Livre 3 - Chapitre 39 - Fin

Notes de l’auteur : Voilà ! voici la fin du premier jet du premier livre du Sang de l'Impératrice !

Vous noterez que cette fin est plutôt baclée, surtout en ce qui concerne la rédaction... C'est parceque je doute encore de la trame principale. Pour moi, des éléments manques et je ne saurais dire lesquels car j'ai énormément d'idées... mais j'ignore où les placer.

Si certains éléments sont trop faiblards ou manquent de détails, n'hésitez pas à me le dire en commentaires ! Je compte dans tous les cas étoffer avec plus de descriptions à certains passage pour ancrer plus l'univers, je pense également rajouter un passage entre Oriana et Dusan, mais aussi entre Veerhaven et Garance. J'hésite également à rajouter un chapitre axé sur Léonie sur la fin de l'oeuvre.


Merci de votre lecture !!

Un fiacre déposa Giselle au pied d’une petite auberge, dans une rue fréquentée de Lengelbronn.

— Joren m’a dit de vous abandonner ici… apparemment, il y a un paquet pour vous, à l’intérieur. Nous nous verrons demain, à la cathédrale. J’ignore quand nous pourrons nous parler de nouveau, mademoiselle Roding… Mais je tenais à vous remercier du fond du cœur. Vous êtes une personne formidable et je suis heureuse de vous avoir pour amie. Je prie pour que toute cette histoire se termine avec la meilleure des fins, mais dans tous les cas, n’hésitez pas à m’écrire…

— Oh, votre Eminen… Lauvia, c’est tellement gentil de votre part, je… vous aussi vous êtes une personne…

Giselle cafouilla, tous les adjectifs de la terre ne semblaient pas à la hauteur de ce qu’elle pensait de la cardinale. Il lui apparut qu’on lui avait sans déjà déclaré maintes fois les mêmes mots grandiloquents et ne voulut pas paraître trop complaisante.

— Merci à vous, Lauvia, décida-t-elle de simplement répondre.

Elle serra les mains de la religieuse, cette dernière lui adressa un regard rempli de gentillesse puis l’a prit naturellement dans ses bras.

Les deux jeunes femmes se quittèrent avec effusion et se firent de grands signes, tandis que la voiture disparaissait dans le coin de la rue.

Giselle se retourna, le cœur soudain léger et entra dans l’auberge où une chambre lui était réservée.

La tenancière la guida dans un étage et la jeune femme découvrit effectivement sur la table de nuit un paquet brun, enveloppé d’une simple cordelette blanche.

En l’ouvrant, un message glissa sur le parquet, aux lettres penchées et appuyées. Elle reconnut sans le vouloir la main de Joren :

Mademoiselle,

Après le succès dans votre rôle femme âgée et de mauvais caractère, les atours d’une jeune demoiselle vous iront à merveille.

Votre vive perception nous aidera à mettre des noms sur les visages que vous verrez dès demain à la cérémonie. Si vous voyez quelque chose d’inhabituel, mon capitaine de la garde, portant une broche ressemblant à une patte de lion, vous prêtera une oreille.

Vous trouverez quelques feuilles de valériane, pensez à vous pincer le nez entre chaque goulée.

J.

La lettre du prénom était joliment manuscrite et Giselle ne put s’empêcher d’étudier l’écriture, avant de plier consciencieusement le papier pour le ranger dans ses effets personnels.

Elle étendit les vêtements, qui étaient composés d’une petite robe de deuil et d’un bonnet noir.

Des habits d’enfant, ben voyons…, maugréa-t-elle en constatant avec mauvaise grâce qu’ils étaient parfaitement à sa taille.

Ankylosée par le voyage et épuisée Giselle prit tout de même la peine de se changer et d’aller se promener dans les rues animées de la ville.

En posant ses petites chaussures vernies sur les pavés gris, il lui apparut redécouvrir les trottoirs, les allées encombrées et les sons frénétiques de l’activité humaine. Elle qui s’était tant éloignée de la capitale, se retrouvait à nouveau plongée dans son ventre, ignorée de tous et anonyme.

