Un sourire ondule sur ses lèvres. Une tendre joie danse dans ses yeux. Les mains serrées dans les poches, la jeune femme marche, presque sautillante. Elle sent son cœur battre au rythme de sa musique ; les pulsations martèlent sa cage thoracique sur le son de la grosse caisse. Un peu dans un monde à part, dans une bulle musicale, elle organise ses pensées. Une seule ne veut pas se discipliner, une seule tourbillonne incessamment, une seule s’amuse à la submerger. Elle va le revoir. Encore quelques rues à parcourir et… La hâte lui serre le ventre. Elle se demande comment réagir… Courir vers lui ? Lui faire signe ? Demeurer impassible ? Oh, et puis, elle improvisera ! Son cœur s’envole alors qu’elle retient ses pieds de s’élancer.
Au tournant, elle s’arrête, hésitante. Sa main tremblante sur sa poitrine, elle régule son souffle précipité. Sous ses doigts, son pouls s’emballe. Une inspiration profonde… lentement… une expiration fluette, incontrôlable. Son corps est parcouru de tremblements d’impatience d’une agréable nervosité. Il faut se calmer. Fébrilement, elle réajuste son béret, tortille au passage quelques mèches, lisse son pantalon, retrousse les manches de sa chemise et… elle reprend sa marche. La musique caresse ses tympans. Peut-être devrait-elle enlever ses écouteurs ? Délicatement, elle arrête la mélodie et range son téléphone. Ses pas résonnent sur le bitume fissuré. Quelques bourdonnements de moteur s’éloignent. Un sourire glisse sur son visage. Elle pince ses lèvres. Elle ne doit pas trop en montrer.
Sur la place où ils ont rendez-vous – bientôt… elle est arrivée trop tôt – il règne une ambiance apaisante. Quelques pigeons roucoulent, des enfants gambadent et des rires chantent. L’exquise attente l’enveloppe. Elle amène sa main à sa bouche, s’apprête à ronger son ongle, s’arrête, plie son poing et le fourre dans sa poche. Ses jambes tressautent malgré ses tentatives désespérées de se calmer. Ses yeux guettent chaque visage précipitamment. Elle souffle, clôt un instant ses paupières. Il n’a qu’une minute de retard. Et puis, c’est peut-être son téléphone qui est en avance.
Puis une silhouette se détache des autres. Abasourdie, elle n’ose esquisser un mouvement. Elle entrouvre la bouche mais n’ose l’appeler. Elle n’ose même pas franchement le contempler : elle l’admire à la dérobée. Son souffle si rapide s’est coupé, à l’étroit dans sa gorge. L’émotion se forme devant ses pupilles dilatées.
Et leur regard se croise.
Sourire spontané.
Bras tendus.
Rouge aux joues.
Cœur papillonnant.
Frissons sensibles.
Dans ses bras.