
Trisanna ;)
Lyse
J'ai apprécié lire ton premier poème/histoire.
La confrontation entre la pauvreté (généreuse) et l'abondance de richesse (importuné par la pauvreté !
C'est très représentatif de notre société. Les riches donnent aux pauvres du bout des doigts en pensant être de grand prince...
Je lirai la suite avec curiosité :)
A bientôt
Lyse
J'aime beaucoup l'idée de lettres (qui n'en sont pas vraiment, en tout cas pas dans le sens écrites par un expéditeur et envoyées à un destinataire - je me trompe ?). Ce brouillage va de pair avec la forme, entre poésie en vers et récit d'habitude raconté en prose.
Quant au sens, les actions des personnages suffisent à retranscrire les ambiances, les relations, et le côté dérangeant de l'homme, qui vient interrompre une espèce de magie rien que par sa présence et son mécontentement.
Bref, beaucoup de sensations et de légèreté ! Merci beaucoup, et à bientôt ;-)
Merci pour votre commentaire. C'était mon premier..: J'étais très émue. Merci.
L'idée de lettre est effectivement un prétexte... Un moyen de m'adresser à mes idées, mes réflexions, mes sensations... Elles n'ont effectivement pas de destinataire en particulier, à part un lecteur de passage... Mais bizarrement, ce support me parle vraiment, c'est une espèce d'évidence quand j' écris ces "lettres"... Je me sens en accord avec moi-même, dans ces moments d'écriture... Alors merci pour les compliments que vous m'en avez fait.
A bientôt j'espère
Lyse