Je me demande si Clovius se porte bien ainsi que certains membres du personnel… est-ce que je leur manque, dans le fond ?

Profitant de cette indépendance nouvelle, elle mangea une gaufre en s’asseyant sur un banc et respira ce qui lui semblait être le parfum de la liberté.

Ragaillardie par l’animation des passants et des voitures, elle décida de prendre quelques heures à marcher sur les grands boulevards, désireuse de voir la cité sous un angle qu’elle n’avait encore jamais découvert.

Après plusieurs heures passées en flâneries au Jardin botanique puis à la bibliothèque, elle rentra à l’auberge et parti se coucher. Plusieurs fois, elle s’était retenue d'aller en direction de la maison, son esprit se tourna naturellement vers des trajets qu’il connaissait. Ses réflexions ne purent s’empêcher de germer :

Comment se porte le château de Comblaine ? Quels sont les nouveaux projets de Thanberg ? Est-ce que les vendanges et les moissons se sont bien déroulées en Hautebröm ? Iphigénie a-t-elle suivi les consignes que je lui ai laissées ? Léonie dépense tant d’argent… A-t-elle osé changer les tapisseries de ma chambre ?

Au bout de quelques heures à tourner dans son lit, la jeune femme du se résoudre à faire infuser la valériane. L’odeur acide se répandit dans la pièce et elle ouvrit la fenêtre pour aérer.

Enfin, elle avala la boisson chaude d’une traite et grimaçante, ferma les yeux jusqu’à ce que le sommeil l’emporte.

Giselle s’éveilla tôt ce matin-là. Elle ne croisa personne dans l’auberge, les clients ainsi que les patrons étaient déjà tous sortis, prêts à voir le cortège funéraire passer.

Sa robe courte lui permit d’avancer rapidement, du monde s’amassait sur les trottoirs.

À l’entrée de la cathédrale, où devait se dérouler la cérémonie, une foule gigantesque se tenait serrée.

Giselle fronça les sourcils, cherchant un moyen de traverser.

Grâce à sa petite taille, elle joua des coudes. Au bout de longues minutes, elle arriva face aux immenses portes de la cathédrale.

Déjà, de nombreux nobles étaient présents. Le cœur de Giselle flancha : comment vais-je réussir à entrer ? Même eux ne vont pas trouver de place, malgré les invitations.

Hésitante, elle s’avança. Une main lui saisit pourtant le collet :

— Et bien, gamine, que fais-tu ici ? questionna un capitaine, la mine renfrognée.

On adressa à Giselle des regards outrés. La jeune femme redressa la tête et reconnut, mortifiée, le Capitaine des chevaliers Ottmen. Elle détourna les yeux vivement, cachant son visage.

— Ah, la voici ! fit soudain une voix dans la foule

— Laissez-la passer ! s’écria une seconde.

Un couple de nobles surgit de derrière la porte, leurs teints dorés et chauds ne laissaient aucun doute sur leurs origines.

— Votre Excellence…, s’embrouilla le garde.

— C’est notre nièce, fit l’homme avec un fort accent arbisil.

Le capitaine se tourna vers Giselle, décontenancé. Pris au dépourvu, il ne reconnut pas la jeune exilée. Sa carnation claire et ses yeux gris n’avaient effectivement rien d’exotique. Face à l’insistance des deux dignitaires, il relâcha sa poigne.

Giselle se précipita vers les deux inconnus, l’épaule douloureuse.

La jeune fille articula dans leur langue.

— Je vous remercie, sans vous jamais je n'aurais pu entrer.

— Ce n’est rien, venez, Danil nous a informés que vous serez ici.

Ne comprenant rien à leur échange, le capitaine Ottmen les laissa passer.

La dame saisit la main de Giselle dans la sienne et telle une enfant, la guida dans la cathédrale.

L’ambiance solennelle serra la gorge de la jeune exilée. À l’intérieur, seule une lente musique se faisait entendre.

Des prêtresses s’inclinèrent devant eux, la foule, compacte, faisait place pour les deux étrangers, qui prirent les escaliers menant aux étages. Giselle comprit que le couple était des diplomates.

