Chère sœur,
Comment vas-tu ? Pas trop épuisée par ta grossesse ? J’ai le plaisir de t’annoncer que je serai présent pour la naissance de ma nièce ou de mon neveu. J’ai obtenu deux semaines au pays en récompense de mon travail pendant les élections. Mme de Manze prétend que c’est grâce à moi qu’elle a été élue. Mes articles ont fait beaucoup de bien à sa popularité. J’ai cependant quelque chose de plus important à faire avant.
J’épouse Viviana demain à dix heures, et je l’emmène avec moi en voyage de noces. Nos sapins et nos rennes gras lui assureront un dépaysement face à ses oliviers et ses maigres chèvres. Ce sera le plein été, les nuits seront courtes, nous irons nous promener. Tu lui feras un bon accueil, n’est-ce pas ?
J’ai bien peur qu’elle te prenne pour une vulgaire campagnarde plus intéressée par ses vaches que par ce qui se passe autour d’elle. Elle est romaine et fière de l’être ; pour elle les autres femmes sont des barbares. Tu lui colleras sous les yeux les images insolentes de ta réussite, ta vigoureuse fille, tes champs fertiles et ton mari dont tu chantes les louages à raison. Knut et moi nous échapperons acheter des recueils de poésie et ne reviendrons que lorsque vous aurez atteint un accord. Nous parlerons en suédois pour la faire marcher. Elle n’en comprend pas un mot. Qu’en penses-tu ?
Ainsi, lorsque tu me reverras, je serai M. Francanelli. J’aurais pu espérer être un M. Langlois, il n’y a pas si longtemps que ça, mais je ne crois pas que cela m’aurait plu. J’ai croisé le nouveau tenant du titre au parc, avec cette chère Madeleine. Ils vont avoir un bébé à la fin de l’été, à peu près en même temps que toi. Je suis assez impatient de voir de qui tiendra l’enfant. Son père est plutôt bel homme, je trouve. Mais assez de ragots.
En attendant notre arrivée, salue bien la famille de ma part et de celle de ma fiancée et reste assurée du dévouement d’un frère à sa sœur.
Axel Ingasson Dautrieux