— Vous êtes des membres de la famille de Brasidas ? demanda-t-elle en observant une ressemblance entre la femme et l’ami de l’héritier.

— Oui, c’est mon cousin. Mais je ne peux vous en dire plus… moins nous en savons, mieux c’est pour tout le monde. Tenez.

L’arbisienne lui donna un petit calepin avec un crayon, Giselle se rappela qu’elle devait noter les noms des personnes présentes dans l’assemblée.

Ils s’assirent au milieu d’autres invités. La vue, bloquée par de nombreuses colonnes et coiffes de dames était largement encombrée. En contrebas, les visages étaient aussi difficilement reconnaissables. Chacun portait des tenues noires et des chapeaux sombres. Seules les prêtresses se détachaient, silhouette ocre, jeune et blanche.

Giselle savait déjà que la cérémonie allait se dérouler pendant plusieurs heures. Il fallait que la foule prenne place, puis que la papesse Hildgarde fasse son entrée dans un convoi. Plus tard viendrait le corps d’Auguste, lentement, prenant le temps d’être acclamé par les dalsteinis durant la procession.

Une longue messe s’en suivrait, accompagné par des discours et des chants. Une seconde messe aurait lieu, pour prier au sort de Dalstein. Enfin, les hommages seraient rendus par la famille impériale et le corps de l’empereur serait évacué pour être mis en terre de manière plus intime. Viendraient ensuite les derniers recueillements et remerciements envers la Mère et Ronia, déesse de la mort et de l’hiver.

Pour finir, Joren devrait se faire arrêter une fois sorti de scène…, songea Giselle.

La jeune femme expira lentement, la matinée s’annonçait longue et éprouvante.

L’immense arbre au fond de l’allée et les vitraux colorés s’illuminèrent soudain, un chœur commença à chanter et une douce mélopée s’éleva sous les arches de pierres. De nombreuses décorations embellissaient les arches et les vitraux. Des bouquets de fleurs et de branche de peupliers étaient fixés sur les chaises, les bancs et les statues. Un parfum de résine flotta dans l'air.

Giselle ne fit pas erreur dans le programme, la Papesse Hildegarde entra à petits pas dans la cathédrale. Âgée et quasiment impotente, la vieille dame eut du mal à se déplacer jusqu’au pied de l’arbre de la mère. Ses lourdes robes chamarrées l’appesantissaient dans ses mouvements, la faisant presque choir. Derrière elle, plusieurs rangées de cardinale suivaient. Giselle reconnut le magnifique visage de Lauvia.

Des flashs d’appareils photo éblouirent les invités et quelques prêtresses, les journalistes, enfiévrés par l’évènement, s’attelaient à immortaliser la scène.

Hildegarde commença l’office d’une voix légèrement tremblante et inaudible.

Personne n’entendit rien, mais tout le monde continua a faire silence dans le plus grand respect.

La jeune femme se pencha en avant, scrutant les visages. De nombreux nobles portaient des jumelles au bout de leur nez, désireux de suivre la cérémonie de façon la plus précise possible. Dans un angle, elle reconnut sa famille.

Son père, vouté, semblait vieilli de dix ans et Iphigénie, toujours aussi raide et sèche, se tenait droite à ses côtés. Fraiche comme une rose, Léonie était assise presque nonchalamment, tournant légèrement la tête vers l’extérieur. Sa robe noire, magnifique, était parsemée de petits rubans rouges. Giselle eut une mine dégoutée lorsqu’un journaliste s’approcha d’elle en la prenant en photo.

— Par les Dieux, mais son décolleté est indécent ! Il n’y a donc personne pour la conseiller convenablement ?

Elle remarqua cependant avec satisfaction que d’autres nobles regardèrent Léonie se faire photographier avec des expressions désabusées.

Enfin, le corps d’Auguste arriva à l’entrée de la cathédrale et l’ambiance solennelle changea brutalement. L’émotion gagna la gorge de Giselle et comme des milliers d’autres sujets de son pays, des larmes roulèrent sur ses joues.

La musique souleva son cœur et des souvenirs affluèrent dans sa mémoire, elle chanta avec l'assemblée les cantiques des Dieux et se signa.

Votre Majesté, puissiez-vous reposer en paix aux côtés de Carolina et d’Ulrika… Malgré les événements qui se déroulent aujourd’hui… J’espère que là où vous êtes, vous savez que je n’ai jamais trahi l’Empire. Je souhaite que vous puissiez découvrir le destin de Dalstein et qu’il n’est pas trop sombre…

Elle oublia presque de regarder la famille impériale qui fermait le cortège. Giselle reconnut quelques membres des Fretnarch et elle se figea en voyant Dusan.

Grand, toujours séduisant et bruns de cheveux, son visage contracté témoignait de sa forte émotion.

En voyant sa longue silouhette élancée, son expression pleine de mépris, cachée derrière un masque impassible et ses yeux sombres, Giselle réalisa qu’elle n’avait jamais aimé de lui qu’une image miroitée.

Toutes ses sinistres pensées s’envolèrent subitement, elle le découvrit pédant et insupportablement guidé. Sans le vouloir, elle parvint à lire toutes les réflexions de son ancien fiancé :

Il est dégouté de savoir Joren à ses côtés, la peine laissée par disparition de son père est uniquement concentrée sur sa colère. Par Menée, quelle attitude puérile… Jamais il ne souhaitera croire que son frère est innocent, son arrogance et son ambition se voient trop sur son visage.

Au passage de Dusan, Léonie releva les yeux, mais le jeune prince l’ignora. Damjan, ses longs cheveux coiffés en arrière, était perdu dans le vague. GIselle comprit qu’il avait sans doute noyé sa peine la veille dans de grandes rasades de vin. Un instant, le Second Prince redressa la tête et son regard croisa le couple qui accompagnait Giselle. Ils lui firent un salut de la main.

— Vous connaissez Damjan ? souffla la jeune femme, qui s’était ramassée sur elle-même.

— Bien sûr, il a déjà séjourné chez nous…, répondit l’homme dans sa langue.

— Un grand romantique, cet homme…, ajouta la dame. Mais ne craignez rien, c’est Danil que nous soutenons.

Enfin, son regard se posa sur Joren et le cœur de Giselle se serra. Les cheveux coupés et coiffés correctement, la barbe rasée et en uniforme de cérémonie, il ne ressemblait en rien au marin qu’elle avait vu ronfler dans une cale à bateau.

Les trois frères s’alignèrent de l’autre côté de la couche mortuaire et Hidelgarde prit place au milieu, d’une voix frêle, la vieille dame commença les sacrements.

La jeune exilée ne put s’empêcher de les comparer tous les trois. Joren, blond et large de stature, avait un charme naturel.

— Dieux, quel bel homme ! murmura une dignitaire de Skadiali, je ne l’avais jamais vu auparavant.

— Il est bien plus viril que ses frères… Un petit trop, même.

— C’est vrai qu’il ne ressemble à personne dans cette famille. Remarque, les deux autres sont également fort charmants.

Des chuchotements s’élevèrent parmi les ambassadeurs étrangers.

Joren se leva et dans un silence général, lu à haute voix un texte religieux.

Son ton, incroyablement puissant, raisonna dans toute la cathédrale et fit sursauter les spectateurs qui piquaient du nez depuis longtemps. Droit, martial et pourtant plein de sincérité, il rendit hommage à son père puis se rassit sous le crépitement des appareils photo.

Giselle put voir Damjan et Dusan se tortiller sur leurs chaises.

Damjan parla à son tour, la voix brisée par endroit, sans doute à force d’avoir abusé de boisson la veille. Un léger silence crispé lui répondit, couvert par les bruits des photographes.

Puis Dusan se leva et chaque personne sentit sa détermination. Avec éloquence, il donna vie au texte et s’agita même un peu, quittant quelques instants sa posture pompeuse. Giselle le regarda faire. À une époque, elle aurait été subjuguée par son charisme et son charme rempli d’esprit. Aujourd’hui, elle le trouva aussi faux et insipide qu’un verre de petit lait coupé d’eau.

Il en fait trop, on dirait qu’il hurle pour qu’on remarque sa présence… Suis-je la seule à m'apercevoir de ça ?

La cérémonie reprit, Giselle, lassée des chants à répétition, détourna le regard. Son attention tomba subitement sur un visage familier.

Mais… ce n’est pas l’intendant de Hautebröm ? pensa-t-elle en se penchant en avant.

— Excusez-moi, demanda telle à la dignitaire arbisienne. Auriez-vous une petite paire de jumelles ?

— Bien sûr, répondit la dame, tenez.

La jeune femme porta l’appareil au bout de son nez et plissa des yeux.

C’est bien lui ! Que Kertion me foudroie, ce n’est pas par hasard…

Consciencieusement, Giselle observa de nouveau les personnes qu’elle pouvait apercevoir et commença à mettre des noms sur chaque noble qu’elle reconnaissait. Certains d’entre eux, venant sans aucun doute de province, ne pouvaient pas être identifiés. Mais la jeune femme rassembla toutes ses connaissances :

Lui est habillé étrangement… voyons, il fait signe à l’intendant…

Elle fixa les individus qui ne semblaient pas concentrés sur l’office. Son cœur rata un battement lorsqu’elle reconnut également le chasseur qui l’avait poursuivi dans les bois.

Ils sont affublés comme des riches, qu’est ce qu’il trafiquent ?

Elle déglutit soudain : et s’ils savaient qu’elle était ici ?

Elle retira ses jumelles et regarda autour d’elle. La jeune femme constata que d’autres spectateurs se penchaient en avant, observant quelque chose.

— Que se passe-t-il ? chuchota le dignitaire arbisien.

— Je ne sais pas, on dirait que des personnes s’agitent en bas.

Giselle se redressa immédiatement. Elle quitta la rangée, poussa les gens assis.

— Je dois m’assurer de quelque chose, souffla-t-elle aux deux arbisiens avant de partir.

Giselle descendit les marches lentement, sans faire de bruit. Ses chaussures plates lui permirent d’avancer rapidement. Elle rasa les murs de la cathédrale et se dirigea vers le fond de la salle. Cachée par son déguisement, personne ne lui prêta attention.

Le capitaine de la garde a une broche en forme de patte de lion…, se remémora-t-elle..

Sous les arches, elle était invisible. Rapidement; elle chercha des yeux un des gardes de Joren et en trouva un, les sourcils froncés et semblant lui aussi écouter l’agitation qui commençait à se faire entendre vers le devant de l’autel.

Elle lui fit signe, le soldat la fixa quelques instants puis lui fit permit d'approcher :

— Quelque chose se trame, souffla-t-elle. J’ai reconnu des hommes qui n’ont rien à faire ici.

— Il apparaît que c’est une femme qui a fait un malaise. Restez là, dites-moi à quoi ressemblent ces types.

Giselle chuchota la description au creux de son oreille et le capitaine c’en fut.

Il revint quelques minutes plus tard :

— C’est bon, nous les arrêterons à la fin de la cérémonie.

Les chants s’élevèrent à nouveau et le corps d’Auguste quitta la cathédrale.

La dernière partie des funérailles débuta, au soulagement de beaucoup de monde. Plus près de l’autel, la jeune femme pouvait sentir les effluves de l’arbre gigantesque, siégeant au milieu de la coupole de verre.

— Comment allez-vous faire évacuer Joren ? demanda Giselle, tout bas.

Les chants et les prières chevrotantes d’Hildegarde couvraient leurs voix.

Le garde se pencha pour lui répondre.

— Joren Primtis est un innocent ! hurla soudain une voix. Que justice soit rendue, le peuple ne se pliera pas ! Gloire à l’Héritier ! Gloire à la Gueule de Lion !

Des vociférations se firent entendre, des chaises tombèrent, les mélodies et la musique cessèrent.

Le garde abandonna Giselle et se mit à courir en direction de la voix.

— Par les Dieux, évacuez, évacuez ! s'écria quelqu'un.

Giselle s’approcha, derrière les colonnes, elle ne vit pas grand-chose, mis à part une marée de personnes, toute vêtue de noire qui reculait subitement en criant.

— Joren est le seul successeur de l’Empire ! cria de nouveau la voix.

— Saisissez-le ! ordonna quelqu'un en retour.

— Attention ! hurla une femme.

Une explosion énorme suivie d’un souffle surpuissant secoua la bâtisse.

Giselle se boucha les oreilles, cachée derrière le pilier de pierre. Un horrible bruit de verre et des hurlements assourdissants se répercutèrent. Le sol se mit à trembler, la jeune femme, ayant perdu l’équilibre, se redressa tant bien que mal, essayant de se maintenir.

L’air devint subitement obscur et la lumière du jour se retrouva masquée. Aveuglée, le coeur battant, Giselle tâtonna contre les parois gravées de pierre.

Un craquement terrible se fit entendre,

L’arbre ! Il s’effondre !

Giselle regarda aux alentours et se précipita en avant. Devant les portes, les visiteurs s’amassaient, se marchant dessus et piétinant tout sur leur passage. Leur brusque panique empêchait toute sortie.

Une odeur de brûlis et de fumée attrapa Giselle à la gorge. La jeune femme chercha une échappatoire et se fit bousculer par des gens paniqués.

Sous ses yeux horrifiés, un groupe de personnes allongées, les vêtements déchiquetés, s’étalaient pratiquement au milieu de l’allée. L’arbre sacré, en flamme, s'embrasait atrocement.

— Les combles ! Les combles de la cathédrale, il faut fuir, tout va s’effondrer !

Giselle releva la tête, déjà des piliers gravés se délitaient.

Le souffle a ébranlé les arches !

Elle tourna sur elle-même et aperçut au loin Damjan et Dusan se faire évacuer par le seul accès disponible. Son instinct la poussa à faire plusieurs pas pour les suivre.

Une énorme main se posa subitement sur son épaule, en se retournant, elle vit le visage du chasseur l’ayant poursuivi à Hautebröm :

— J’y crois pas, je vous retrouve ici !

— Non ! cria Giselle, dont la voix se perdit en échos.

L’homme lui saisit les poignets et un gémissement de douleur sorti de ses lèvres.

Giselle se débattit brutalement, s'efforçant de ne pas respirer les nuages de fumée. De ses jambes, elle lui percuta les genoux, des larmes de rage dans les yeux, essayant de lui mordre les mains. Elle sentit ses dents arracher sa peau et dans sa bouche le gout du sang. L’homme se dégagea et lui balança un coup si violent qu’elle chuta à terre.

Giselle regarda brièvement autour d’elle, déjà, une partie des poutres tombaient en morceaux du plafond.

Son agresseur se baissa vers elle et la saisit par la gorge, légère, il la souleva d’une main et se dirigea vers une porte dérobée.

Il va me tuer ici et emporter mon corps…, réalisa-t-elle.

Les pieds dans le vide, la jeune femme rua du mieux qu’elle put.

Elle ferma les yeux, cherchant le moindre souffle d’air.

Elle tomba brusquement au sol, l’homme la relâcha violemment et bascula en arrière. Crachotant, Giselle se releva en vacillant pour découvrir Joren.

— Qu’est-ce que vous faites ici ? demanda-t-elle. Vous devez partir !

— La voix est bloquée, mes hommes sont en train de se battre avec la garde de Damjan. Nous sommes coincés ! Les issues sont gardées, d’autres sont effondrées !

— Par les Dieux, dit-elle en ne pouvant s’empêcher de se tenir la gorge.

Joren saisit la tête de l’homme et lui fracassa le crâne d’un coup sec. D’un geste vif, il jeta au loin une coupe dorée, dont le socle en marbre était à présent couvert de sang.

— Vous allez bien ? demanda-t-il en s’approchant.

— Ne me dites pas ce que c’était votre plan pour vous échapper ? hurla-t-elle d’une voix cassée.

— Bien sûr que non ! Vous êtes aussi têtue que Menée ! s’écria Joren en se retournant, nous allons briser un vitrail et sortir par la fenêtre !

Son costume brodé était taché de sang par endroit et une de ses tempes était gonflée. L’odeur de l’Héritier envahit encore Giselle, subitement bien plus forte que celle de brulé.

Une nouvelle secousse fit trembler les murs, ils perdirent de nouveau l’équilibre. Joren se redressa en se tenant aux parois.

— Une arche vient de s’écrouler… Le toit est en train de tomber… vous devrez…

Un craquement assourdissant jaillit du ciel, ils levèrent les yeux aux plafonds. Un morceau de pierre se détacha, suivi d’un autre. Ils se mirent à courir. Un terrible bruit de verre brisé éclata au-dessus d’eux. Les fragments de la coupole chutèrent. Joren attrapa la jeune femme par le bras.

Giselle ne put s’empêcher de le repousser arrière en hurlant :

— Joren !

La jeune femme sentit un choc contre son crâne et tout son corps se ratatina sous le poids des gravats. Étourdie par la douleur, l’air expulsé par ses poumons compressés, Giselle perdit connaissance.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
hannah.gurnard
Posté le 05/06/2022
J'ai hâte de lire la suite ! Il y a une suite hein ?
De l'intrigue principale aux histoires des personnages, on en redemande.
C'est vrai que parfois on ne comprend pas toujours les changements de points de vue mais ça reste très bien dans l'ensemble.
Pour une première lecture sur PA, j'ai adoré !
Livia Tournois
Posté le 23/09/2021
Tout d'abord merci pour ton histoire dont je n'ai cessé de vanter les mérites au fil des chapitres. Tu as demandé un oeil constructif sur cette fin, donc je me lance. Bon, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on reste sur notre faim. Rien n'est réglé, ni dévoilé et la fin est abrupte. Peut être faudrait-il un épilogue pour ouvrir sur la piste d'un second tome ? Les derniers chapitres où on se serrait attendu à des révélations et de l'action épaississent encore le mystère. On est en attente sur cette fin et finalement on n'obtient pas de réponse. Ça peut tout à fait être un moteur pour un prochain tome de laisser le lecteur sur de la frustration ceci dit. Le fait que Giselle passe pour une enfant me laisse un peu dubitative, à moins si elle fait vraiment un mètre de haut. En tout cas tu as mis beaucoup d'enjeux en place et on s'attend à avoir quelques réponses. Prend le temps de faire une pause avec ton premier jet, c'est souvent bénéfique. Le reste de l'histoire est déjà bien construit :)
AnneRakeCollin
Posté le 24/09/2021
Ah merci ! J'ai justement fait une pause de pratiquement un mois mais je bloque toujours un peu car je sens que des éléments ne vont pas mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus (comme par exemple, le déguisement, effectivement meme si Giselle est petite, cela ne fait probablement pas crédible, je peux changer ca en lui donnant un uniforme de traductrice pour les dignitaires étrangers)
Concernant la fin, je pensai rajouter un chapitre où Joren retrouve la famille impériale autour du corps d'Auguste. Ils annoncent à Joren qu'il sera arrêté pour être interrogé après la cérémonie car tout le monde a lu le journal... et Joren répond qu'il est innocent et qu'il ne finira pas comme Giselle, du coup il dévoile le fait qu'elle a été descendue par un complot et qu'il a toutes les preuves pour le démontrer (on voit les réactions de Dusan et Garance). Est-ce que tu penses que ce sera suffisant ? J'ai effectivement peur qu'il n'y ait pas assez de suspense pour la suite, je trouve l'histoire molle :(
Livia Tournois
Posté le 24/09/2021
Tu as fait monter la tension sur les derniers chapitres et effectivement on attend un peu d'action. L'idée de la confrontation en est une bonne, comme celui de nous donner une dernière foi des nouvelles de Léonie, savoir ce qu'elle pense de tout ça, et comment on lui a demandé d'agir. Concernant le dossier envoyé par Giselle, c'est pour brouiller les pistes n'est ce pas ? Ou alors présente-t-elle les conclusions tirées de l'étude du mouchoir ? Je maintiens que l'idée d'un épilogue serait pas mal pour mettre le lecteur en attente de la suite :)
AnneRakeCollin
Posté le 24/09/2021
D'accord ! Oui j'hésitais aussi à faire un chapitre avec le retour des Madalberth et une réunion entre Garance, Léonie et Iphigénie ! Bon, très bien sais quoi faire !!
Vous lisez